Jérusalem: Des centaines de lits et berceaux vides pour évoquer la prise d’otages
Les membres des familles des Israéliens otages ou disparus depuis l'assaut du 7 octobre se rassemblent dans la capitale pour marquer un nouveau jour sans leurs proches
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »

Sur la place Safra de Jérusalem, 230 lits vides sont disposés au milieu des bâtiments de l’hôtel de ville – des berceaux avec des mobiles suspendus à côté de grands lits avec des tables de nuit et des piles de livres, des lits pour tout-petits parsemés de puzzles, de livres d’images et de pyjamas, ainsi que de nombreux lits jumeaux.
L’installation, nommée « Empty Beds », symbolise les otages israéliens détenus à Gaza depuis le 7 octobre, date à laquelle des terroristes palestiniens du Hamas ont lancé un assaut contre des communautés frontalières israéliennes et un festival de musique en plein air, tuant plus de 1 400 personnes, en blessant des milliers d’autres et en enlevant plus de 200.
Depuis la mise en place de l’installation, le nombre d’otages confirmés s’élève à au moins 245.
L’exposition « Empty Beds » a été mise en place par Bring Them Home Now, une organisation bénévole soutenant les familles des otages et des disparus, avec l’aide d’étudiants en art de l’Académie Bezalel des arts et du design, située à proximité.
À 15h lundi, les représentants des disparus et des otages se sont alignés autour du périmètre des lits pour une minute de silence, puis ont entonné doucement l’hymne national « Hatikva » – l’espoir.
Quelques minutes plus tôt, toutes les personnes présentes sur la place s’étaient précipitées dans les miklatim – abris anti-atomiques – situés à proximité, après le retentissement d’une sirène annonçant que des roquettes avaient été tirées sur Jérusalem depuis Gaza.

De retour sur la place, les familles se sont rassemblés en petits groupes autour des lits, s’adressant les uns aux autres, à la presse et au maire de Jérusalem, Moshe Lion, pour parler de leur quotidien.
« Nous sommes à Eilat ensemble autant que possible », a déclaré Nevia Heiman, 15 ans, qui, comme sa cousine germaine Lotem Mina, 14 ans, portait un tee-shirt blanc fabriqué pour tous les membres de Nir Oz survivants et les familles élargies du kibboutz décimé.
Les deux cousines vivent à Haïfa et à Kiryat Warburg et rendent régulièrement visite à leur famille à Eilat, où tous les membres survivants de Nir Oz ont été évacués, pleurant et gardant espoir pour ceux qui ont été enlevés.
Heiman et Mina faisaient partie du groupe familial représentant Ditza Heiman, leur grand-mère âgée de 84 ans, qui vit à Nir Oz depuis l’âge de 18 ans et prépare de la soupe au poulet chaque Shabbat pour sa famille.
C’est là qu’elle a rencontré leur grand-père, qu’elle s’est mariée, qu’elle a eu quatre enfants et qu’elle est devenue veuve très jeune, alors que la mère de Lotem n’avait que six ans.
Aujourd’hui, elle a douze petits-enfants, cinq arrière-petits-enfants et deux filles qui vivent à proximité, mais pas à Nir Oz. Ils étaient tous censés manger ensemble cette fameuse soupe de poulet et du hamin, un ragoût de viande et de haricots longuement cuit, l’après-midi du Shabbat du 7 octobre, qui marquait aussi la fête de Simhat Torah.
Les enfants et les petits-enfants de Ditza étaient en contact avec elle ce matin-là lorsque le Hamas a frappé. Des voisins ont déclaré l’avoir vue se faire enlevée par des terroristes jusqu’à une voiture, avant d’être vraisemblablement emmenée à Gaza.

Nir Oz a été l’une des communautés les plus touchées par le massacre du 7 octobre, a déclaré Erez Adar, qui a grandi dans ce kibboutz et dont la mère de 85 ans, Yaffa Adar, et le neveu de 38 ans, Tamir Adar, ont également été enlevés.
« Une personne sur quatre a disparu », a déclaré Erez. « Il y avait des centaines de terroristes dans tout le kibboutz, dans d’autres kibboutzim il y en avait des dizaines et ici il y en avait des centaines. »
Une grande partie de sa famille élargie vit à Nir Oz, notamment sa mère, cinq de ses huit petits-enfants et six arrière-petits-enfants.
Il s’est arrêté pour parler à un couple qui voulait exprimer son soutien.
« J’ai apporté des biscuits », a déclaré une femme qui s’est approchée d’Erez et de sa femme, Adrienne, alors qu’ils tenaient des affiches de sa mère et de son neveu. « Que pouvons-nous faire d’autre ? Pouvons-nous vous préparer un dîner ? »
« Ne vous en faites pas », a répondu Adrienne, en souriant doucement au couple. « Nous allons bien. »

« Les gens veulent aider, mais il n’y a pas beaucoup d’outils pour le faire », a déclaré Yaïr Moses, dont les parents, Gadi et Margalit Moses, divorcés depuis longtemps mais vivant toujours dans le kibboutz Nir Oz, ont été enlevés il y a 24 jours.
« Ils aident donc de toutes les façons possibles, comme avec ce genre de choses », a-t-il ajouté, en montrant l’installation de lits vides. « C’est très vivant et cela nous permet également d’avoir une couverture médiatique, ce qui est important. »
Gadi Moses, un agronome réputé qui a enseigné aux agriculteurs des pays en développement comment cultiver dans un sol sablonneux, a été emmené avec sa compagne, Efrat Katz, sa fille Doron Katz Asher, qui lui rendait visite, et deux petites filles. Les cinq autres ont été emmenés séparément. La famille a appris quelques jours plus tard qu’Efrat avait été tuée par des tirs sur le chemin de Gaza.
La famille n’a pas eu de nouvelles de Gadi depuis. La mère de Yaïr, Margalit, vit seule dans le kibboutz et a été aperçue plus tard dans une vidéo du Hamas, emmenée à Gaza sur son scooter.
Sa sœur Moran vit avec sa famille dans le kibboutz, mais leur porte d’entrée est restée bloquée et les terroristes n’ont pas pu pénétrer dans leur maison. Elle se trouve maintenant à Eilat avec les autres survivants de l’évacuation de Nir Oz.
« C’est comme une étreinte à Eilat en ce moment », a déclaré Amir Elfasa, dont la tante Maya Goren a été enlevée, tandis que son mari, Avner, a été tué et que leurs quatre enfants ont survécu.
« Nous essayons de les entourer autant que possible », a-t-il ajouté.