Israël accuse l’ONU de sous-estimer la quantité d’aide humanitaire entrant à Gaza
Des responsables affirment que l'UNRWA compte les camions qu'il réceptionne, et non ceux qui entrent, tandis que l'OCHA affirme qu'Israël envoie que des véhicules à moitié vides
Israël a accusé les Nations unies de sous-estimer la quantité d’aide entrant dans la bande de Gaza, déclarant mercredi que l’ONU utilisait une approche erronée destinée à dissimuler ses propres difficultés de distribution, alors que des pressions croissantes s’exercent sur Israël pour qu’il laisse entrer davantage de matériel d’aide.
Par ailleurs, Chypre a déclaré mercredi que les expéditions d’aide par voie maritime vers Gaza devraient bientôt reprendre, après qu’elles ont été interrompues la semaine dernière à la suite d’une attaque aérienne israélienne qui a accidentellement tué sept travailleurs de l’agence humanitaire World Central Kitchen (WCK).
Alors qu’Israël affirme que le nombre de camions entrant dans la bande de Gaza a fortement augmenté ces derniers jours, les Nations unies ont fourni des chiffres largement inférieurs et affirment qu’ils sont encore bien loin de la quantité nécessaire pour répondre aux besoins humanitaires.
Six mois après le début de la guerre menée par Israël contre le Hamas à Gaza, déclenchée par le massacre perpétré par le groupe terroriste le 7 octobre, la majorité des quelque 2,3 millions d’habitants de Gaza sont sans abri, certaines parties de l’enclave seraient confrontées à la famine, les infrastructures civiles ont été dévastées et les maladies sont très répandues.
Israël a indiqué que 419 camions étaient entrés dans la bande de Gaza lundi, mais la principale agence de l’ONU sur place, l’UNRWA, a déclaré que 223 camions étaient entrés ce jour-là. L’UNRWA a dû faire face à une vague de coupes budgétaires mondiales après qu’Israël a prouvé qu’au moins 12 de ses employés dans la bande de Gaza avaient participé à l’assaut terroriste du 7 octobre contre le sud d’Israël. Les autorités israéliennes accusent depuis longtemps l’agence d’entretenir des liens étroits avec le Hamas, d’enseigner l’incitation à la haine contre Israël dans les écoles et même de fermer les yeux sur la construction d’un grand centre de données du Hamas sous son siège à Gaza City.
Le COGAT, organisme du ministère de la Défense chargé des transferts d’aide, et les agences des Nations unies ont tous deux déclaré que la divergence des chiffres était due à des méthodes de comptage différentes.
« Les chiffres erronés de l’ONU sont le résultat d’une méthode de comptage défectueuse. Au lieu de compter le nombre réel de camions qui entrent dans la bande de Gaza, dans une tentative de dissimuler leurs difficultés de distribution logistique, ils ne comptent que les camions qu’ils ont récupérés du côté gazaoui de la frontière », a déclaré le COGAT dans un communiqué.
Mardi, Jens Laerke, porte-parole de l’agence humanitaire des Nations unies OCHA, avait déclaré que le décompte israélien incluait des camions qui n’étaient que partiellement remplis, afin de se conformer aux exigences de contrôle de l’armée.
« Le COGAT compte ce qu’ils filtrent et envoient de l’autre côté de la frontière. Nous comptons les camions qui arrivent dans nos entrepôts », a déclaré Laerke.
« Les camions qui entrent et qui sont contrôlés par le COGAT ne sont généralement remplis qu’à moitié. C’est une exigence qu’ils ont mise en place à des fins de contrôle. Lorsque nous comptons les camions de l’autre côté, lorsqu’ils ont été rechargés, à pleine capacité », a-t-il déclaré.
Selon Laerke, d’autres restrictions israéliennes font que les camions ne passent souvent pas la frontière et n’entrent pas dans les entrepôts en une seule journée, ce qui complique encore davantage un comptage précis.
« Les chauffeurs et les camions égyptiens ne peuvent jamais se trouver au même endroit et en même temps que les chauffeurs et les camions palestiniens. Cela signifie qu’il n’y a pas de transfert en douceur. D’abord, tout doit entrer, être déchargé, tout le monde doit sortir, avant qu’un nouveau groupe de camions de l’intérieur de Gaza avec des plaques palestiniennes, avec des chauffeurs palestiniens contrôlés, puisse entrer et prendre le relais », a-t-il déclaré.
Alors que la pression pour augmenter l’aide monte, le président chypriote Nikos Christodoulides a déclaré mercredi que les expéditions de son pays vers Gaza devraient bientôt reprendre, car la nation insulaire stocke environ 1 000 tonnes d’aide destinée à Gaza qui sont restées sur place depuis que WCK a interrompu ses opérations.
Les États-Unis prévoient d’installer une jetée sur la côte méditerranéenne de Gaza, d’ici le 1er mai, afin de permettre l’acheminement de l’aide, qui fera l’objet d’un contrôle préalable à Chypre, sous la supervision d’Israël.
« Nous sommes en contact avec les pays avec lesquels nous travaillons depuis le début, de sorte que l’aide humanitaire en provenance de Chypre reprendra très bientôt une fois le projet américain à Gaza terminé », a expliqué Christodoulides.
L’ONG World Central Kitchen opérait à Gaza depuis octobre et acheminait de l’aide dans l’enclave par voie aérienne, terrestre, et plus récemment maritime, afin d’approvisionner son réseau de plus de 60 cuisines communautaires. Les travailleurs étaient sur le point de décharger une deuxième cargaison d’aide arrivée par la route depuis Chypre lorsque leur convoi de trois véhicules a été touché par des frappes israéliennes.
Israël s’est excusé pour le tragique incident, qui, selon l’armée israélienne, était une « erreur tragique« . L’armée a démis de leurs fonctions les deux officiers responsables et a formellement réprimandé des commandants de haut rang après une enquête. Le chef du WCK, Jose Andres, a estimé pour sa part qu’une enquête indépendante était nécessaire – une suggestion rejetée par Washington.
Après l’annonce par WCK d’une pause dans ses opérations, un convoi de navires participant à la mission est retourné à Chypre le 3 avril avec de l’aide non livrée. Initialement immobilisé en lieu sûr, le navire transportant de la nourriture a été ramené au port pour être déchargé après le mauvais temps qui a sévi à Chypre cette semaine.
« Le plan consiste à stocker l’aide jusqu’à ce que WCK décide de ce qu’il veut faire », a déclaré un fonctionnaire chypriote à l’agence Reuters.
On ignore qui sera chargé de distribuer l’aide reçue au quai de Gaza si le WCK ne reprend pas ses activités dans la bande de Gaza, car les responsables américains ont déclaré que les États-Unis ne participeraient pas aux efforts de distribution.
Israël cherche à empêcher l’UNRWA de jouer un rôle majeur dans la bande de Gaza et espérait que WCK jouerait un rôle plus important avant l’attaque aérienne meurtrière contre son convoi.