La boulangerie casher de Montréal qui bâtit des ponts, une babka à la fois
Véritable institution, la boulangerie Cheskie rassemble la population variée du quartier d'Outremont avec des rugelach et des cookies blancs et noirs
TheJ.ca — Les fans de Seinfeld se souviendront avec tendresse de l’épisode où Jerry déguste joyeusement un cookie noir et blanc, et l’évoque comme la solution aux tensions raciales. « Rien ne se mélange mieux que la vanille et le chocolat, dit-il à Elaine. Et pourtant, d’une certaine manière, l’harmonie sociale nous échappe encore. Si les gens regardaient seulement le cookie, tous nos problèmes seraient résolus ».
Au cœur de la communauté hassidique de Montréal, le souhait de Jerry est devenu plus qu’un simple rêve, et cela grâce à la petite boulangerie casher qui s’est rapidement fait une réputation internationale.
Dans la boulangerie Cheskie du quartier résidentiel d’Outremont, les savoureux cookies blancs et noirs jettent un pont entre les différences culturelles qui séparent les Juifs ultra-orthodoxes et leurs voisins. Et cela vaut pour les babkas, les donuts, les couronnes de fromage, les gâteaux à damier, les petits pains et n’importe quelle autre pâtisserie dans la boulangerie.
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La pâtisserie a rencontré un énorme succès depuis que le New Yorkais Cheskie Lebowitz et sa femme originaire de Montréal, Malky, l’ont ouverte en 2002. Les portions très généreuses, la présentation impeccable, le service rapide et les horaires d’ouvertures élargis de la boulangerie à l’allure hassidique désuète de commerce ultra-orthodoxe constituent une recette gagnante. Pourtant, la fille du couple, Esty Weisz, qui travaille à leur côté, attribue à son père la raison principale de son succès.
« Mon père est super gentil et il traite tout le monde comme s’ils faisaient partie de la famille. Il est très sympa avec les clients et fait toujours un brin de conversation avec les gens. Il est aussi très humble. Quand des gens viennent de l’extérieur de la ville et disent ‘nous avons entendu parler de vous’, il est toujours très touché », a souligné Weisz
Bien avant le COVID-19, les files d’attente devant Cheskie allaient au-delà du pâté de maison. Afin de répondre à la demande de sa clientèle en croissance, la boulangerie va bientôt déménager dans un espace plus grand en bas de la rue par rapport à son emplacement actuel sur Bernard Avenue.
Les résidents d’Outremont ne sont pas les seuls à revenir souvent chez Cheskie. Les habitants de Montréal et les touristes affluent de toutes parts. Il y a notamment l’acteur, réalisateur et présentateur de talk show d’Hollywood Jerry O’Connell. Il a craqué pour les pâtisseries lors d’une visite avec son meilleur ami, le réalisateur et photographe de Montréal Ezra Soiferman.
« Jerry O’Connell est un vieil ami de l’université », a expliqué Soiferman, ajoutant que les deux hommes avaient étudié le cinéma et la production télévisuelle à l’école d’arts Tisch de l’université de New York au début des années 1990. En 2016, quand O’Connell était en train de tourner un film, Soiferman lui a fait visiter la ville et lui a présenté ses endroits préférés à Montréal, notamment Cheskie.
« Je l’ai présenté à M. Cheskie comme ‘mon célèbre ami acteur d’Hollywood’, a expliqué Soiferman. Cheskie m’a regardé droit dans les yeux et il a dit, ‘Peu m’importe si quelqu’un est connu ou pas. Tout ce qui compte pour moi est de savoir s’il s’agit de quelqu’un de bien’. Alors, j’ai souri et j’ai immédiatement répondu, ‘Cheskie, Jerry est un vrai mensch ».
Le boulanger a serré la main de Jerry et il leur a ensuite passé un bissel [un peu] de son savoureux babka russe au chocolat.
« Mon ami Jerry s’est presque platzé [effondré] quand il a goûté le babka ruisselant de chocolat dans la voiture, en chemin vers le point de vue de Westmount pour observer ma ville natale adorée depuis une hauteur. C’était vraiment un super après-midi d’hiver, qui a été encore adouci par notre arrêt à Cheskie », a noté Soiferman.
Quatre ans après sa visite, la pensée d’une pâtisserie de chez Cheskie donne encore l’eau à la bouche à O’Connell.
« Ayant grandi à New York, je pensais tout connaître des pâtisseries casher, a déclaré O’Connell au TheJ.ca. Et bien, cela a changé quand mon bon ami Ezra m’a emmené chez Cheskie. Rien que le choix de babka le classe dans la catégorie élite. C’est peut-être aussi le meilleur rugelach au monde. Soyez prêts à faire un régime après une visite. Mazel Tov ! »
Lebowitz, le propriétaire de la boulangerie, a trouvé une place dans le cœur de chaque homme, femme et enfant ayant goûté un de ses rugelach qui vous donne l’eau à la bouche. Et c’étaient ces mêmes rugelach que les ultra-orthodoxes ont récemment offert à leurs voisins non-juifs pour les remercier de leur tolérance pour les minyans, ou prières en groupe, devant le porche. Depuis le début de l’épidémie, les minyans se réunissent trois fois par jour.
Dans une communauté comptant plus de 10 000 Juifs, les relations entre les Juifs ultra-orthodoxes et leurs homologues francophones n’ont pas toujours été tranquilles. Dans le passé, des tensions ont éclaté autour de l’erouv du groupe [une clôture destinée à servir une communauté juive qui vit selon les lois et les règles du Talmud et de la Torah. L’érouv délimite la zone dans laquelle certaines activités normalement interdites peuvent être réalisées lors du Shabbat et certaines fêtes juives]. Un arrêté municipal empêchant le bus quotidien de Montréal à New York d’Heimann et un minibus de transporter des enfants pendant la fête de Pourim a engendré d’autres tensions, tout comme la demande de fenêtres dépolies à l’auberge de jeunesse locale pour éviter que les passants locaux ultra-orthodoxes ne puissent voir des « choses indécentes ». Les tensions ont atteint un paroxysme en 2019 autour d’un compromis avec la ville qui a autorisé la construction d’une nouvelle synagogue dans un endroit qui avait auparavant été interdit par un référendum de 2016.
Tout cela – et peut-être aussi le fait que le premier cas connu de COVID-19 était un Juif ultra-orthodoxe – a conduit à des actes de vandalisme destructeur dans la synagogue de banlieue de Montréal et un antisémitisme latent dans les rues dans la ville.
Selon un article d’avril 2020 de la Montréal Gazette, « A Outremont, le foyer de milliers de membres clairement identifiables de la communauté juive hassidique de Montréal, il y a eu des cas où des personnes ont été interpellées dans la rue, et des Juifs qui n’ont pas été autorisés à entrer dans des magasins et à qui on a demandé de s’en tenir aux ‘magasins juifs' ».
Le pâtisserie offerte par la communauté a été très bien acceptée par la majorité des voisins, et cela a même aidé à calmer le petit nombre de gens qui sont dérangés par les services religieux quotidiens.
« L’une des raisons principales pour lesquelles nous avons une clientèle aussi diverse est que les gens se sentent à l’aise pour revenir, a déclaré Weisz. Les voisins qui viennent chez Cheskie ont tous quelque chose en commun. La boutique bâtit un pont entre les communautés d’une certaine manière ».
De fait, Seinfeld avait vraiment pressenti quelque chose. Cheskie n’est peut-être pas la solution à l’harmonie complète du voisinage, mais c’est certainement un bon début.
« J’apporte des pâtisseries de Cheskie à presque chaque fête à laquelle je participe, a déclaré Soiferman. Cela met tout le monde d’accord. Je fais venir chaque personne extérieure de la ville pour déguster une pâtisserie… Cheskie est une véritable institution de Montréal. En respirant l’air doux, dense et plein de saveur qui sanctifie la boulangerie casher de style de Brooklyn, on peut observer un véritable mélange des cultures. Devant vous, vous pourrez trouver un ultra-orthodoxe, des officiers de police à la retraite ou des jeunes avec leur planche de skate ».
« Je me dis toujours … ‘ces shmendriks feraient mieux de ne pas commander les trois dernières morceaux de babka avant que ce soit mon tour », a-t-il dit.
Cet article a été publié en premier dans le TheJ.ca, qui couvre les nouvelles juives au Canada.
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