La Cour face aux tentatives d’interdire les enquêtes du Contrôleur de l’État du 7 octobre
Cherchant un compromis, les juges de la Haute Cour notent les risques posés par l'enquête de Matanyahu Englman sur le pogrom du 7 octobre, sans pour autant trouver d'alternative
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
La Haute Cour de justice a cherché mercredi un compromis sur les recours visant à interrompre l’enquête du contrôleur de l’État sur les manquements entourant le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël, en ordonnant aux organismes publics concernés qui s’y sont opposés d’évaluer quels aspects de l’enquête pouvaient être menés à bien pour l’instant.
Le contrôleur de l’État, Matanyahu Englman, avait annoncé en décembre qu’il mènerait une vaste enquête sur les défaillances à plusieurs niveaux qui ont précédé, accompagné et suivi le pogrom et les massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre, y compris les défaillances militaires et des agences de renseignement, mais plusieurs groupes de veille du gouvernement s’y sont fortement opposés, craignant qu’elle n’interfère avec les capacités opérationnelles de l’armée israélienne et qu’elle n’ignore la responsabilité politique de l’assaut barbare et des massacres.
À l’issue d’une audience qui s’est tenue mercredi, la Haute Cour a demandé à Tsahal, à l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet, à l’agence de renseignement du Mossad et à d’autres organismes publics qui s’opposent à l’enquête du contrôleur de voir quels aspects de la première partie de l’enquête de Matanyahu, qui se concentre davantage sur les questions civiles que sur les questions militaires et de renseignement, peuvent être menés à bien.
La Cour a ordonné aux défendeurs de l’informer de leur décision avant le 28 juillet.
La Cour a également demandé aux défendeurs d’évaluer s’ils considèrent qu’il est réaliste pour le contrôleur de mener son enquête sur les échecs opérationnels et de renseignement, tels que la décision d’autoriser la tenue du Festival Supernova par le kibboutz Reïm et les dispositions de sécurité pour ce festival.
La Cour a toutefois donné aux défendeurs jusqu’au 31 octobre, ce qui signifie que ces aspects de l’enquête continueront d’être suspendus malgré tout.
En juin, la Haute Cour a ordonné à Englman de suspendre tous les aspects de son enquête concernant l’armée et le Shin Bet, et la Cour a déclaré mercredi que cette suspension restait en vigueur.
L’ONG Mouvement pour un gouvernement de qualité (MQG) en Israël, qui est l’un des principaux requérants contre l’enquête, s’est félicitée de la décision du tribunal de prolonger la suspension de l’enquête sur les agences de renseignement et militaires, mais a indiqué restée opposée à l’enquête du contrôleur d’une manière générale.
« Seule une commission d’enquête indépendante et impartiale peut mener une véritable enquête et fournir au peuple les réponses qu’il mérite », a déclaré le chef du MQG, Me Eliad Shraga.
Les requérants ont fait valoir qu’un tel examen n’est pas du ressort du contrôleur, qu’il nuirait aux capacités opérationnelles de Tsahal et qu’il pourrait ignorer la responsabilité de l’échelon politique dans le pogrom et les massacres perpétrés le 7 octobre.
« Nous pouvons nous attendre à un grave problème en ce qui concerne [la capacité de l’armée] à se concentrer [sur la guerre tout en faisant l’objet d’une enquête], nous le comprenons tous. Comment surmonter ce problème ? », a demandé le juge Noam Sohlberg, qui dirige le panel de trois juges présidant l’affaire.
Plaidant pour le contrôleur de l’État, Eliya Zunz Koller a répondu que les tribunaux n’acceptent pas automatiquement les allégations des agences de sécurité selon lesquelles un processus particulier nuirait à la sécurité de l’État, et a souligné que la Loi fondamentale : Le contrôleur de l’État stipule que le bureau du contrôleur de l’État n’est pas soumis au gouvernement.
La juge Yaël Wilner a cependant insisté sur le fait que « ce n’est pas une question de Lois fondamentales, c’est une question de sécurité pour nous tous ».
Les juges ont néanmoins exprimé leur scepticisme, Sohlberg soulignant qu’une commission d’enquête d’État, qui, selon les requérants, devrait plutôt enquêter sur les événements, n’a pas encore été mise en place par le gouvernement, qui insiste sur le fait qu’un tel groupe ne pourra être établi qu’à l’issue de la guerre.
« Si la guerre se poursuit pendant de nombreux mois, quand l’examen devrait-il commencer ? », a demandé Sohlberg à l’avocat du mouvement Ometz, l’une des organisations requérantes.
Le juge David Mintz a demandé à Me Shraga, chef du MQG, ce qui se passerait si le gouvernement ne créait jamais de commission d’enquête.
Me Shraga a éludé la question et a insisté sur le fait qu’il était crucial d’en créer une immédiatement afin de protéger l’État et Tsahal des poursuites judiciaires engagées contre Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI).
Il a fait valoir que le contrôleur de l’État, Englman, n’a pas d’antécédents en tant que juriste et ne jouit pas d’une confiance publique généralisée qui convaincrait les tribunaux de La Haye qu’il s’agit d’un processus sérieux. « C’est un problème grave », a insisté Me Shraga.
Sohlberg a demandé au représentant du bureau de la procureure générale, qui s’est également opposée à une enquête par le contrôleur de l’État, pourquoi une commission d’enquête de l’État ne détournerait pas l’attention des forces armées, mais il a évité la question, notant que la procureure générale Gali Baharav-Miara a déclaré qu’une telle enquête était le meilleur forum pour enquêter sur les échecs du 7 octobre, mais n’a pas dit quand elle devrait être mise en place.