Journée de la Shoah aux Pays-Bas : Zelensky demande de penser aux Ukrainiens morts
Un débat inhabituel a eu lieu aux Pays Bas suite à la visite d’État du président ukrainien, ses origines juives et le bilan de son pays en guerre
Lors d’une exceptionnelle visite d’État aux Pays-Bas, jeudi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a pris quelques libertés avec le protocole : il a en effet demandé aux Néerlandais de penser à ses compatriotes ainsi qu’aux leurs, en cette journée nationale de commémoration des victimes de la Shoah et de la Seconde Guerre mondiale.
Cet appel de Zelensky, le 4 mai, est conforme à son narratif, qui établit volontiers un parallèle entre l’Ukraine et les forces alliées de la Seconde Guerre mondiale ou encore entre la guerre russo-ukrainienne, qui dure depuis un an, et des questions internationales pertinentes .
Aux Pays-Bas, ce message a trouvé un certain écho auprès d’une certaine partie de la population.
Mais une certaine partie du monde occidental, fatiguée par cette guerre de tranchées prolongée, n’y est pas favorable, comme en témoignent les politiciens nationalistes ou dirigeants de la communauté juive de gauche, opposés à ce qu’ils assimilent à une tentative d’exploitation d’une commémoration nationale.
Les détracteurs de Zelensky lui reprochent la façon dont il a amalgamé la commémoration néerlandaise et le conflit ukrainien et donné à cette journée de deuil, instituée en 1945 en hommage aux victimes de la Seconde Guerre mondiale et aux membres des forces armées néerlandaises et diplomates morts dans l’exercice de leurs fonctions, une portée générale.
« Quand aujourd’hui, comme chaque année à la date du quatre mai, à 20 heures, vous honorerez la mémoire de ceux dont la vie a été emportée par les guerres – la Seconde Guerre mondiale et d’autres – ayez également une pensée pour les Ukrainiens – hommes et femmes, adultes et enfants – qui seraient encore en vie sans cette agression. La guerre que nous ne voulions pas, celle qui doit être la dernière. Nous la ferons », a déclaré Zelensky dans un discours au Parlement néerlandais.
Ronny Naftaniel, ex-président du Conseil central juif des Pays-Bas, a réagi sur Twitter, en écrivant que si Zelensky « était le bienvenu aux Pays-Bas également le 4 mai » et « se battait pour la liberté de son pays, la guerre en Ukraine ne devait pas être confondue avec le jour du souvenir. Laissez les gerbes de fleurs et les minutes de silence en dehors de cette autre histoire. »
Le discours de Zelensky a suscité des critiques à la fois de la part du chef du Parti anti-islam pour la liberté, Geert Wilders, qui l’a boycotté, et d’Arnoud van Doorn, membre musulman du conseil municipal de La Haye, qui a écrit: « Le jour où nous commémorons les victimes de la guerre, Zelly vient encore mendier des armes. Ce clown est accueilli comme un héros », a écrit van Doorn sur Twitter.
Le député néerlandais de gauche Alexander Hammelburg a défendu Zelensky, en écrivant sur Twitter qu’il « n’y a rien de mal à célébrer ces commémorations avec des amis en guerre contre le président russe Vladimir Poutine, en Ukraine, et évoquer le souvenir des membres de ma famille qui ont péri dans la Shoah, aux côtés des soldats et civils néerlandais tombés au combat, tout en même temps. »
Les origines juives de Zelensky ont également fait débat en marge de sa visite aux Pays-Bas.
Le 4 mai, « certaines personnes ne veulent pas voir aujourd’hui le juif Zelensky, petit-fils de victimes du nazisme », a déclaré au sujet des critiques adressées à Zelensky Ernst Lissauer, correspondant parlementaire chevronné, qui est par ailleurs juif.
Certains critiques ont relevé que dans l’Ukraine moderne, y compris sous Zelensky, des rues et des monuments portaient encore le nom de collaborateurs nazis, que de nombreux Ukrainiens considèrent comme des patriotes parce qu’ils ont combattu l’Armée rouge.
« C’est une provocation d’accueillir le 4 mai le président ukrainien sous la direction duquel Stepan Bandera a été promu au rang de héros national », a écrit l’économiste Gerrit Zeilemaker sur Twitter, en référence au chef d’une milice rebelle qui a combattu aux côtés des soldats nazis.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Bandera a dirigé l’armée insurrectionnelle ukrainienne, dont les hommes ont tué des milliers de Juifs et de Polonais, y compris des femmes et des enfants, tout en combattant contre l’Armée rouge et les communistes aux côtés de l’Allemagne nazie.
Les partisans de Bandera ont expliqué s’être rangés du côté des nazis, contre l’armée soviétique, dans l’espoir qu’Adolf Hitler accorde l’indépendance à l’Ukraine.