Israël en guerre - Jour 364

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"Cela prouve que deux religions peuvent se soutenir"

La paix avec Israël et la loi agricole juive ont fait fleurir les etrog au Maroc

Bien que les lois israéliennes privilégient les etrog cultivés localement, tous les 7 ans, les producteurs du Haut Atlas s'emparent du marché pendant la shemita

Illustration : Des marchands juifs venant du monde entier pour s'approvisionner auprès de producteurs d'etrogim marocains comme Mohammed Douch, à Assads, le 8 septembre 2015. (Crédit : Ben Sales/JTA)
Illustration : Des marchands juifs venant du monde entier pour s'approvisionner auprès de producteurs d'etrogim marocains comme Mohammed Douch, à Assads, le 8 septembre 2015. (Crédit : Ben Sales/JTA)

JTA – Une récolte abondante d’etrog prendra un chemin plus direct vers Israël cette année, grâce à une convergence historique entre géopolitique et observance religieuse.

Le Maroc, qui abritait autrefois la plus grande communauté juive du monde arabe, cultive depuis longtemps l’agrume utilisé par des millions de Juifs chaque année à Souccot. Selon la tradition, les premiers etrogs auraient été plantés dans les montagnes de l’Atlas il y a près de 2 000 ans par les Juifs qui y avaient trouvé refuge parmi les tribus berbères après la destruction du Second Temple de Jérusalem.

Chaque année, les communautés juives du monde entier importent des centaines de milliers d’etrogs du Maroc : leur prix est plus abordable que celui de la variété calabraise, la Diamante Citron, prisée par certains groupes hassidiques, qui peut atteindre des centaines de dollars pour un spécimen sans défaut.

Le marché israélien, où vit la majorité des Juifs orthodoxes du monde, possède ses propres vergers d’etrogs et exerce un contrôle strict sur les importations agricoles.

Les etrogs marocains ne sont les bienvenus en Israël que l’année qui suit la shmita, à savoir la septième année du cycle agricole juif, pendant laquelle la loi juive interdit le travail de la terre en Israël. Si tous les agriculteurs israéliens ne suivent pas le cycle agricole prescrit par ces lois religieuses, les agriculteurs qui cultivent des produits utilisés à des fins rituelles, comme les etrogs, sont bien obligés de le faire, sans quoi ils ne pourraient vendre leurs produits à leur clientèle religieuse.

L’année juive qui s’est achevée avec Rosh HaShana était une année de shemita, ce qui signifie qu’aucun etrog n’a été cultivé en Israël pour la fête de Souccot de cette année, qui a commencé dimanche soir. Au lieu de cela, un grand nombre d’etrog a été importé du Maroc en Israël, comme ce fut le cas il y a sept ans.

Des clients examinent les branches de palmier et les citrons – connus également sous le nom de lulav et d’etrog – pour y trouver des imperfections au marché à quatre espèces de Jérusalem, le 16 septembre 2013. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

Mais cette fois, leur chemin a été simplifié grâce à l’accord de normalisation conclu entre Israël et le Maroc il y a deux ans, dans le cadre d’une série d’accords commerciaux entre Israël et les pays arabes visant à ouvrir de nouvelles connexions diplomatiques et économiques.

« Avant l’accord, nous devions toujours passer par un pays tiers pour vendre nos produits », explique à la Jewish Telegraphic Agency Hervey Levy, un homme d’affaires et membre de la communauté juive d’Agadir qui exploite une ferme d’etrog. « Cela pouvait être la Turquie, l’Espagne, l’Italie – peu importe mais il fallait que cela transite quelque part. »

Plusieurs accords destinés à faciliter le commerce entre le Maroc et Israël après leur accord de normalisation, dans le cadre des accords d’Abraham négociés par les États-Unis, doivent encore être signés, d’après Einat Levi, l’ancienne responsable des affaires économiques à la mission diplomatique d’Israël au Maroc. Mais selon elle, le commerce des etrog, qui est soumis à des réglementations différentes de celles qui s’appliquent aux autres produits agricoles, dû à son caractère religieux, est la preuve du potentiel des relations entre les deux pays.

« C’est un symbole, car il montre comment deux religions peuvent se soutenir mutuellement. Ainsi, lorsque les Juifs ne peuvent pas travailler leur terre, leurs compatriotes musulmans peuvent leur fournir ce dont ils ont besoin cette année-là, afin qu’ils puissent conserver leur rituel et leur tradition », a déclaré Levi.

Cette année, Hervey Levy a envoyé ses etrog en Israël directement de Casablanca par la Royal Air Maroc, la compagnie aérienne nationale du Maroc. L’accord de normalisation a également amené des passagers dans l’autre sens, a-t-il dit – des concurrents dans le commerce des etrog.

Des etrogs en vente au marché des « quatre espèces » à Jérusalem, le 13 octobre 2016. Illustration. (Crédit : Sebi Berens/Flash90)

« Cette année, pour la première fois, la shemita a eu lieu après les accords, donc nous avons eu beaucoup de monde, des nouveaux venus qui ont essayé de tenter leur chance », a déclaré Levy. « Les nouveaux arrivants viennent, ils donnent des prix élevés sans rien savoir, ils ne connaissent pas le système pour envoyer et emballer, mais il y avait aussi des personnes qui avaient de l’expérience et qui sont ici depuis longtemps. »

Pour Levy et les Juifs d’Agadir, la période des quelques semaines qui précède Rosh HaShana est toujours un moment de bonheur. Des dizaines de marchands juifs débarquent dans les villages berbérophones des montagnes autour d’Agadir, et amènent de la vie aux offices de Shabbat locaux pendant leur visite.

« Ils finissent tous à la synagogue et nous sommes heureux car la synagogue est pleine pendant cette période », a déclaré Levy.

Cette année, cependant, Levy raconte que comme les commerçants étaient en nombre suffisant, le groupe a décidé de rester ensemble pendant le Shabbat dans un hôtel dans les montagnes, d’où ils pouvaient marcher jusqu’aux fermes d’etrog.

Le chemin de terre entre la ville côtière d’Agadir, au Maroc, et les bosquets d’etrogs des hautes terres à Assads, le 8 septembre 2015. (Crédit : Ben Sales/JTA)

Il reste moins de 2 000 Juifs au Maroc, mais les musulmans berbérophones cultivent depuis longtemps ce fruit dans les villages situés sur les hauteurs de l’Atlas, autour de la ville balnéaire d’Agadir. Il ne reste que 40 à 50 Juifs dans cette ville, qui abritait autrefois des milliers de Juifs et qui était un important centre commercial sur la route entre l’Afrique subsaharienne et l’Europe occidentale.

Parmi eux, une douzaine cultivent des etrog. Le père de Levy a planté la ferme familiale il y a des dizaines d’années.

« Mon père, zichrono l’vracha, a pris il y a longtemps de petits arbres qui se trouvaient en haut des montagnes, à l’endroit où ils ont été cultivés pour la première fois ici, et s’est mis à les cultiver dans la vallée », se souvient Levy, utilisant les mots hébreux signifiant « que sa mémoire soit une bénédiction ».

Le père de Levy était loin d’être un simple fermier. Industriel et entrepreneur, il était le président de la communauté juive d’Agadir et membre du Parlement marocain, mais pour lui, la culture des etrog était un travail d’amour.

Les fruits étaient destinés à l’exportation, et la communauté juive marocaine recevait sa récolte sans devoir payer.

Son père est décédé l’année dernière, mais Levy, qui travaille à plein temps comme consultant en affaires, a veillé à ce que le verger ne reste pas en jachère cette année.

Un bosquet d’etrogs dans les plaines marocaines, le 9 septembre 2015. Illustration. (Crédit : Ben Sales/JTA)

La ferme familiale de Levy compte environ 400 arbres et a donné environ 9 000 fruits cette année, et une autre ferme gérée par des Juifs à Agadir est au moins deux fois plus grande, dit-il. En comparaison, les vergers moyens des villages de montagne ne comptent que 60 à 100 arbres.

« Il y a beaucoup de propriétaires musulmans, mais ils ont des terres plus petites », explique Levy.

Pourtant, personne ne devient riche avec ce commerce. Alors que la meilleure qualité d’etrog, classée Aleph-Aleph sur l’échelle israélienne, peut se vendre plus de 80 dollars au Maroc et davantage à l’étranger, les etrog de moindre qualité Bet ne se vendent qu’à environ 15 dollars, et les Gimels, moins de 10 dollars.

À peine 5 % de la récolte sont de qualité Aleph, a expliqué Levy, tandis que 40 % sont des Bets et le reste des Gimels. Au total, Levy a déclaré qu’après une année de travail et toutes les dépenses, sa ferme n’a réalisé qu’environ 30 000 dollars de bénéfices.

Avec le loulav, une gerbe de branches liées, l’etrog est un objet rituel essentiel utilisé pendant Souccot ; la loi juive exige des adhérents qu’ils agitent ces objets pendant la fête. En raison de la forte demande en etrog, l’escale, qui vient d’être supprimée sur leur trajet entre le Maroc et Israël n’a jamais été un frein à leur importation.

Des membres de la communauté juive de Kasuku au Kenya assemblent le lulav et l’etrog pour la première fois, le 5 octobre 2015. Illustration. (Crédit : Melanie Lidman/Times of Israel)

« Les douanes sont très sévères en ce qui concerne les importations des etrog en Israël », a déclaré Levy, « sauf pendant l’année de la shemita ».

Même si la synagogue d’Agadir n’était pas pleine cette année, les cargaisons d’etrog l’étaient. Selon les estimations de Levy, environ 600 000 etrog ont été exportés du Maroc, soit 10 % de plus que lors d’une année normale, dont une partie plus importante que d’habitude à destination d’Israël mais aussi aux Juifs du monde entier.

« Jusqu’au Brésil, Singapour, partout où il y a une petite communauté », a déclaré Levy.

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