La minuscule communauté druze d’Israël se surpasse pour apporter son aide
D’ambassadeurs de la cause d'Israël dans le monde arabe aux ateliers de coutures d’équipements militaires, la communauté contribue à l’effort de guerre
C’est vêtus de gilets pare-balles et de casques, et avec les ruines du kibboutz Beeri en arrière-plan, que Saleh Badriya et son épouse Atheel Badriya-Halabi ont exposé au monde arabophone les conséquences du massacre des Israéliens par le Hamas.
Le 7 octobre, quelque 3 000 terroristes de Gaza ont envahi Israël et se sont lancés dans une effroyable tuerie qui a fait 1 200 morts, pour la plupart des civils. Au kibboutz Beeri, plus de 130 résidents ont été massacrés, et nombre des corps ont été brûlés au point d’être méconnaissables.
Les Badriyas étaient les seuls « influenceurs” arabophones à avoir été invités par le ministère des Affaires étrangères israélien, le 26 octobre dernier. Leurs vidéos, sur Instagram et TikTok, ont eu des dizaines de milliers de vues.
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Certaines réactions ont été positives. Mais le couple a aussi été traité de « menteurs » et on leur a demandé à voir des preuves photographiques des atrocités qu’ils décrivaient.
« Nous n’avons pas pu photographier les choses que nous avons vues, par respect pour les familles et parce que ce qui s’est passé là-bas est tellement terrible », a déclaré Saleh Badriya au Times of Israel.
Près de 150 000 Druzes vivent en Israël, où ils représentent 1,5 % des ménages israéliens, selon les chiffres du Bureau central des statistiques (CBS) pour 2022.
C’est une communauté très unie, qui désapprouve les mariages mixtes et pratique une religion secrète, interdite aux non-Druzes.
La communauté se distingue de la population arabe générale par sa loyauté envers l’État juif.
Les hommes druzes sont les seuls Arabes, à l’exception des membres de la petite communauté circassienne, à être enrôlés dans Tsahal.
הותר לפרסום: בהיתקלות אמש בגבול לבנון נהרגו 2 לוחמים, בנוסף לסמח"ט 300, סא"ל עלים עבדאללה שהובא למנוחות. עלים נהרג בערב הפרידה שלו מתפקידו.
בשעה האחרונה: מחבלים ירו טיל נ"ט על נגמ"ש צה"ל ליד אביבים. הטיל החטיא, מסוק קרב של צה"ל תקף מוצב סמוך של חיזבאללה pic.twitter.com/UY5WYh0stQ— יואב זיתון (@yoavzitun) October 10, 2023
De nombreux Druzes occupent des postes élevés au sein de l’armée et des centaines d’entre eux sont morts pour l’État. Parmi les victimes de la guerre actuelle on déplore Alim Abdallah (ci-dessus), tué lorsque des terroristes ont franchi la frontière israélo-libanaise, et Salman Habaka (ci-dessous), qui a sauvé de nombreuses vies au kibboutz Beeri le 7 octobre, et qui est tombé en combattant le Hamas dans le nord de la bande de Gaza.
Tous deux étaient lieutenants colonels, un grade situé cinq niveaux seulement en dessous du chef d’état-major des Tsahal.
Malgré sa loyauté, et le fait qu’elle soit chaleureusement acceptée par de larges pans du public israélien, la communauté a essuyé une série de revers de la part de l’establishment politique, en particulier sous les gouvernements de droite de ces dernières années.
En 2017, la Knesset a adopté un amendement à la loi sur l’urbanisme (connue sous le nom de loi Kamenitz, du nom d’un fonctionnaire du ministère de la Justice) visant à accélérer les mesures contre les constructions illégales, et sans avoir à passer par les tribunaux. Cette mesure a été largement perçue comme visant la population arabe, pour laquelle il est pratiquement impossible d’obtenir des permis de construire, ce qui pousse les citoyens arabes à construire illégalement.
Un an plus tard, la loi de 2018 sur l’État-nation, selon laquelle le pays est l’État-nation du peuple juif, est considérée par les communautés minoritaires du pays et par de nombreux Israéliens juifs comme une norme d’exclusion injurieuse.
Dans un article d’opinion publié mardi par le site web en hébreu Ynet, Koftan Halabi, fondateur et directeur de l’Association des anciens combattants druzes, écrit : « Nous vous remercions pour vos compliments sur nos sacrifices pendant la guerre. Mais est-ce ces derniers aideront à faire tomber les lois Kamenitz et de l’État-nation pour que nous puissions non seulement mourir pour notre pays, mais aussi y vivre dans la dignité ? »
Malgré cela, tous ceux qui ont parlé au Times of Israel ont choisi de se concentrer sur la victoire de la guerre et le soutien aux victimes israéliennes, laissant les questions litigieuses pour plus tard.
Halabi, qui a été honoré par le président Isaac Herzog au début de l’année pour son aide aux jeunes et sa lutte contre la campagne de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS), était au Canada au début du mois pour aider à plaider la cause d’Israël et expliquer que les Druzes et les Israéliens sont inextricablement liés.
Les Badriyas estiment eux aussi que représenter les intérêts d’Israël, lutter contre les fakes en arabe et montrer que les Druzes sont « bien plus que de la pita et du labneh » (le labneh est un fromage à base de yogourt) est une vocation.
Ils font ce qu’ils peuvent pour combler ce qu’ils considèrent comme une lacune dans les efforts d’Israël pour expliquer ce qui se passe.
« À mon grand regret, l’État investit beaucoup dans les médias étrangers, mais pas dans la langue arabe », a déclaré Badriya.
Badriya-Halabi a ajouté qu’il était essentiel de veiller à ce que la haine entre les Juifs et le Hamas ne vienne pas contaminer les relations entre les Israéliens juifs et arabes. « Nous n’avons pas d’autre choix que de continuer à vivre ensemble », a-t-elle déclaré.
« Les Arabes israéliens doivent comprendre que ce qui s’est passé (le 7 octobre) n’a pas été commis au nom de l’islam ou du Coran et n’avait pas pour but de libérer qui que ce soit. Nous avons travaillé dur pour montrer aux Arabes israéliens, en particulier, que cette organisation est terroriste, et qu’elle est pire que l’État islamique (EI). »
« Nous avons rencontré beaucoup d’étudiants arabes dans les universités, dont certains ont des opinions assez difficiles, mais ils commencent à dire que si cet assaut meurtrier est le moyen utilisé par le Hamas pour libérer les Palestiniens, ils ne veulent rien avoir à faire avec lui », poursuit-elle.
Le couple vit à Daliyat al-Karmel, juste au sud de Haïfa, dans le nord d’Israël – la plus grande des 19 communautés druzes, toutes situées dans le nord du pays.
Badriya, 38 ans, travaille comme secouriste au service d’urgence du Magen David Adom et étudie la politique, avec un accent sur la diplomatie internationale, à l’université de Haïfa.
Badriya-Halabi, 31 ans, est une avocate qui prépare actuellement un doctorat et malgré sa déficience visuelle, elle dirige un cabinet de cinq avocats dans la ville.
Le 7 octobre, Saleh Badriya a endossé son uniforme de secouriste et s’est rendu en voiture dans le sud, « juste pour soigner, pour aider », mais il a été refoulé à Sderot.
Le 8 octobre, il a de nouveau enfilé son uniforme (il était en congé maladie pour une main cassée) et a envoyé un message aux étudiants druzes sur des groupes WhatsApp, suggérant que des stations soient mises en place dans toutes les communautés druzes pour collecter de la nourriture et d’autres articles pour les soldats israéliens et les familles évacuées de la zone frontalière de Gaza sous des barrages de roquettes.
J’ai acheté trois affiches et un marqueur, et j’ai écrit « Ceci est une station de collecte pour les soldats et les familles », et j’espérais que nous réussirions à obtenir un ou deux cartons », raconte Badriya.
À 20 heures ce jour-là, les Druzes de tous âges de Daliyat al-Karmel et d’Isfiya, la ville voisine, avaient acheté et donné suffisamment de nourriture et d’articles tels que des produits d’hygiène pour les soldates pour remplir un camion de huit mètres de long et huit autres véhicules avec des remorques.
D’autres convois sont partis d’autres localités druzes.
Badriya et ses camions ont atteint la ville de Sderot, dans le Sud, à 2h30 du matin. Sur place, ils se sont dirigés vers le centre communautaire où la police et les soldats avaient installé un poste de commandement. La ville avait été prise d’assaut par les terroristes du Hamas la veille et un grand nombre d’habitants avaient été massacrés.
À peine arrivé, Badriya a senti le canon d’une arme à feu à l’arrière de sa tête. « Je ne savais pas si je devais parler en arabe, en hébreu ou en anglais », a-t-il raconté en riant.
« Quand j’ai compris qu’il s’agissait d’un soldat israélien, je lui ai dit que j’apportais de l’aide et que je n’étais pas armé. Tout le monde s’est calmé et on m’a expliqué qu’il y restait encore des terroristes en ville », a-t-il poursuivi.
Les convois d’aide druzes ont continué à emprunter les routes menant à la frontière de Gaza, au sud, et à la frontière libanaise, au nord, tout au long de la première semaine de la guerre.
Des écoliers druzes ont écrit des lettres aux soldats israéliens.
Une organisation à but non lucratif basée à Isfiya, l’Oiseau de l’âme (Tzipor Hanefesh), qui emploie des artistes ayant des besoins particuliers, a créé des boîtes pour les soldats contenant des tasses isolées et des chauffe-nuque.
Un entrepreneur en bâtiment druze, qui a tenu à garder l’anonymat, a commandé 3 000 repas chauds et des caisses de Coca-Cola et a loué un camion qu’il a conduit vers le sud.
Durant les premiers jours de la guerre, les familles druzes ont ouvert leurs maisons à quelque 200 personnes évacuées du sud.
La cheffe Noura Houssissi, également basée à Daliyat el-Karmel, tient le seul restaurant casher de la ville.
Elle raconte qu’elle a été « poussée » à ouvrir un établissement, d’abord chez elle, en 2003, par le célèbre chef Haim Cohen, avec qui elle a travaillé pendant plusieurs années dans la station thermale huppée de Carmel Forest.
L’un de ses deux fils a servi dans le corps d’artillerie des Tsahal. L’autre est un colonel de réserve à la retraite.
Peu après le début de la guerre, elle a préparé des repas pour 600 soldats.
« Je dois soutenir mon pays et l’armée », dit-elle. « Les soldats sont comme mes enfants ».
À Beit Jann, sur le mont Meron, à un peu plus d’une heure de route au nord-est de Daliyat al-Karmel, quelque deux cent cinquante femmes druzes travaillaient des journées de 16 heures chez Maquette Textil pour répondre à la demande de Tsahal en gilets pare-balles.
Chacune coud une partie différente de la veste avant que toutes les pièces ne soient assemblées.
Elles font partie des quelque 600 femmes druzes employées par six ou sept usines qui cousent pour l’armée dans le nord d’Israël.
Kanj Kablan, PDG de l’atelier fondé par ses parents dans les années 1980, explique que les employées travaillent en double équipe parce qu’il faut un à deux mois pour former de nouvelles couturières, un temps que la guerre ne permet pas.
« Elles cousent des gilets pour leurs fils, leurs pères et leurs cousins », a-t-il ajouté. « C’est notre pays et c’est une guerre pour nos maisons. »
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