La plupart des plaintes des soldats sont dirigées contre des subalternes « têtus »
La médiatrice de Tsahal a expliqué que les cadets nouvellement diplômés se sentent probablement "poussés" par les officiers supérieurs à accomplir certaines tâches
Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.

La médiatrice militaire d’Israël a annoncé mercredi qu’une part importante des plaintes pour abus, négligence et incompétence présumés des commandants envers leurs subordonnés en 2022 avaient été déposées contre des officiers subalternes.
Le rapport annuel de la médiatrice comprend des milliers de plaintes émanant de conscrits, de soldats de carrière et de réservistes. Le nombre de plaintes est resté relativement stable ces dernières années, mais cette année, le rapport a identifié que les officiers subalternes de Tsahal étaient à l’origine de la majorité des plaintes déposées.
Le rapport de 190 pages a été présenté au ministre de la Défense, Yoav Gallant, et à la puissante commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, ainsi qu’à des officiers supérieurs de Tsahal.
Le document a été préparé par la médiatrice, la générale de brigade (de réserve) Rachel Tevet-Wiesel, connue officiellement sous le nom de responsable des plaintes, qui travaille au ministère de la Défense. Tevet-Wiesel est la première femme à occuper ce poste, après avoir été nommée en 2021.
Au cours de l’année 2022, le bureau de la médiatrice a reçu 6 075 plaintes de soldats israéliens ou de leurs proches, soit une baisse de 2 % par rapport à l’année précédente. Le bureau de Tevet-Wiesel a examiné chacun de ces cas, et a constaté que la majorité d’entre eux – 58 % – étaient légitimes, les autres étant rejetés comme insignifiants ou non-fondés.
Parmi les 3 654 plaintes déposées par des soldats conscrits, la majorité, 54 %, concernait le traitement inapproprié de subordonnés par leurs commandants.

S’adressant aux journalistes avant la publication du document, Tevet-Wiesel a pointé du doigt les officiers subalternes.
« Tout d’abord, je me suis inquiétée du fait que le nombre de plaintes n’avait pas diminué. Mais lorsque j’ai examiné la situation plus en détails, la grande majorité des plaintes concernaient des officiers subalternes », a déclaré la médiatrice.
« Je vais appeler un chat un chat : ce sont les sous-lieutenants, ceux qui n’ont suivi que récemment le cours d’officier », a-t-elle ajouté, le qualifiant de « grade problématique ».
« Ce ne sont pas les lieutenants-colonels ou les brigadiers, bien qu’il y ait quelques plaintes les impliquant – ce sont surtout les sous-lieutenants. C’est sur eux qu’il faut se concentrer », a déclaré Tevet-Wiesel.
Elle a donné l’exemple d’un sous-lieutenant qui a refusé à un soldat isolé une permission pour se rendre au mariage de sa sœur, qualifiant cette décision « d’absurde ».
« Ce n’est pas seulement d’une évidente stupidité mais aussi le signe d’une ignorance des protocoles », a-t-elle déclaré.

Tevet-Wiesel a indiqué qu’au cours des six derniers mois, son bureau s’est concentré sur la collaboration avec l’école d’officiers de Tsahal, connue sous le nom de Bahad 1, afin d’élaborer des simulations de situations qui ont entraîné des plaintes, sur lesquelles les cadets peuvent s’entraîner. « Les simulations sont basées sur des situations réelles de plaintes afin qu’ils comprennent ce que leurs soldats perçoivent », a-t-elle déclaré.
La médiatrice a indiqué que son bureau travaillait également sur des programmes de formation destinés aux officiers supérieurs, « pour leur apprendre que la véritable problématique ici, ce sont les officiers subalternes ». « Vous devez les éduquer, mais aussi leur laisser une marge d’erreurs… et comprendre d’où vient leur entêtement. »
« Nous savons que ceux qui se présentent aux portes de Bahad 1 sont de bonnes personnes avec un grand cœur, mais malgré tout, cet entêtement excessif vient probablement du fait de vouloir accomplir des tâches, de la pression pour accomplir des tâches, de la pensée de ce qui se passera s’ils n’accomplissent pas les tâches, ils sont donc plus récalcitrants envers leurs soldats » a-t-elle ajouté.
Comme chaque année, les plaintes portaient également sur des cas d’abus physiques et verbaux, des soldats ne recevant pas de soins médicaux appropriés, des inefficacités bureaucratiques et de mauvaises conditions.
Tevet-Wiesel a déclaré que si les plaintes pour violence et abus verbaux ont été peu nombreuses l’année dernière, « elles doivent être réduites à zéro ».

L’augmentation la plus significative des plaintes provient de groupes de soldats, en hausse de 350 % par rapport à 2021. L’un de ces groupes comprenait plus de 1 000 femmes soldats, qui se sont plaintes du type d’uniformes donnés aux femmes militaires. La plainte était « pleinement justifiée », a déclaré Tevet-Wiesel, et Tsahal a depuis autorisé les soldates à choisir entre deux types d’uniformes différents.
La plus forte baisse des plaintes a été enregistrée parmi les nouvelles recrues, avec une diminution de 17 % par rapport à 2021. Tevet-Wiesel dit avoir constaté une amélioration du processus d’induction au sein de Tsahal, dans l’unité d’induction Meitav, traitant mieux les civils qui attendent d’être enrôlés, ainsi que leurs familles.
Le document est préparé chaque année, sur la base de plaintes écrites de soldats, d’entretiens et d’examens de rapports militaires internes, afin d’identifier les tendances inquiétantes et positives au sein de Tsahal.
Le rapport de cette année reprend un grand nombre des conclusions figurant dans les rapports des années précédentes : des commandants qui, sciemment ou non, ne fournissent pas aux soldats les services requis par le protocole militaire ; des commandants qui parlent de manière non professionnelle ou blessante à leurs subordonnés, parfois en public ; du personnel médical qui ne répond pas aux besoins des soldats dont il a la charge ; et une mauvaise gestion bureaucratique générale.

Sur une note positive, Tevet-Wiesel a déclaré qu’elle avait l’impression que Tsahal la prenait au sérieux ; environ 70 % de ses recommandations aux organes militaires concernés ont été mises en œuvre, ainsi que 142 autres recommandations des années précédentes dont la mise en œuvre a été retardée.
En réponse au rapport, l’armée a remercié la médiatrice et a déclaré qu’elle aiderait Tsahal à améliorer les problèmes qu’elle a mis en lumière.
« Tsahal considère le travail de la responsable des plaintes avec une grande importance, et tirera des leçons du rapport et des enseignements qui en découlent », a déclaré l’armée dans un communiqué.
En ce qui concerne le rapport de la médiatrice sur les officiers subalternes, Tsahal a déclaré qu’elle « faisait progresser l’accès aux outils pour les jeunes commandants en vue d’un traitement optimal des soldats ».
« Les cas de discrimination, de violence physique et verbale à l’encontre des conscrits, contraires aux valeurs de Tsahal, sont pris très au sérieux, font l’objet d’enquêtes approfondies et sont traités avec sévérité », a ajouté l’armée.