Isaac Amit prête serment en tant que président de la Cour suprême
Isaac Herzog reproche au gouvernement d'avoir boycotté de l’événement ; manifestation de la droite à la cérémonie ; le magistrat se dit ouvert à dialoguer avec le gouvernement
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Isaac Amit a prêté serment jeudi en tant que président de la Cour suprême lors d’une cérémonie à la résidence présidentielle de Jérusalem.
Le président Isaac Herzog a vivement critiqué le boycott exercé par l gouvernement, affirmant « qu’il n’y a pas de place, dans un pays démocratique, pour qu’une branche du pouvoir en ignore une autre ».
Alors qu’une poignée de manifestants de droite, dont la députée Limor Son Har-Melech, protestaient devant la résidence présidentielle, le président sortant Uzi Vogelman a rappelé à Amit que sa mission serait désormais de défendre l’indépendance du pouvoir judiciaire et la séparation des pouvoirs en Israël.
Dans un geste sans précédent, le ministre de la Justice Yariv Levin a boycotté la cérémonie. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le président de la Knesset Amir Ohana étaient eux aussi absents. Ainsi, aucun représentant du gouvernement n’a assisté à la cérémonie.
Amit a été nommé président de la Cour en janvier après une longue bataille menée par Levin pour tenter d’empêcher cette élection. Ce dernier souhaitait remanier le système judiciaire et renforcer le contrôle du gouvernement sur la nomination des juges. Levin et une grande partie de la droite considèrent Amit comme trop activiste dans sa doctrine judiciaire, jugé trop enclin à intervenir dans les décisions de la Knesset et du gouvernement.
Pendant plus de 15 mois, Levin a refusé d’organiser un vote pour nommer un nouveau président de la Cour, jusqu’à ce que la Haute Cour de justice le lui ordonne. Quelques jours avant le scrutin, des allégations de mauvaise conduite ont été soulevées contre Amit, mais elles ont été rejetées par la commission de sélection des juges, qui a finalement validé sa nomination.
Levin voulait nommer un juge conservateur à la tête de la Cour. Dès le départ, il s’est opposé à Amit, estimant que ses décisions étaient trop interventionnistes et marquées par un libéralisme judiciaire.
S’exprimant après la prestation de serment d’Amit, Herzog a critiqué l’absence des « dirigeants de l’exécutif et du législatif » à la cérémonie, une allusion directe à Netanyahu, à Levin et à Ohana.
« Dans un pays démocratique, où le respect des institutions de l’État est un principe fondamental, il n’y a pas de place pour qu’une branche du gouvernement boycotte une autre », a-t-il déclaré. « Il n’y a pas de place pour transformer les lois et les traditions en simples cartes à jouer dans des luttes politiques ou publiques, et encore moins pour délégitimer le président de la Cour suprême, élu dans le strict respect de la loi. »
Tout en défendant l’indépendance du pouvoir judiciaire, Herzog a tenté d’adopter un ton conciliant, affirmant que le « changement » n’était « pas l’ennemi de la démocratie », une référence aux efforts controversés du gouvernement pour remanier le système judiciaire.
« Toute proposition n’est pas une catastrophe, tout compromis n’est pas une destruction, tout programme n’est pas forcément hostile ou toxique », a-t-il ajouté, en réponse aux critiques virulentes de l’opposition centriste et de gauche contre ces réformes.
Il a ensuite appelé à une nouvelle dynamique de coopération, exhortant le gouvernement et la Knesset à « ouvrir une ère de dialogue entre les branches du pouvoir, marquée par la modération, la recherche d’un consensus large et une main tendue ».

Une petite manifestation a eu lieu devant la résidence présidentielle de Jérusalem contre l’entrée en fonction du nouveau président de la Cour suprême. Les manifestants, parmi lesquels la députée d’extrême droite Limor Son Har-Melech du parti Otzma Yehudit, ont brandi des affiches sur lesquelles on pouvait lire : « Vous n’avez pas le mandat du peuple », tandis qu’une banderole affichait « Nous refusons une dictature judiciaire ».
Ils ont en outre diffusé à plein volume de la musique et des discours dénonçant Amit et l’appareil judiciaire, projetant le son jusque dans le jardin de la résidence présidentielle, où Amit, les juges en exercice de la Cour suprême et de nombreux dignitaires du monde judiciaire étaient réunis pour la cérémonie.

Le juge à la retraite de la Cour suprême Uzi Vogelman, qui a occupé le poste de président intérimaire de la Cour suprême jusqu’en octobre dernier, a vivement critiqué le gouvernement pour son boycott de la cérémonie et son soutien à la législation visant à modifier la composition et les mécanismes de nomination de la commission de sélection des juges.
Lors de la cérémonie, Vogelman a adressé un message à Amit, soulignant que sa mission sera désormais de défendre l’indépendance du pouvoir judiciaire et la séparation des pouvoirs en Israël, à l’image des générations précédentes de présidents de la Cour suprême.
« Il s’agit d’un héritage que tous les présidents et juges de la Cour suprême ont nourri et préservé de génération en génération. Il repose sur un engagement inébranlable envers l’État de droit, la défense des droits de l’homme et la protection de l’indépendance du pouvoir judiciaire ainsi que de la séparation des pouvoirs », a déclaré Uzi Vogelman.
« Je ne doute pas que vous continuerez à défendre cet héritage tout en veillant à préserver le statut de la Cour suprême et la démocratie en Israël. »
Abordant la nouvelle législation proposée par le ministre de la Justice, visant à modifier le processus de nomination des juges, Vogelman a averti qu’elle risquait de politiser massivement le système judiciaire en donnant aux politiciens un contrôle prépondérant sur ces nominations.
« Le préjudice qui en résulterait ne se limiterait pas à l’indépendance individuelle des juges israéliens, il menacerait également l’indépendance institutionnelle de l’ensemble du pouvoir judiciaire. Si la loi proposée est adoptée, les autres branches du gouvernement auraient un pouvoir illimité pour dicter l’identité des juges et la composition des tribunaux, portant ainsi atteinte à l’autonomie de l’autorité judiciaire », a-t-il expliqué.

Pendant la cérémonie d’investiture, Amit a insisté sur la nécessité de protéger « à tout prix » l’indépendance judiciaire, tout en affirmant que le pouvoir judiciaire était prêt au dialogue et à la coopération avec les autres branches du gouvernement.
L’année dernière, Levin avait décidé de boycotter Uzi Vogelman, alors président de la Cour suprême, en raison de l’insistance de la Cour à désigner un nouveau président, tandis que Levin bloquait la procédure pendant plusieurs mois. Ce bras de fer s’est poursuivi avec Amit, Levin annonçant qu’il boycotterait également son investiture, après que la Cour eut contraint l’exécutif à organiser un vote pour succéder à Vogelman.
« J’appelle à nouveau le ministre de la Justice à reprendre les réunions de travail régulières qui ont toujours existé entre son ministère et le président de la Cour suprême. Elles sont essentielles pour garantir aux citoyens et aux résidents du pays un service judiciaire efficace et de qualité », a déclaré Amit.
Se référant à ce qu’il considère comme le rôle du pouvoir judiciaire et de son chef, Amit a insisté sur le fait que « le cœur de l’indépendance judiciaire – qui est l’autorité et le devoir de statuer de manière indépendante, sans influences extérieures, sans crainte et sans autorité autre que celle de la loi – doit être préservé à tout prix ».
Il a reconnu que le dialogue entre les branches du gouvernement israélien avait connu des hauts et des bas, mais a insisté sur le fait que tous les responsables doivent se rappeler que leur mission première est de servir la population.
« Notre devoir envers les citoyens est de renforcer et d’améliorer un dialogue responsable et respectueux entre les institutions », a-t-il affirmé, avant d’ajouter « qu’au nom du pouvoir judiciaire, je réaffirme que nous sommes prêts à un dialogue et à une coopération de fond, qui mettra le citoyen et son service au cœur des priorités. J’espère que nous trouverons une main tendue en retour. »