Israël officialise les pauses humanitaires quotidiennes à Gaza
Des pauses de 4 heures dans différents quartiers pour permettre le réapprovisionnement ou l’évacuation vers le sud sont confirmées ; Biden exclut un cessez-le-feu permanent
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Israël a accepté d’officialiser et d’élargir les pauses localisées dans les combats de Tsahal à Gaza pour la première fois depuis le déclenchement de la guerre contre le Hamas, a déclaré jeudi un haut responsable israélien au Times of Israel.
Ces pauses « tactiques et localisées » quotidiennes qu’Israël a accepté jeudi viendront élargir le corridor humanitaire mis en place dimanche pour permettre aux habitants de Gaza d’évacuer du nord au sud de la bande de Gaza, loin des zones de combat les plus intenses, a déclaré le haut responsable israélien, sous couvert d’anonymat.
Presque tous les jours depuis dimanche, Tsahal suspend ses tirs le long du couloir humanitaire pour une durée de quatre à six heures afin de permettre aux habitants de la bande de Gaza d’évacuer vers le sud. Il avait déjà accepté des pauses humanitaires les 20 et 22 octobre afin de permettre le passage sécurisé de quatre otages qui avaient été libérés par le Hamas.
Les nouvelles pauses de quatre heures auront lieu chaque jour dans un quartier différent du nord de la bande de Gaza. Les habitants seront prévenus trois heures à l’avance. Ils pourront utiliser ce temps pour évacuer vers le sud en empruntant les deux couloirs humanitaires mis en place par Israël ou pour quitter leur domicile afin de se réapprovisionner en nourriture, en fournitures médicales et en autres produits d’aide, a précisé le haut responsable israélien.
Les quartiers choisis ne seront annoncés publiquement que peu de temps à l’avance pour empêcher le Hamas de les exploiter à des fins militaires, a ajouté le haut responsable israélien.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a confirmé plus tard jeudi qu’Israël avait accepté de mettre en œuvre des pauses dans des zones spécifiques du nord de Gaza pour permettre aux civils palestiniens d’évacuer.
« Les combats se poursuivent contre les terroristes du Hamas, mais dans des certaines zones spécifiques et pour une période déterminée de quelques heures… Nous voulons faciliter le passage en toute sécurité des civils loin de la zone des combats, et c’est ce que nous faisons », a déclaré Netanyahu à Fox News.
Le Premier ministre a continué à éviter d’utiliser l’expression « pause humanitaire » employée par l’administration Biden, ce qui semble être une manière de minimiser ce que nombre d’Israéliens considèrent comme une concession inacceptable, tant que le Hamas détiendra des otages. Mais un haut responsable israélien qui a informé le Times of Israel a reconnu que les pauses humanitaires formalisées étaient exactement ce que Jérusalem avait accepté.
Netanyahu a également réaffirmé qu’Israël n’accepterait pas un cessez-le-feu à plus long terme tant que les otages ne seraient pas libérés.
Les pauses plus formelles ont été annoncées pour la première fois jeudi lors d’un briefing téléphonique du porte-parole du Conseil de sécurité nationale (NSC) de la Maison Blanche, John Kirby, avec les journalistes, et ce après environ deux semaines de pression de la part de l’administration Biden.
Aussitôt après que les remarques de Kirby ont fait les gros titres, le bureau de Netanyahu a publié un communiqué affirmant que les combats menés par Tsahal se poursuivaient et qu’il n’y aurait pas de « cessez-le-feu » sans le retour des otages. Cette déclaration en hébreu semblait s’adresser à la population israélienne, moins encline à prendre en compte la situation humanitaire des Palestiniens tant que les 240 otages resteront à Gaza, surtout si ces décisions sont perçues comme le résultat d’une campagne de pression américaine.
Mais un second responsable israélien a confié au Times of Israel que les propos de Kirby avaient été coordonnés à l’avance avec le bureau de Netanyahu et que Washington n’avait pas été « surpris » par les efforts du Premier ministre de minimiser l’annonce.
Le bureau de Netanyahu a réaffirmé que Tsahal avait ouvert un corridor humanitaire dimanche pour permettre aux habitants de Gaza de fuir vers le sud, qu’environ 50 000 d’entre eux l’avaient fait mercredi et que le reste de la population de l’enclave était invité à faire de même.
Un responsable de la Maison Blanche a reconnu auprès Times of Israel que certaines pauses humanitaires avaient déjà eu lieu depuis le début des hostilités, mais il a souligné que l’évolution annoncée par Kirby correspondait à un plan plus « formalisé et étendu ».
« Bien entendu, si le Hamas profite de ces pauses pour lancer des activités de combat ou tirer des roquettes, Tsahal prendra des mesures pour répondre à la source de la menace », a ajouté le responsable de la Maison Blanche.
Israël a également accepté d’ouvrir un deuxième couloir humanitaire nord-sud le long de la côte de Gaza, en plus de celui qu’il exploite depuis dimanche et qui est situé plus à l’intérieur des terres, sur la route de Salah al-Din, a indiqué le responsable de la Maison-Blanche.
« Nous observons des mouvements de personnes, des dizaines de milliers, malgré les pressions exercées par le Hamas pour qu’elles ne partent pas », a déclaré jeudi le porte-parole de Tsahal, Richard Hecht, à la presse.
La décision israélienne d’officialiser et de prolonger les pauses humanitaires à Gaza a été saluée par le président américain Joe Biden.
« Ces pauses permettront aux civils de se rendre dans des zones plus sûres, loin des combats. C’est un pas dans la bonne direction », a écrit Joe Biden sur X, rejoignant les propos tenus plus tôt dans la journée par le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, John Kirby.
« Vous avez ma parole : je continuerai à défendre la sécurité des civils et à privilégier l’augmentation de l’aide pour soulager les souffrances de la population de Gaza », a ajouté Biden.
Reprenant les termes du communiqué de Kirby, Biden a également déclaré : « Soyons clairs : Israël prend ses propres décisions. »
« Ils combattent un ennemi qui s’est implanté au sein de la population civile et qui met en danger des Palestiniens innocents. Ils ont l’obligation de faire la distinction entre les terroristes et les civils et de se conformer pleinement au droit international », a-t-il ajouté.
Alors que l’administration Biden a salué cette annonce comme le résultat de son engagement diplomatique intensif avec Israël, le président a déclaré aux journalistes, avant de monter à bord de Marine Force One, qu’il continuait à faire pression sur Netanyahu pour qu’il accepte une pause qui durerait quelques jours, et non quelques heures.
À la question de savoir s’il avait incité Netanyahu à accepter une pause de trois jours en échange de la libération de certains otages, Joe Biden a confirmé qu’il l’avait fait, tout en ajoutant qu’il avait également demandé à Netanyahu d’accepter une pause d’une durée supérieure à trois jours.
Lorsqu’on lui a demandé s’il était frustré par Netanyahu, Joe Biden a répondu : « Cela prend un peu plus de temps que prévu ».
Joe Biden a toutefois précisé qu’il n’était « pas question » d’un cessez-le-feu plus permanent qui, selon Washington, profiterait au Hamas.
President Biden admitted that he asked PM Netanyahu for a pause in Gaza, which has not yet happened.
"He's taken a little longer than I hoped." pic.twitter.com/1VuqMwiixk
— The Maine Wire (@TheMaineWire) November 9, 2023
Un responsable américain a confié au Times of Israel la semaine dernière que Washington reconnaissait que le Hamas tenterait de profiter des pauses humanitaires pour se regrouper, mais qu’Israël resterait à même de prendre des mesures pour limiter cette éventualité.
Ces pauses sont néanmoins nécessaires pour permettre aux groupes terroristes de Gaza de dresser un bilan complet des quelque 240 otages, condition indispensable pour faire avancer les négociations en vue d’une libération à plus grande échelle, a ajouté le responsable américain.
Selon les estimations israéliennes, 180 otages seraient actuellement détenus par le Hamas, 40 par le Jihad islamique palestinien et 20 par des familles mafieuses non affiliées. Cette situation complique considérablement les négociations, car les contacts des médiateurs qataris se font principalement avec les dirigeants politiques du Hamas à l’étranger. Ces derniers seraient en outre tenus à l’écart par les chefs militaires du groupe terroriste qui se trouvent toujours à Gaza, a déclaré le responsable israélien.
La guerre a éclaté après une attaque dévastatrice du Hamas dans les communautés du sud le 7 octobre, lorsque quelque 3 000 terroristes du Hamas ont pénétré en Israël depuis Gaza, tuant quelque 1 400 personnes et prenant au moins 245 otages, une journée qui restera comme la plus meurtrière de l’histoire d’Israël a ce jour. Depuis, Israël a lancé une offensive contre le Hamas et s’est engagé à éliminer le groupe terroriste.
Le site d’information Walla a rapporté que lors de leur appel lundi, Biden avait tenté de convaincre Netanyahu d’accepter une pause humanitaire de trois jours, qui commencerait par la libération de 10 à 15 otages. Ces trois jours seraient ensuite mis à profit par le Hamas pour établir une liste complète de tous les otages, qui serait transmise aux médiateurs qataris.
Netanyahu a rejeté l’offre, affirmant qu’il doutait que le Hamas soit disposé à libérer un grand nombre d’otages et qu’il se contenterait d’en libérer un très petit nombre, et que pour Israël, il serait beaucoup plus difficile de relancer les combats après trois jours, en raison des pressions internationales qui ne manqueraient pas de monter, selon Walla.
Biden a déclaré jeudi que Washington restait « optimiste » quant aux efforts déployés pour libérer les otages. « Nous ne nous arrêterons pas tant qu’ils ne seront pas libérés.
Reporter: “What are the chances of a Gaza ceasefire?”
President Biden: “None. No possibility.” pic.twitter.com/Et3Uqj3zi9
— Yashar Ali ???? (@yashar) November 9, 2023
Jeudi également, l’envoyé américain pour la situation humanitaire à Gaza, David Satterfield, a réaffirmé que les Palestiniens fuyant le nord de la bande de Gaza pour se rendre dans la partie sud de l’enclave devaient pouvoir y retourner.
De nombreux bâtiments du nord de la bande de Gaza ont été détruits ou considérablement endommagés par les combats.
Satterfield a déclaré lors du point de presse que les États-Unis continuaient d’encourager Israël à autoriser l’entrée de carburant dans la bande de Gaza, malgré les craintes de l’État hébreu qu’il ne soit détourné par le Hamas à des fins militaires.
L’envoyé américain a noté que l’Office des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) avait ses propres réserves de carburant, mais il a reconnu qu’a un moment donne il faudrait les réapprovisionner de l’extérieur de Gaza et que les Etats-Unis œuvraient pour s’assurer que le réapprovisionnement se fasse « de manière sûre et rapide ».
Il a souligné que 106 camions d’aide humanitaire sont entrés à Gaza hier et que, même s’il en faut beaucoup plus, il n’y en avait aucun il y a trois semaines, et que des progrès sont en cours.