La mosaïque de Megiddo exposée dans un musée évangélique américain
Le sol d'une salle de prière paléochrétienne, découvert en 2005 à proximité d'une prison dans le nord d'Israël, sera à découvrir pour la première fois au Musée de la Bible à Washington
La mosaïque de Megiddo, le sol carrelé décoré qui appartenait, selon les experts, à la plus ancienne salle de prière chrétienne connue aujourd’hui, a été retirée de son emplacement d’origine dans le nord d’Israël par une équipe d’experts et elle va être exposée au Musée de la Bible à Washington, a confirmé l’Autorité israélienne des Antiquités (IAA) au Times of Israel ce jeudi.
La mission de dépose de la mosaïque s’est achevée la semaine dernière, et après un « processus spécialisé compliqué » de préservation et de catalogage, la mosaïque de Megiddo arrivera aux États-Unis au mois de septembre et sera présentée au public pendant neuf mois, a déclaré par téléphone au Times of Israel l’archéologue en chef de l’IAA, le Pr. Gideon Avni, de l’université hébraïque.
L’IAA est en discussion avec d’autres organismes pour l’exposition de ce sol carrelé unique et il faudra probablement attendre « quelques années » avant que la mosaïque ne soit renvoyée en Israël, a ajouté Avni.
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La mosaïque de Megiddo avait été découverte par des archéologues israéliens en 2005 lors d’une fouille de sauvetage menée dans le cadre de l’expansion prévue de la prison de Megiddo, qui abrite des prisonniers palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité en Israël. La mosaïque avait fait l’objet de recherches approfondies mais, dans la mesure où elle se trouvait dans l’enceinte de la prison, elle était restée enfouie et n’avait pas été présentée au grand public. Avec cette exposition au Musée de la Bible, ce sera la première fois que la mosaïque pourra être admirée par les visiteurs.
« Elle sera exposée à d’autres endroits, mais rien n’est encore clairement établi », a déclaré Avni. Le déplacement de la mosaïque entre dans le cadre d’un « processus plus large », discuté depuis longtemps, de déplacement de la prison qui sera remplacée par un nouveau parc archéologique et touristique qui sera aménagé sur le site, a-t-il déclaré.
Sur la base d’autres découvertes faites lors des fouilles et du style des lettres des inscriptions, les archéologues de l’IAA ont daté le sol en mosaïque du début du IIIe siècle, avant que l’Empire romain ne se convertisse officiellement au christianisme et alors que les adeptes de cette religion étaient encore persécutés.
Néanmoins, l’un des donateurs qui avait financé, à l’époque, la décoration de l’ancien lieu de culte était un centurion qui servait dans le camp de légionnaires romains adjacent, et les noms de cinq femmes ont également été inscrits dans la mosaïque, ce qui témoigne du rôle tenu par les femmes au sein des premières communautés chrétiennes.
La mosaïque, de plus de 50 mètres carrés, est pleine de formes géométriques détaillées avec des images de poissons, un symbole du christianisme primitif, ainsi que des inscriptions grecques, dont une offrande « Au Seigneur Jésus-Christ ».
Les inscriptions grecques constituent « l’histoire centrale » de la mosaïque, a expliqué Avni. Elles montrent « qu’il y avait là une communauté qui connaissait Jésus. Elle est unique parce qu’elle est très ancienne ». La mosaïque faisait partie d’un bâtiment public où les premiers chrétiens se réunissaient avant que les églises officielles ne soient instituées.
« Elle date de la période qui s’est écoulée entre le moment où le christianisme était un mouvement local, peu connu, et celui où, quelques décennies plus tard, Constantin a fait du christianisme une religion officielle [dans l’Empire romain] et où il a construit de grandes églises », a poursuivi Avni.
Des pourparlers entre l’IAA et le Musée de la Bible, soutenu par les évangélistes, en vue d’exposer la mosaïque à Washington avaient été rapportés au mois d’août dernier, bien que Avni ait déclaré qu’il y avait eu, en amont, « dix ans de discussions » avec le musée.
Une exposition religieuse ?
Le Musée de la Bible, soutenu par le fondateur controversé de Hobby Lobby, Steve Green, a été critiqué pour ses pratiques de collecte des objets qu’il expose et pour promouvoir un programme politique chrétien évangélique.
En 2018, le musée avait été contraint de restituer quelque 4 000 objets dont il avait été établi qu’ils avaient été pillés sur des sites archéologiques en Irak. Dans une lettre ouverte publiée en 2020, Green avait déclaré que « 5 000 fragments de papyrus et 6 500 objets en argile dont les données sont insuffisantes en matière de provenance » seraient restitués aux gouvernements égyptien et irakien.
Certains archéologues et universitaires se sont opposés à l’idée de retirer la mosaïque de Megiddo pour l’exposer au Musée de la Bible. Rafi Greenberg, professeur d’archéologie à l’université de Tel Aviv, avait déclaré l’année dernière à l’Associated Press que la mosaïque et d’autres découvertes « devraient rester là où elles sont et ne pas être déracinées et transportées dans un autre pays pour qu’une puissance étrangère se les approprie ».
Le musée est une « machine biblique chrétienne nationaliste de droite », ce qui laisse présager que la mosaïque « perdra son contexte historique réel et se verra attribuer un contexte idéologique qui continuera à aider le musée à développer son narratif », a déclaré Cavan Concannon, professeur de religion à l’université de Californie du Sud, dans le même article.
La région de Megiddo est un ancien carrefour, traditionnellement associé, pour de nombreux chrétiens, au site d’Armageddon – l’éventuelle bataille finale entre le bien et le mal – ce qui pourrait donner aux artefacts chrétiens de Megiddo, comme c’est le cas de la mosaïque, une résonance particulière.
L’IAA, qui a déjà prêté plusieurs objets pour les exposer au Musée de la Bible, a toutefois déclaré que le musée entrait dans le monde « spécialisé et courant » des institutions.
« Nous sommes conscients de la controverse », a reconnu Avni. « Les conditions sont claires. L’histoire qu’ils raconteront [lorsqu’ils exposeront la mosaïque] sera d’ordre historique et archéologique, et non religieux – du côté de la science, sans essayer de mettre en valeur un certain narratif. »
« Il est certain que le musée est associé aux évangélistes américains. Nous n’ignorons pas cela », a ajouté Avni.
Un nouveau complexe archéologique
Le déplacement de la mosaïque fait partie d’un projet plus vaste qui consiste à déplacer la prison de Megiddo et à transformer la zone voisine en un parc archéologique et touristique officiel, a déclaré Avni. La zone comprend le parc national de Tel Megiddo, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, ainsi qu’un ancien camp militaire romain et un ancien village juif.
En attendant, la création d’un tel parc n’en est qu’à ses débuts, selon un article qui est paru cette semaine dans Haaretz. La mosaïque de Lod, un sol de l’époque romaine prêté de la même manière, a été exposée dans onze musées internationaux, dont le Louvre, avant de revenir à Lod en 2022 pour être abritée dans un bâtiment dédié après plus d’une décennie passée à l’étranger.
« Nous pensons que l’ensemble du processus prendra deux ans au maximum », a insisté Avni. « Cela dépend de l’ouverture de la nouvelle prison et de la construction du site archéologique. L’idée est de pouvoir la présenter au monde entier et, à la fin, elle sera renvoyée en Israël et [remise] à l’endroit où elle a été trouvée. »
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