La directrice du Trésor déplore le « discours violent » de Netanyahu
Keren Terner Eyal dément l'idée que les bureaucrates retiendraient les aides ; le ministre Katz suspendrait des fonds pour les défavorisés de peur qu'ils n'arrivent aux réfugiés
Alors que le mécontentement public face aux politiques adoptées au sein de l’Etat juif par le gouvernement est croissant dans un contexte de pandémie et que le ministère des Finances est dans l’oeil du cyclone, la directrice-générale du ministère, Keren Terner Eyal a riposté, samedi, aux critiques émises par le Premier ministre Benjamin Netanyahu et ses alliés concernant la conduite des responsables de son bureau.
Netanyahu s’en étaitt violemment pris vendredi aux responsables du ministère des Finances qui se seraient opposés à son plan de distribution d’aides financières à tous les adultes israéliens sans exception dans le contexte de la crise aigue traversée par l’économie du pays – une stratégie qui a été très critiquée, que ce soit par les experts économiques, les chefs de l’opposition et même les Israéliens, dont certains ont estimé que les coups de pouce financiers devaient être uniquement accordés aux populations les plus touchées par les répercussions de l’épidémie et pas à ceux qui ont été épargnés.
« Il est inconcevable que les bureaucrates nuisent aux décisions prises par le gouvernement dans les médias et qu’ils s’efforcent de les déjouer. C’est quelque chose que nous n’accepterons pas », avait ainsi écrit Netanyahu sur Facebook.
Le Premier ministre n’avait nommé aucun responsable mais il avait partagé un post écrit par un député de son parti du Likud, Shlomo Karai, qui incluait une photographie du chef du département du budget Shaul Meridor.
Yair, le fils de Netanyahu, connu pour sa rhétorique incendiaire, avait pour sa part affirmé dans une publication sur Instagram, samedi, que les employés du Trésor « sabotaient » intentionnellement les aides versées aux Israéliens auto-entrepreneurs – dont le mécontentement est croissant – « pour créer des agitations ».
Dans une série de tweets, Terner Eyal a déclaré qu’il « est très difficile pour moi de rester indifférente aux critiques sans précédent lancées contre les personnels de mon ministère et, en particulier, contre le chef du département du budget Shaul Meridor ».
Elle a déploré le « discours très violent qui se développe à notre encontre sur les réseaux sociaux ».
Terner Eyal a ajouté que le rôle de Meridor et d’autres était simplement de mettre en oeuvre les décisions prises par le gouvernement, et elle a souligné qu’ils n’avaient aucune fonction décisionnaire dans la détermination initiale des politiques.
Le ministre des Finances, Israel Katz, a vertement réprimandé Terner Eyal pour ses propos, disant qu’elle aurait dû lui demander l’autorisation avant de s’exprimer en public.
Katz a indiqué dans un communiqué que le travail de Terner Eyal ne consistait pas à défendre les bureaucrates du ministère ou à prendre part à des querelles publiques, mais « à exécuter les décisions au niveau politique ».
Il a ajouté qu’il était de la responsabilité unique du ministre de « défendre résolument la contribution positive apportée par les responsables professionnels ».
Samedi également, le journal Haaretz a indiqué que Katz avait ordonné le gel d’un programme d’assistance mis en place par le gouvernement en direction des organisations caritatives qui viennent en aide aux plus pauvres, aux sans-abris aux survivants de la Shoah, aux victimes d’agression sexuelle et autres populations dans le besoin suite aux pressions exercées par les activistes de droite qui s’étaient insurgés contre une éventuelle allocation de ces fonds à des groupes soutenant les réfugiés et les demandeurs d’asile.
L’enveloppe de 53 millions de shekels était destinée aux ONG ayant été frappées de manière significative par la pandémie.
Après une campagne de pression des activistes, et notamment de Shefi Paz et de Yair Netanyahu, Katz a donc ordonné le gel de cette enveloppe, disant au conseiller juridique de son bureau que certains des groupes destinataires des aides « mènent des activités contraires aux valeurs et aux politiques du gouvernement ».
Katz a réclamé que les critères d’éligibilité à ces aides soient modifiés, a précisé le journal.
Des sources proches du gouvernement ont confié à Haaretz qu’il n’avait pas été clairement établi que Katz disposait de l’autorité nécessaire pour faire annuler cette enveloppe, dans la mesure où elle a d’ores et déjà été approuvée par tous les ministères concernés.
Cette question fera l’objet d’un débat dimanche entre les officiels du gouvernement, a noté l’article.
Des allocations qui ne convainquent pas
Le plan de dynamisation – à hauteur de six milliards de shekels – qui a été annoncé par Netanyahu mercredi permettra à tous les Israéliens de 18 ans et plus d’obtenir une aide économique de la part du gouvernement. Les couples avec un enfant recevront un paiement unique de 2 000 shekels, une somme qui s’arrondira à 2 500 shekels pour les foyers avec un enfant et à 3 000 shekels pour les familles ayant trois enfants ou plus.
Les Israéliens célibataires âgés de plus de 18 ans obtiendront un soutien financier de 750 shekels.
Ce plan sera débattu au cabinet dans la journée de dimanche, après l’opposition de la formation Kakhol lavan, partenaire de coalition du Likud, à la non-différentiation faite entre les besoins différents de la population.
Netanyahu et le ministre des Finances, Israel Katz, avaient dévoilé ce plan malgré les objections du ministère des Finances. Selon un reportage télévisé, Meridor avait mis en garde contre la proposition au cours d’une réunion tendue, disant que « nous devons faire très attention à ne pas devenir un autre Venezuela ».
Ce pays d’Amérique du sud présente le taux d’inflation le plus élevé dans le monde et souffre d’une pénurie majeure de produits de base après des années de déboursements importants dans le secteur des dépenses sociales.
Karai avait écrit sur Facebook que « nous sommes d’ores et déjà familiers du phénomène de ces bureaucrates qui tentent de contrôler le pays contre les responsables élus. Shaul Meridor, le chef du département du budget du Trésor, en a fait un art. Il torpille la décision qui a été prise par le Premier ministre Netanyahu consistant à transférer de l’argent et des aides aux citoyens israéliens ».
Il avait également affirmé que Meridor nuisait au gouvernement par le biais des médias et qu’il s’était engagé dans une « campagne de délégitimation ».
Katz, qui est aussi membre du parti du Likud de Netanyahu, a averti que des sanctions disciplinaires pourraient être adoptées si « des preuves de tels actes » lui étaient présentées, selon un communiqué qui a été cité par les médias en hébreu.
Soutenant Meridor, la ministre des Affaires stratégiques Orit Farkash-Hacohen (Kakhol lavan) a indiqué qu’il était du devoir des fonctionnaires d’exprimer leurs opinions, même si ces dernières étaient contraires aux positionnements adoptés par les responsables élus.
« L’effort visant à consistant à donner une couleur politique à ce qu’il se passe est dangereux. Cela blesse des personnes qui ont consacré leurs vies au service public et cela dissuade des gens de qualité de nous rejoindre », a écrit sur Twitter Farkash-Hacohen.
Netanyahu, ces derniers jours, n’a cessé d’accuser des bureaucrates non-identifiés de chercher à bloquer ses propositions d’aides financières dans un cadre d’insatisfaction croissante des citoyens face à sa gestion de la pandémie et des politiques économiques qu’il tente de mettre en place pour s’attaquer aux répercussions des mesures de lutte contre le virus décidées par le gouvernement.
Les critiques de Meridor sont survenues alors que Michal Shir, députée du Likud et alliée de Gidon Saar, principal adversaire du Premier ministre au sein du parti, a accusé le chef du gouvernement de tenter de fuir ses responsabilités dans la réponse apportée au virus dans le pays et de rejeter toutes les critiques comme étant politiques.
Selon un sondage de la Douzième chaîne qui a été publié jeudi, 56 % des Israéliens pensent que l’enveloppe d’allocations universelles – qui a été fustigée par de hauts-responsables des finances, des ministres du gouvernement et de nombreux citoyens – a été motivée par des considérations d’ordre politique. 36 % estiment qu’elle est née du désir de redynamiser l’économie et 8 % ne se prononcent pas.