Israël et le monde juif saluent le pape François Ier décédé au lendemain de Pâques
Le Congrès juif européen et la Conférence des rabbins européens présentent ses condoléances ; le Patriarcat a annoncé une « messe à la basilique du Saint-Sépulcre » mercredi

Le pape François, populaire chez les fidèles mais confronté à une farouche opposition au sein même de l’Eglise catholique, est mort lundi matin au Vatican à l’âge de 88 ans, un mois après avoir été hospitalisé pour une sévère pneumonie.
« Ce matin à 07H35 (05H35 GMT), l’évêque de Rome, François, est revenu à la maison du Père. Toute sa vie a été consacrée au service du Seigneur et de son Église », a annoncé le cardinal camerlingue Kevin Farrell, dans un communiqué publié par le Vatican.
Le pape argentin était sorti de l’hôpital le 23 mars après avoir été hospitalisé pendant 38 jours pour une pneumonie bilatérale, sa quatrième et plus longue hospitalisation depuis le début du pontificat en 2013.
En dépit des recommandations des médecins qui lui avaient conseillé d’observer un strict repos de deux mois, il avait multiplié les apparitions publiques ces derniers jours, au contact des fidèles, de prisonniers ou de dirigeants.
Dimanche, à l’occasion des célébrations de Pâques, il était apparu très affaibli mais s’était offert un bain de foule en « papamobile » au milieu de milliers de fidèles sur la place Saint-Pierre.
Le visage fermé, visiblement très éprouvé, il avait toutefois été contraint de déléguer la lecture de son texte à un collaborateur, ne pouvant prononcer que quelques mots, la voix essoufflée.

Le président israélien, Isaac Herzog, a salué lundi, la mémoire du pape François, « un homme de foi profonde et de compassion sans fin ».
« Il accordait à juste titre une grande importance au renforcement des liens avec le monde juif et à la promotion du dialogue interreligieux comme une voie vers une meilleure compréhension et un respect mutuel », a souligné Isaac Herzog dans un message diffusé par un porte-parole de la présidence.
Une messe de prière pour le pape François aura lieu mercredi matin à l’église du Saint-Sépulcre, bâtie selon la tradition chrétienne sur le lieu même où Jésus a été crucifié et enterré, a annoncé le patriarcat latin de Jérusalem.
« Messe à la Basilique du Saint-Sépulcre, mercredi (…) à 09H30/10H00, présidée par Sa Béatitude le Cardinal Pizzaballa et les membres de l’Assemblée des Ordinaires catholiques », a indiqué le patriarcat dans un message sur un groupe WhatsApp.
« Nous avons perdu aujourd’hui un ami fidèle du peuple palestinien », a déclaré le président de l’Autorité palestinienne (AP) Mahmoud Abbas, en notant que le pape François « avait reconnu l’Etat palestinien [en 2015] et autorisé le drapeau palestinien à être hissé au Vatican ».

Des chrétiens palestiniens de la bande de Gaza ont pleuré lundi la mort du pape, qui s’adressait très régulièrement par appels vidéo à la petite communauté chrétienne du territoire palestinien en proie à la guerre.
Depuis le début de la guerre entre Israël et le mouvement islamiste du Hamas le 7 octobre 2023, le pape s’entretenait plusieurs fois par semaine avec les fidèles de l’église de la Sainte-Famille dans la ville de Gaza, seule paroisse catholique latine du territoire.
Dimanche encore, jour de Pâques, il a dénoncé la « situation humanitaire dramatique et ignoble » à Gaza et appelé une nouvelle fois à un cessez-le-feu, dans un message lu par un collaborateur depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre de Rome.
حبيب القلب والناس، أبانا الودود، الخلوق والإنسان؛ لم ينس فلسطين ولم ينس رعاياه في غزة، هاتفهم كل يوم حين تركهم العالم. pic.twitter.com/aNEK12JKmw
— Hamzé Attar (@hamzattar) April 21, 2025
Le président égyptien Abdel Fattah el-Sissi a déclaré que le pape François était une personnalité mondiale exceptionnelle qui « travaillait sans relâche pour promouvoir la tolérance et favoriser le dialogue (…) et était un champion de la cause palestinienne, défendant les droits légitimes et appelant à la fin du conflit », selon un communiqué de la présidence.
Le Liban a perdu « un ami cher » et un « fervent soutien », a déclaré lundi le président Joseph Aoun, évoquant une « perte pour toute l’humanité ». « Nous ressentons la perte d’un ami cher et d’un fervent soutien (…). Nous n’oublierons jamais ses appels répétés à protéger le Liban et à préserver son identité et sa diversité », a déclaré dans un communiqué M. Aoun, le seul président chrétien dans le monde arabe. Le pape François était « une voix puissante en faveur de la justice et la paix (…) et un défenseur du dialogue entre les religions et les cultures », a-t-il ajouté.

Le Congrès juif mondial a rendu hommage au pape François après son décès, le président Ronald Lauder le qualifiant de « véritable guide moral, homme de foi profonde, d’humanité, et fidèle ami du peuple juif ».
« Depuis ses premières années en Argentine jusqu’à son pontificat, le pape François s’est engagé avec détermination à promouvoir le dialogue interreligieux et à faire en sorte que la mémoire de la Shoah reste une leçon essentielle pour les générations futures », a déclaré Lauder. « Sous son leadership, les relations entre le Saint-Siège et le Congrès juif mondial se sont épanouies. »
Lauder a évoqué plusieurs moments forts de la relation entre le Congrès juif mondial et le pape François, notamment l’ouverture, en 2023, d’un bureau près de la basilique Saint-Pierre destiné à promouvoir les relations judéo-catholiques.
« Bien qu’il y ait eu des moments de difficulté, en particulier au cours des derniers mois, je reste profondément reconnaissant pour sa chaleur, son humilité et son engagement indéfectible en faveur d’un dialogue authentique entre les communautés religieuses », a ajouté Lauder.
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Le Congrès juif européen (CJE) a adressé ses condoléances aux catholiques d’Europe et du monde entier à l’occasion du décès du pape François.
« Le pape François était un défenseur inébranlable du dialogue interreligieux et du respect mutuel entre les religions », a déclaré l’organisation représentative du judaïsme européen dans un communiqué.
« Son engagement constant dans la lutte contre l’antisémitisme et dans la promotion d’un esprit de fraternité entre Chrétiens et Juifs restera gravé dans les mémoires avec gratitude et admiration. »
« Nous gardons un souvenir impérissable de nos audiences avec le défunt pape, de son profond engagement en faveur du dialogue avec les communautés juives et de son opposition résolue à l’antisémitisme », a ajouté Raya Kalenova, vice-présidente du CJE.
Le rabbin Pinchas Goldschmidt, président de la Conférence des rabbins européens (CER), a exprimé sa profonde tristesse suite au décès du pape.
Selon un communiqué de la CER, Goldschmidt, qui avait rencontré le pape à plusieurs reprises, a rappelé « l’engagement sans faille de François en faveur de la paix et de la bonne volonté dans le monde ». Le rabbin a également salué les efforts du pape pour renforcer les relations entre Juifs et catholiques.

Le grand rabbin de France, Haïm Korsia, a salué l’engagement du pape François dans la lutte contre l’antisémitisme, et au-delà un homme qui a créé « des liens de confiance partout à travers le monde », lors d’une déclaration à l’AFP lundi.
La mort du pape François, lundi à 88 ans, « est un moment qui touche le monde entier », a reconnu Haïm Korsia.
« Symboliquement, son dernier discours d’hier était un rappel fort, ferme, de l’engagement de l’Eglise à lutter contre l’antisémitisme qu’il voyait avec désolation se répandre partout dans le monde », a-t-il ajouté.
L’année 2025 marque par ailleurs les « 60 ans de Nostra Aetate », déclaration du concile Vatican II sur les relations de l’Eglise catholique avec les religions non chrétiennes, et le premier pape latino-américain était « enfant de cette Eglise » de « reconnaissance » et « fraternité », poursuit le grand rabbin de France.
« C’est aussi un homme (…) qui avait créé des liens de confiance partout dans le monde », a conclu M. Korsia.
L’American Jewish Committee (AJC) et l’Union for Reform Judaism (URJ) ont aussi pleuré la mort du pape François.
L’AJC a souligné les liens qu’entretenait François avec les communautés juives ainsi que ses visites effectuées en Israël, à la Grande Synagogue de Rome et à Auschwitz. Les représentants du groupe rencontraient le souverain pontife régulièrement.
« François a également condamné à plusieurs reprises l’antisémitisme et il a estimé qu’il s’agissait d’un péché contre Dieu, que ce n’était pas chrétien », a noté l’AJC.
Le groupe a abordé la controverse qui avait entouré la réponse apportée par François à la guerre à Gaza.
« Alors que la lutte défensive d’Israël, une lutte menée pour sa survie après l’horrible massacre perpétré par le Hamas, le 7 octobre 2023, a suscité à la fois l’empathie et les critiques du pape, d’importantes déceptions juives à ce sujet et sur d’autres questions ont été appréhendées dans l’esprit de six décennies de relations post-Nostra Aetate » a indiqué le communiqué, faisant référence à une déclaration de l’église datant de 1965 qui était consacrée à ses relations avec le judaïsme et d’autres religions.
Le rabbin Rick Jacobs, de l’Union for Reform Judaism (URJ), qui avait rencontré François en 2017, a salué ce dernier pour le travail qu’il a effectué concernant plusieurs problématiques délicates – notamment la question du changement climatique ou celle des lois contre l’homosexualité.
Jacobs a également rendu hommage du travail de dialogue interreligieux de feu le pape.
« Les relations entre les communautés catholique et juive se sont épanouies sous la direction du pape François. Il a honoré l’héritage commun de nos religions et il a pris des mesures significatives visant à guérir les blessures de l’Histoire, renforçant ainsi la voie vers le respect mutuel et la collaboration », a dit Jacobs. « Nous avons particulièrement apprécié les appels constants du pape François au dialogue et au respect mutuel entre Israéliens et Palestiniens ».

Au Vatican lundi matin, de nombreux fidèles ont appris la nouvelle sur leur téléphone portable tandis que les églises de Rome sonnaient le glas.
« J’étais là par hasard, j’ai entendu la nouvelle dans un magasin à la radio, c’est un grand pape qui est parti », a confié à l’AFP Fabio Malvesi, 66 ans. « Il a changé bien des choses, brisé des barrières, c’était une grande personne, simple. »
Problèmes de hanche, douleurs au genou, opérations, infections respiratoires : le pape, qui se déplaçait en fauteuil roulant, affichait une santé déclinante mais avait tenu à maintenir un rythme effréné.
Une constitution prévoit des obsèques pendant neuf jours et un délai de 15 à 20 jours pour organiser le conclave, lors duquel les cardinaux électeurs, dont près de 80 % choisis par François lui-même, auront la lourde tâche d’élire son successeur.
Entre-temps, c’est le cardinal camerlingue, l’Irlandais Kevin Farrell, qui assurera l’intérim.
François avait révélé fin 2023 qu’il souhaitait être inhumé dans la basilique Sainte-Marie Majeure, dans le centre de Rome, plutôt que dans la crypte de la basilique Saint-Pierre, une première depuis plus de trois siècles.
En outre, le Vatican a publié en novembre un rituel simplifié pour les funérailles papales, notamment l’inhumation dans un simple cercueil de bois et de zinc, signant la fin des trois cercueils imbriqués en cyprès, en plomb et en chêne.
En 12 ans de pontificat, le premier pape jésuite et sud-américain de l’Histoire s’est engagé sans relâche pour la défense des migrants, l’environnement et la justice sociale sans remettre en cause les positions de l’Eglise sur l’avortement ou le célibat des prêtres.
Les alertes sur sa santé s’étaient multipliées ces derniers temps, alimentant les spéculations sur une éventuelle renonciation dans la lignée de son prédécesseur Benoît XVI.
Le chef spirituel de près de 1,4 milliard de catholiques avait déjà connu deux hospitalisations en 2023, dont une pour une lourde opération de l’abdomen, et avait été contraint d’annuler plusieurs engagements ces derniers mois.

Amateur de musique et de football, François, allergique aux vacances, enchaînait souvent une dizaine de rendez-vous par jour. Il avait même effectué en septembre le plus long voyage de son pontificat, un périple de 12 jours aux confins de l’Asie du Sud-Est et de l’Océanie.
A Rome comme à l’étranger, le « pape du bout du monde » élu le 13 mars 2013 a dénoncé sans relâche toutes les formes de violence, de la traite des êtres humains aux catastrophes migratoires en passant par l’exploitation économique.
En février, il avait encore condamné les expulsions massives de migrants voulues par le président américain Donald Trump, s’attirant les foudres de la Maison Blanche.
Opposant acharné au commerce des armes, l’ancien archevêque de Buenos Aires est toutefois resté impuissant face aux conflits en Ukraine ou au Proche-Orient, malgré d’innombrables appels à la paix.
Ce politique madré au franc-parler abrasif a aussi voulu réformer une Curie – le gouvernement central du Saint-Siège – rongée par l’inertie, y développer la place des femmes et des laïcs et assainir les sulfureuses finances du Vatican.
Face au drame de la pédocriminalité dans l’Eglise, il a levé le secret pontifical et obligé religieux et laïcs à signaler les cas à leur hiérarchie. Sans convaincre les associations de victimes, qui lui ont reproché de ne pas être allé assez loin.
Attaché au dialogue inter-religieux, notamment avec l’islam, il a défendu jusqu’au bout une Eglise « ouverte à tous », s’attirant les foudres des mouvements populistes pour son soutien aux migrants.
Si ce pape au style chaleureux a suscité une grande ferveur populaire, souhaitant chaque dimanche « bon appétit » aux fidèles place Saint-Pierre, il fut aussi durement critiqué par une opposition conservatrice pour son supposé manque d’orthodoxie et une gouvernance jugée autoritaire.
En témoignent les levées de boucliers suscitées par certaines décisions, comme l’ouverture des bénédictions de couples de même sexe fin 2023, ou la restriction des célébrations de la messe en latin.
Ces critiques furent aussi alimentées par l’ombre de Benoît XVI, qui a résidé au Vatican jusqu’à sa mort fin 2022, nourrissant la saga des « deux papes ».
La « guerre civile » au sein de l’Eglise a atteint des sommets avec les diatribes de certains cardinaux, notamment avant le Synode sur l’avenir de l’Eglise fin 2023.
Le style détonant de François, qui a préféré un sobre deux-pièces de 70m² aux ors du palais apostolique, lui a aussi valu d’être accusé de désacraliser à l’excès la fonction.
Le 266e pape, davantage intéressé par les « périphéries » de la planète que par les grands pays occidentaux, a aussi réorienté les débats au sein de l’Eglise, à l’image de son encyclique écologiste et sociale « Laudato si » en 2015, réquisitoire très remarqué contre la finance exaltant la sauvegarde de la planète.