La police sous pression après avoir bloqué la manifestation anti-Netanyahu et arrêté les organisateurs
De célèbres détracteurs du Premier ministre ont été appréhendés et les manifestants empêchés de se rassembler pour appeler à passer à l'action dans les enquêtes de corruption contre Netanyahu
Raoul Wootliff est le correspondant parlementaire du Times of Israël
Les forces de police sont sommées de répondre à de nombreuses questions dimanche en raison de la décision prise samedi soir de bloquer un mouvement de protestation hebdomadaire organisé aux abords du domicile du procureur général Avichai Mandelblit et d’arrêter deux de ses organisateurs. Des personnalités publiques de tout le spectre politique accusent la police de céder à la pression exercée pour entraver les manifestations contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
La police a empêché les manifestants d’atteindre le domicile de Mandelbit, situé à Petah Tikvah, dans la nuit de samedi. Les participants dénoncent la gestion par Mandelblit d’un certain nombre d’affaires de corruption impliquant le Premier ministre Benjamin Netanyahu et sa famille, et ce qu’ils considèrent être une tactique du procureur général pour retarder les enquêtes.
Au mois d’avril, un jugement de la Cour suprême a estimé que si les manifestations sont une « composante centrale et importante d’une société démocratique », ce type de mouvement de protestation ne pouvait être utilisé pour faire pression de manière inappropriée sur des fonctionnaires en les harcelant à leur domicile.
Citant des participants de plus en plus nombreux – leur nombre s’élève dorénavant à plus de 2 000 personnes chaque semaine – la police avait annoncé jeudi qu’elle ne donnerait plus d’autorisation pour la tenue de la manifestation, tant que la Haute cour ne se prononce pas sur une requête déposée par les habitants de Petah Tikva, qui ont argué que les rassemblements, qui ont lieu maintenant depuis 39 semaines consécutives, causaient des « perturbations intolérables » pour les riverains de la zone.
Après avoir installé samedi de nombreux barrages à travers la ville, la police a arrêté les leaders du mouvement, Menny Naftali, ancien concierge de la résidence du Premier ministre, et Eldad Yaniv, avocat qui lutte contre la corruption et militant travailliste, alors qu’ils tentaient de rejoindre le lieu de la manifestation.
Daniel Haklai, avocat de Naftali, a expliqué que les arrestations étaient basées sur des « suspicions infondées et problématiques ». Lulik Assel, qui représente Yaniv, a indiqué à la radio publique israélienne que la police a « chassé mon client comme s’il était un criminel en fuite. »
Dans une critique cinglante de la décision prise par la police, la présidente du Meretz Zehava Galon a expliqué « qu’au lieu de lutter contre la corruption à l’échelon politique, la police bloque ceux qui s’y opposent », accusant les forces de l’ordre d’étouffer la démocratie.
« La police a oublié que son rôle est non seulement de faire appliquer la loi et de maintenir l’ordre public mais également de protéger les droits démocratiques en Israël », a écrit Galon sur Facebook.
Avi Gabbay, chef du Parti travailliste, a fait part de sentiments similaires, disant sur Twitter que « les citoyens qui protestent et manifestent contre la corruption ne sont pas le problème. La corruption est le problème et la manière de lutter contre ne consiste pas à arrêter les manifestants qui la dénoncent. »
Les leaders des partis de gauche ont été rejoints par le député du Likud Yehudah Glick, qui a écrit sur Twitter que la police avait pris « une décision particulièrement mal avisée » en procédant aux arrestations et en empêchant les rassemblements contre Mandelblit.
Merav Lapidot, porte-parole de la police, a démenti tout motif politique à cette décision d’empêcher la manifestation et a fait savoir que les forces de l’ordre avaient tenté de trouver une solution pour que le rassemblement ait lieu dans un autre endroit, moins porteur de perturbations. « Ce sont les manifestants qui ont rejeté notre offre », a-t-elle précisé.
Lapidot a également démenti qu’un ordre spécifique ait été donné pour arrêter les organisateurs mais a souligné la publication d’un tweet posté par Yaniv samedi, appelant les manifestants à venir malgré son caractère dorénavant illégal. « Venez à Petah Tikva, nous avons le droit de nous opposer à une décision de la police disant que cette manifestation est illégale », avait-il écrit.
« Nous l’avons appréhendé parce qu’il a appelé d’autres gens à se rendre à une manifestation illégale, a-t-elle expliqué. Il incitait autrui à contrevenir à la loi. »
Lapidot a ajouté que les deux hommes n’avaient pas été initialement arrêtés et seulement retenus pour subir un interrogatoire mais qu’ils avaient refusé de souscrire à une ordonnance restrictive leur interdisant de se rendre pendant dix jours à Petah Tikva.
« Nous voulions les libérer mais ils ont refusé de signer un accord où ils s’engageaient à ne pas commettre à nouveau le même délit, a-t-elle poursuivi, ce qui me semblait être une requête complètement raisonnable. »
Dimanche, la cour des magistrats de Petah Tikva a ordonné la libération de Naftali et Yaniv, à la condition qu’ils acceptent de ne pas participer à des manifestations illégales et de ne pas encourager les autres à s’y rendre jusqu’à lundi prochain.
Le mouvement de protestation avait été initialement lancé par Naftali, qui a dans le passé affirmé avoir été abusé, verbalement et physiquement, par Sara Netanyahu, l’épouse du Premier ministre, alors qu’il travaillait à la résidence de ce dernier. Au mois de février, il a obtenu 170 000 shekels de dommages et intérêts devant un tribunal du travail qui avait reconnu que le préjudice avancé était justifié.
Yaniv s’est fait connaître ces derniers mois en tant que militant déterminé contre Netanyahu, appelant au lancement d’enquêtes criminelles dans le contexte des allégations de corruption à l’encontre du Premier ministre.
Au mois de décembre, Yaniv, aux côtés du député de l’Union sioniste Erel Margalit, avait déposé une requête demandant à la Haute cour d’interpeller le procureur général sur les raisons pour lesquelles une enquête n’avait pas été encore ouverte sur les soupçons de cadeaux et de faveurs illicites reçus par le Premier ministre de la part d’hommes d’affaires malgré ce qui avait été qualifié de « preuves écrasantes ». Une enquête criminelle bat actuellement son plein.
Yaniv avait également appelé la police à citer comme témoin le procureur général dans ce qu’on appelle l’Affaire 2000, dans laquelle Netanyahu est également impliqué. Ce dossier s’intéresse aux enregistrements d’une conversation entre Netanyahu et le propriétaire du Yedioth, Arnon ‘Noni’ Moses, évoquant un éventuel accord de contrepartie.
Selon les termes de cet accord, qui n’a pas été appliqué, le Premier ministre aurait fait avancer une législation visant à réduire la circulation du quotidien gratuit de Sheldon Adelson, Israel Hayom, en échange d’une couverture plus favorable dans Yedioth. Netanyahu et Moses ont été interrogés à de multiples reprises par la police dans cette affaire.
En tant que secrétaire de cabinet durant cette période, chargé d’établir l’agenda et de coordonner avec les ministres les législations proposées, Mandelblit doit avoir eu des informations cruciales sur l’affaire de Moses et le positionnement de Netanyahu sur la proposition de loi sur Israel Hayom, a déclaré Yaniv.