La Haute Cour saisie par les parents d’un Palestinien autiste tué par la police
La famille d'Iyad Halak, tué à Jérusalem en 2020, demande aux juges de contraindre le procureur à faire appel de l'exonération du policier, qui a été acquitté pour "erreur honnête"
La Haute Cour de justice a examiné jeudi une requête déposée par les parents d’un autiste de Jérusalem-Est abattu par un policier il y a plusieurs années, demandant l’annulation de la décision qui a disculpé l’officier de tout acte répréhensible.
Iyad Halak, un Palestinien autiste de 32 ans, a été abattu en mai 2020, alors qu’il était en route vers un établissement d’enseignement spécialisé, par un agent de la Police des frontières qui l’avait pris pour un terroriste armé.
Les parents de Halak, Khairi et Rana, ont demandé à la Cour de contraindre le procureur général à faire appel contre l’exonération du policier. Cette demande a peu de chances d’aboutir, car la Cour suprême intervient rarement dans les décisions du procureur général, en particulier lorsqu’il lui est demandé de faire appel d’une décision de justice.
La famille Halak a présenté la requête il y a quelques mois – avant l’attaque du Hamas du 7 octobre, qui a déclenché la guerre actuelle à Gaza – au département des enquêtes internes de la police (DIPI) et au bureau du procureur de l’État, qui ont refusé de faire appel de la décision prise l’été dernier par le tribunal de district de Jérusalem de disculper le policier de tout acte répréhensible.
« Nous sommes allés devant le tribunal aujourd’hui et lui avons expliqué à quel point sa décision de ne pas faire appel de ce verdict était une erreur. Elle est juridiquement erronée et viole les droits de la famille de la victime, Iyad Halak », a affirmé Khaled Zabarqa, l’un des avocats représentant la famille, dans un communiqué publié à l’issue de l’audience.
Le policier, dont le nom ne peut être publié, a été inculpé d’homicide involontaire pour le meurtre d’Iyad Halak dans la Vieille Ville, alors qu’il se rendait dans une école d’enseignement spécialisé. Il a affirmé avoir pris Halak pour un terroriste armé et avoir confondu le téléphone que ce dernier tenait à la main pour une arme à feu.
Quand Halak, confus et effrayé par l’ordre du policier de ne pas bouger, a essayé de s’enfuir, deux policiers l’ont poursuivi à travers le quartier musulman de la Vieille Ville, lui tirant dans la jambe, avant de le coincer dans un local à poubelles à l’intérieur de la Porte des Lions.
L’aide-soignante de Halak, qui l’accompagnait à l’école au moment des faits et qui a été témoin des événements, a raconté à la Treizième chaîne en 2020 que, bien qu’elle ait crié aux policiers en hébreu et en arabe que son protégé de 32 ans était handicapé, le policier accusé a tiré trois fois dans la poitrine de Halak alors même qu’il gisait blessé sur le sol.
Lorsque l’affaire a été portée devant le tribunal de district de Jérusalem, la juge de première instance, Chana Miriam Lomp, a acquitté le policier en estimant qu’il avait commis une « erreur honnête » et a accepté sa version selon laquelle il avait agi dans ce qu’il croyait être de la légitime défense dans une situation tendue.
Les juges de la Cour suprême David Mintz, Khaled Kabub et Ruth Ronen ont présidé l’audience de jeudi, au cours de laquelle les avocats de la famille Halak ont plaidé en faveur de l’annulation de la décision initiale.
« C’est la valeur de la vie humaine qui est ici en jeu », a déclaré Nareman Shehadeh-Zoabi, un avocat représentant la famille auprès de l’organisation arabe de défense des droits civiques Adalah, devant les juges jeudi. « La vie d’un jeune homme a été enlevée et des cas [comme celui-ci] pourraient se reproduire à l’avenir, dans lesquels le sentiment de menace et la légitime défense seraient utilisés comme excuse. »
Les requérants ont cité le meurtre plus récent de Yuval Castleman par un réserviste de Tsahal au début de cette année, avertissant que l’acquittement de l’officier non identifié dans la mort de Halak créerait un précédent promouvant « des normes dangereuses de responsabilité pénale pour les officiers de police ».
Bien qu’il ne soit pas policier, le réserviste de Tsahal Aviad Frija, qui a tiré sur Castleman en plein chaos provoqué par un attentat terroriste meurtrier à l’entrée de Jérusalem, a également affirmé qu’il avait pris Castleman pour un terroriste.
Les images de la scène montrent toutefois que Frija a tiré sur Castleman alors que ce dernier avait posé son arme au sol et levait les mains en criant « ne tirez pas ».
« La décision du tribunal de district (…) élargit considérablement le champ des réserves en matière de responsabilité pénale en droit pénal », peut-on lire dans la requête de la famille.
Les représentants du DIPI et du bureau du procureur de l’État ont commencé leur plaidoyer en présentant leurs condoléances à la famille Halak, mais ont fait valoir que l’annulation de l’acquittement du policier « réduirait la marge d’erreur accordée aux forces de sécurité ».
« Nous exigeons beaucoup des forces de sécurité, nous exigeons qu’elles mettent leur vie en danger », a déclaré un représentant du bureau du procureur général, soulignant à plusieurs reprises que le policier accusé n’avait que 19 ans à l’époque et qu’il agissait dans une « situation stressante qui exigeait des décisions rapides ».
La mère de Halak, Rana, est sortie de la salle d’audience pendant les plaidoiries des défendeurs.
L’avocat Zabarqa a soutenu que la loi est un contrat social qui doit être respecté, en particulier dans la « réalité sécuritaire complexe » de Jérusalem.
Les juges ont contesté l’affirmation des avocats de l’appelant selon laquelle l’acquittement du policier constituait un précédent, notant que les décisions des tribunaux de district n’ont qu’une influence limitée sur les autres affaires pénales.
Ronen a également indiqué à Shehadeh-Zoabi qu’elle n’était pas d’accord avec la qualification de la décision du procureur général de ne pas faire appel comme étant « extrêmement déraisonnable ».
Vers la fin de l’audience, le père de Halak, Khairi Halak, a exhorté les juges à forcer le bureau du procureur à revoir l’acquittement du policier.
« Ce policier voulait simplement lui tirer dessus. La personne qui s’occupait de lui, lui a dit d’arrêter, elle a essayé de lui expliquer qu’il était autiste, mais il n’a pas écouté », a-t-il déclaré, face aux trois juges du tribunal. « Tout ce que je réclame, c’est que justice soit faite pour nous et pour sa mère, qui est à l’extérieur. »