La nièce d’un historien de la Shoah détenu par le Hamas participe à un évènement de Yom HaShoah
Des habitants de Jérusalem se sont rassemblés pour un Zikaron Basalon d'un genre différent ; Tamar Pearlman espère que l'histoire de la survie de sa famille aidera Alex Dancyg à résister à la captivité du Hamas
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »

La tente des familles d’otages était pleine dimanche soir à Jérusalem. Quelque 200 personnes se sont réunies pour un Zikaron Basalon (Commémoration dans le salon) d’un genre différent, dans la tradition des rassemblements informels chez des particuliers à l’occasion de Yom HaShoah.
La tente n’est utilisée comme domicile par personne. Elle est devenue le lieu de rassemblement des familles d’otages de la capitale, celles dont les proches ont été emmenés en captivité à Gaza le 7 octobre, et l’épicentre des rassemblements hebdomadaires qui ont lieu chaque samedi soir.
Ses coins sont remplis d’affiches avec les visages des otages, ainsi que de boîtes remplies de pin’s en ruban jaune, de colliers avec pendentifs en hommage aux otages et de bracelets en ruban jaune. Une longue table est toujours garnie de gâteaux, de biscuits et d’une bouilloire d’eau chaude, avec de quoi faire du thé et du café.
Tamar Pearlman, ancienne professeure principale de lycée qui enseigne aujourd’hui la méditation, a parlé de son oncle « Olesh », comme on l’appelle dans la famille, ou Alex Dancyg, 75 ans, un résident du kibboutz Nir Oz qui a été pris en otage par des terroristes du Hamas le 7 octobre avec 251 autres personnes.
Pearlman a raconté l’histoire de la famille d’Olesh, de ses grands-parents maternels qui se sont échappés de Varsovie au début de la Seconde Guerre mondiale et ont gagné la Russie – une histoire de survie et de petits miracles. Ils ont eu une petite fille – la mère de Pearlman – et l’ont laissée à une femme non juive qui a proposé de s’occuper d’elle pendant qu’ils se cachaient sous un faux nom.
Ils sont revenus après la guerre pour reprendre leur fille à la personne qui s’occupait d’elle, une femme que la famille a ensuite désignée comme Juste parmi les nations. La famille s’est installée à Varsovie, où Alex Dancyg est né en 1948, jusqu’à ce qu’elle émigre en Israël en 1957.
En Israël, Dancyg a rejoint le groupe de jeunes sionistes travaillistes Hashomer Hatzair et s’est installé dans le kibboutz Nir Oz, où il s’est marié et a eu quatre enfants.

L’histoire des Juifs de Pologne et le dialogue judéo-polonais sont devenus l’œuvre de sa vie, a déclaré Pearlman, car Dancyg est devenu un maître pédagogue de la Shoah, avec une approche unique et très personnelle, engageant le dialogue avec les adolescents polonais et montrant Varsovie comme une ville et un lieu, et pas seulement comme un mémorial de la Shoah.
Dancyg était seul chez lui le 7 octobre, après avoir passé la soirée de la veille avec son fils Matti et sa famille qui vivent à Nir Oz. Les membres de la famille étaient en contact avec lui ce matin-là, et une petite-fille a rapporté que Dancyg avait dit que la situation était compliquée, « ce qui signifiait qu’elle était très mauvaise », a déclaré M. Pearlman.
Le fils et la fille de Dancyg, ainsi que leur famille, ont survécu après que son gendre a combattu les terroristes dans son salon. Son ex-femme s’est cachée dans la chambre forte de sa maison kibboutz avec ses deux petites-filles adolescentes, et a tenu la porte de la chambre forte fermée pendant huit heures.
Dancyg a été pris en otage et on n’a plus entendu parler de lui depuis la fin du mois de novembre, lorsqu’une centaine d’otages ont été libérés dans le cadre d’un accord de trêve temporaire.
Certains avaient été avec Dancyg et avaient parlé à sa famille des leçons sur la Shoah qu’il enseignait dans les tunnels de Gaza, même s’ils lui demandaient souvent de changer de sujet. Depuis lors, il n’y a eu aucune nouvelle, mais sa famille garde espoir, a déclaré Pearlman.
« J’espère que tout ce que mes grands-parents ont vécu l’aidera à survivre », a déclaré Pearlman.
Varsovie, la ville natale de Dancyg, est actuellement pleine de graffitis de son visage, dont des images ont été envoyées à la famille.

L’écrivain et philosophe Micha Goodman a proposé une approche différente de Zikaron Basalon dans la tente des otages, avec un bref aperçu de l’antisémitisme et de ses racines dans la Shoah.
Il a emmené le public à travers la pensée de Theodor Herzl, qui pensait que l’antisémitisme pourrait être aboli avec la création d’une nation juive, et dans une réflexion plus tardive sur le privilège blanc et les Juifs en tant que minorité au sommet de la chaîne alimentaire, et parfois perçus comme menaçant le privilège blanc.
« Aujourd’hui, le nationalisme est mauvais et Israël est un nationalisme », a déclaré Goodman. « L’antisémitisme est la politique du blâme, et il est facile de blâmer les Juifs. »
Mais, a averti Goodman, les Israéliens et les Juifs ne doivent pas perdre le contact avec leur réalité, d’autant plus que ce Yom HaShoah coïncide avec une hausse significative de l’antisémitisme au niveau mondial, dans le contexte de la tristesse et des réalités du 7 octobre.
« Nos frères et sœurs vivent une Shoah », dit Goodman en secouant la tête. « Et nous voulons qu’ils reviennent. »