Des Israéliens interdits de visas pour un événement de l’ONU en Arabie saoudite
Ryad n'a pas délivré de visas aux résidents de Kfar Kama, une ville musulmane circassienne choisie comme "village touristique" mondial malgré les normes de l'ONU
L’Arabie saoudite a refusé de délivrer des visas à une délégation israélienne qui se rendait à un événement organisé par l’ONU pour honorer les lieux désignés comme les meilleures destinations touristiques rurales du monde pour 2022, suscitant dimanche des réactions de frustration de la part de responsables israéliens.
La délégation représentait la ville circassienne de Kfar Kama, dans la région de Galilée, au nord d’Israël, qui a été choisie en décembre comme « village touristique » international par l’Organisation mondiale du tourisme des Nations unies (OMT).
La ville, dont les 3 500 habitants sont musulmans, a été nommée parmi 32 villages de 22 pays, dont le Maroc, l’Italie, la Jordanie, le Mexique, le Pérou et d’autres encore.
La cérémonie de remise des prix aux villages lauréats s’est déroulée dimanche et lundi à Al-Ula, en Arabie saoudite, qui figurait également sur la liste des Nations unies.
Dimanche, Bloomberg a rapporté que la délégation n’avait jamais reçu de visa, ce qui indique que le chemin vers une éventuelle normalisation des liens avec le royaume est encore long et compliqué. Israël et l’Arabie saoudite n’ont pas de relations diplomatiques officielles, bien que les liens se soient réchauffés ces dernières années, Ryad autorisant les avions de ligne israéliens à traverser son espace aérien, et le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu cherchant ouvertement à conclure un accord de normalisation avec le royaume.
Bloomberg, qui cite des personnes anonymes connaissant bien le dossier, a indiqué que les visas ont été refusés « en dépit d’un appel de l’ONU en faveur de l’égalité de traitement des États membres et du fait que les Saoudiens ont dépensé des milliards pour devenir un acteur majeur de l’industrie du tourisme ».
Selon l’article, le ministère des Affaires étrangères a demandé au début du mois à l’OMT de veiller à ce que les visas soient délivrés, et que l’ONU a envoyé la semaine dernière une lettre pressant le ministère du Tourisme de Ryad à ce sujet, sans résultat apparent. L’OMT et le ministère saoudien des Affaires étrangères ont refusé de faire des commentaires.
Le refus de visa a été confirmé plus tard dimanche par le ministère du Tourisme israélien et le maire de Kafr Kama.
« L’événement suscitait de grandes attentes et il est frustrant que nous ayons été empêchés d’y participer », a déclaré le maire Zakaria Napso, cité par le site d’information Walla.
Le ministère du Tourisme a déploré que les efforts déployés pour faciliter l’obtention d’un visa aient échoué. « Israël appelle l’OMT et les organes de l’ONU à préserver les lignes directrices de l’ONU, y compris l’égalité de traitement en garantissant la participation des États aux événements de l’organisation », a-il ajouté.
« Dans ce cas, l’OMT n’a pas respecté ces normes, ce qui est regrettable. »
Kfar Kama, village situé en Basse-Galilée, le long d’une route qui relie le mont Sabor et le lac de Tibériade, est l’un des deux villages circassiens seulement en Israël et ses résidents sont des membres de la minorité arabophone de l’État juif.
Tout comme les habitants de la ville circassienne de Rehaniya, au nord de Safed, ils sont des descendants des tribus circassiennes de la région du nord du Caucase, au bord de la mer Noire. Leurs ancêtres s’étaient établis en Galilée à la fin des années 1870 à l’initiative de l’empire ottoman, suite aux meurtres et expulsions de masse dont ils avaient fait l’objet au cours de la guerre menée à leur encontre, pendant environ cent ans, par la Russie.
Le ministère du Tourisme israélien a soutenu une série de travaux de rénovation, à Kfar Kama, au fil des années pour aider le village à conserver son patrimoine et à attirer un plus grand nombre de visiteurs.
La localité a ouvert un musée de la culture circassienne et les autorités locales ont œuvré à présenter son architecture originale et très particulière. Les fouilles archéologiques qui ont été réalisées dans le secteur ont permis de retrouver des vestiges indiquant une présence chrétienne précoce, avec notamment une église vieille de 1 300 ans.
Parmi les attractions touristiques, des visites guidées, un atelier de fabrication de fromage, des restaurants présentant la cuisine unique de la communauté, et un spectacle de son et lumière nocturne proposé aux touristes.
Danielle Nagler a contribué à cet article.