La Knesset adopte une loi permettant de fermer temporairement Al Jazeera en Israël
La loi donne au Premier ministre et au ministre des Communications le pouvoir de suspendre les médias étrangers jugés menaçants pour la sécurité nationale pendant 45 jours
La Knesset a approuvé lundi soir la loi dite « Al Jazeera », qui donne au gouvernement des pouvoirs temporaires pour empêcher les chaînes d’information étrangères d’opérer en Israël si elles sont considérées par les agences de sécurité comme portant atteinte à la sécurité nationale.
La loi a été adoptée par 71 voix contre 10 en deuxième et troisième lectures en séance plénière de la Knesset.
Le ministre des Communications, Shlomo Karhi, qui a été à l’origine de l’adoption de la loi, a promis, immédiatement après le vote final, que la chaîne d’information Al Jazeera, financée par le Qatar, serait fermée « dans les prochains jours », déclarant « qu’il n’y aura pas de liberté d’expression pour les porte-parole du [groupe terroriste palestinien du] Hamas en Israël ».
Karhi, membre de la ligne dure du Likud, le parti du Premier ministre Benjamin Netanyahu, a poursuivi. « Nous avons mis au point un outil efficace et rapide contre ceux qui utilisent la liberté de la presse pour nuire à la sécurité d’Israël et aux soldats de Tsahal, et qui incitent au terrorisme en temps de guerre. »
Dans une déclaration antérieure, le Likud, a indiqué que le Premier ministre « agirait immédiatement pour fermer Al Jazeera », conformément aux dispositions de la nouvelle loi.
Les États-Unis se sont dit préoccupés par l’adoption par la Knesset de cette loi.
« Nous croyons en la liberté de la presse. Elle est d’une importance capitale. Les États-Unis soutiennent le travail essentiel des journalistes du monde entier, y compris ceux qui rendent compte du conflit à Gaza. Si ces informations sont vraies, cela nous préoccupe », a déclaré Karine Jean-Pierre, secrétaire de presse de la Maison Blanche, en réponse à une question sur le sujet lors d’un point de presse.
La nouvelle loi donne au Premier ministre et au ministre des Communications le pouvoir d’ordonner la fermeture temporaire des réseaux étrangers opérant en Israël et de confisquer leur équipement si l’on estime qu’ils « nuisent réellement à la sécurité de l’État ».
C’est le ministre des Communications qui est habilité à émettre de tels ordres, mais seulement après avoir reçu l’approbation du Premier ministre et du cabinet de sécurité, et après que les agences de sécurité ont présenté au Premier ministre et au ministre des Communications une prise de position professionnelle détaillant les « fondements factuels » des allégations selon lesquelles la chaîne porte atteinte à la sécurité nationale d’Israël.
La loi permet le ministre des Communications à ordonner aux « fournisseurs de contenu » de cesser de diffuser la chaîne en question, à ordonner la fermeture des bureaux israéliens de la chaîne, à ordonner la confiscation de l’équipement de la chaîne et à ordonner la mise hors ligne du site web de la chaîne, si le serveur est physiquement situé en Israël, ou à bloquer l’accès au site web de quelque manière que ce soit.
Ces ordonnances sont valables pendant 45 jours et peuvent être renouvelées pour des périodes supplémentaires de 45 jours.
Selon les termes de la loi, tout ordre de fermeture d’une chaîne d’information étrangère doit être soumis dans les 24 heures à l’examen judiciaire du président d’un tribunal de district, qui doit alors décider dans les trois jours s’il souhaite modifier ou raccourcir la durée de l’ordre.
La loi a été adoptée en tant que loi temporaire et expirera le 31 juillet ou plus tôt si la déclaration de situation d’urgence est levée par le gouvernement.
La législation a été adoptée en première lecture par le plénum en février et a été approuvée en deuxième et troisième lecture à la suite d’un long débat au sein de la commission de la Sécurité nationale de la Knesset.
Bien que les responsables israéliens se plaignent depuis longtemps de la couverture d’Al Jazeera, qui, selon eux, est fortement influencée par le groupe terroriste palestinien du Hamas et met en danger les troupes de l’armée israélienne à Gaza, ils se sont abstenus par le passé de prendre des mesures, conscients que le Qatar finançait des projets de construction palestiniens dans la bande de Gaza, ce qui était considéré par toutes les parties comme un moyen d’éviter le conflit.
Le bureau du ministre des Communications, Shlomo Karhi, avait annoncé en octobre que la volonté de fermer Al Jazeera en Israël était fondée sur « la preuve qu’elle aide l’ennemi, diffuse de la propagande au service du Hamas, en arabe et en anglais, à des téléspectateurs du monde entier, et transmet même des informations sensibles à l’ennemi ».
Karhi a accusé la chaîne d’incitation pro-Hamas et d’exposer les troupes israéliennes à des embuscades. Al Jazeera et le gouvernement de Doha n’ont pas réagi à ces allégations.
En novembre, cependant, Israël a semblé épargner la chaîne qatarie, ordonnant au contraire la fermeture des émissions locales d’une petite chaîne libanaise pro-iranienne, Al Mayadeen, en vertu d’une réglementation d’urgence sur les médias.
Depuis que la guerre a éclaté le 7 octobre avec l’assaut barbare mené par le Hamas – au cours duquel quelque 3 000 terroristes ont assassiné près de 1 200 personnes, pour la plupart des civils, et en ont kidnappé 253 autres – Doha a servi de médiateur dans les pourparlers sur le cessez-le-feu qui ont permis à Israël de récupérer 105 otages fin novembre.
Les négociations sur une deuxième proposition de trêve qui permettrait la libération d’autres otages n’ont pas encore porté leurs fruits. En janvier, Netanyahu a publiquement demandé aux Qataris d’exercer davantage de pression sur le Hamas. Le Qatar abrite le bureau politique du groupe terroriste et plusieurs hauts responsables du Hamas.