Guy Pearce brille en faussaire qui a trompé Goering dans « The Last Vermeer »
Sorti dans quelques salles américaines, ce thriller sur l'un des escrocs les plus talentueux de l'histoire met en lumière l'antisémitisme qui a persisté à Amsterdam après 1945

NEW YORK – Le plaisir que vous éprouverez lors de la première heure de « The Last Vermeer » se mesurera peut-être à votre familiarité avec le nom de Han van Meegeren. Si, comme moi, vous n’aviez jamais entendu parler de ce personnage anecdotique dans l’histoire néerlandaise de l’après-guerre, vous vous diriez peut-être : « Tout cela est très intéressant, mais pourquoi en faire un film ? » Puis vient le « Aaaaaah, d’accord ! »
Han van Meegeren fait l’objet d’un film parce qu’il a probablement été le plus grand faussaire de tous les temps. Il a créé et vendu avec succès plusieurs tableaux à certaines des personnes les plus prestigieuses du monde de l’art, les faisant passer pour des œuvres perdues du maître de l’âge d’or du 17e siècle, Johannes Vermeer. Et il s’en serait tiré aussi s’il n’en avait pas vendu un, à un prix énorme, à Hermann Goering. (Goering cherchait peut-être simplement à impressionner son patron, Adolf Hitler, qui possédait deux Vermeer, dont l’un volé à la famille Rothschild.)
À la fin de la guerre, un Juif hollandais, résistant des forces canadiennes, nommé Joseph Piller, faisait partie d’une équipe d’enquête sur les biens spoliés. Il a arrêté van Meegeren sous le prétexte de collaboration avec l’ennemi, et pour avoir gagné le jackpot en vendant l’un des grands trésors de la Hollande. Avec le temps, Piller est devenu son plus grand défenseur.
Raconter l’histoire d’un faussaire demande certains talents d’interprète. L’acteur britanno-australien Guy Pearce, l’un de ces comédiens qu’on a vu dans un milliard de films mais qui n’a jamais vraiment incarné de rôle marquant, est remarquable dans le rôle de l’escroc effronté, charmant, mais pas vraiment digne de confiance. Chaque dialogue, chaque expression faciale est à deux doigts du surjeu, mais Guy Pearce sait jusqu’où il peut arquer ses sourcils avant de rompre le charme. Alors qu’il raconte sa jeunesse en tant qu’artiste, croisant le fer avec ses détracteurs, et plus tard en assistant à des fêtes pendant l’occupation nazie, il y a cette sophistication du « tout voir, tout faire » qui serait insupportable dans la vie réelle, mais qui est délicieuse dans un film.
L’acteur néerlandais Claes Bang est plus direct dans le rôle de Piller. Le personnage est un Juif qui essaie de trouver une certaine normalité dans le chaos d’Amsterdam, toujours sous occupation alliée. Retrouvant sa femme et son enfant, il se rend compte qu’elle, qui n’est pas Juive, a pu rester en vie pendant le conflit. (Elle est blonde et belle, alors je vous laisse la découvrir.) Bien qu’il n’y ait pas beaucoup d’activité juive manifeste dans le film, une scène dans laquelle Piller allume les bougies du shabbat avec son fils est frappante. Même si la guerre est finie, il les garde cachées dans un étui.
Van Meegeren risque d’être exécuté pour sa collaboration, ce qui, si les tableaux sont des faux, serait injuste. De plus, il y a l’idée que s’il a fait fuir l’un des pires monstres de l’histoire, il est peut-être en fait une sorte de héros ?
Le réalisateur Dan Friedkin et les scénaristes James McGee, Mark Fergus et Hawk Ostby (ces deux derniers étant surtout connus pour « Iron Man » et la série de science-fiction « The Expanse ») vous laissent le soin de le déterminer par vous-même.
« The Last Vermeer », en fin de compte, est un thriller juridique dans un lieu magnifique. (Question subsidiaire aux producteurs de films : pourquoi si peu de films se déroulent à Amsterdam ? C’est une ville magnifique, et « The Last Vermeer » le montre.)
Alors que Piller cherche des indices avec son acolyte (Roland Møller) et son assistante (Vicky Krieps), il se heurte à des enquêteurs concurrents et à des propriétaires de galeries d’art selon lesquels « ce qui est arrivé aux vôtres est terrible », avant d’émettre des commentaires antisémites. Mais même si Piller est le moteur du procès, c’est l’heure de gloire de van Meegeren – l’homme était un showman. Je n’ai pas le cœur à vérifier si le feu d’artifice de ce procès tel qu’il est montré dans le film reflète la réalité ; je préfère de loin croire la version du film.

Immédiatement après la guerre, van Meegeren est devenu un héros populaire en Hollande. On dit qu’avant sa mort, Goering avait appris que son Vermeer était un faux et qu’il en était dévasté. Bien sûr, personne n’en est vraiment sûr.
En 2008, deux livres sur le faussaire ont été publiés. L’un, The Forger’s Spell, A True Story of Vermeer, Nazis, and the Greatest Art Hoax of the Twentieth Century, s’appuie sur l’idée que van Meegeren avait escroqué les nazis et sauvé la fierté néerlandaise au moment où le pays en avait le plus besoin. L’autre, The Man Who Made Vermeers: Unvarnishing the Legend of Master Forger Han van Meegeren, se veut plus fouillé et nuancé, et apporte de nouvelles preuves sur sa célébrité. Le premier livre, naturellement, a été un best-seller. Et le second a inspiré « The Last Vermeer ».