La présence israélienne limitée au court métrage étudiant, cette année, au Festival de Cannes
La réalisatrice Amit Vaknin craint des manifestations anti-israéliennes suite à l’inscription par l'école de cinéma de Tel Aviv de son tout premier film, « It's Not Time for Pop »
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »
Lorsqu’Amit Vaknin, étudiante en cinéma à l’Université de Tel Aviv, s’envolera pour Cannes, en France, pour la projection, dimanche, de son film à la 77e édition du célèbre festival du film qui s’est ouvert le 14 mai, elle sera la seule Israélienne.
« Cela m’émeut profondément », confie Vaknin, qui est âgée de 28 ans.
C’est un moment difficile pour les Israéliens dans les domaines universitaire, artistique et culturel, car les manifestations anti-Israël sont bruyantes et nombreuses de par le monde, et ce, malgré quelques points positifs comme la cinquième place de la candidate à l’Eurovision Eden Golan en dépit des manifestations d’hostilité lors du festival de la chanson qui s’est tenu le week-end dernier à Malmö, en Suède.
Le film de Vaknin, « It’s Not Time for Pop », sera le seul film israélien projeté cette année à Cannes, à l’endroit même où le cinéaste israélien Nadav Lapid a remporté le prix du jury pour « Le genou d’Ahed », en 2021, et où plusieurs films israéliens sont projetés chaque année.
Dans ce film de 14 minutes, Vaknin met ses pas dans ceux d’une jeune femme qui refuse de prendre part à l’hommage, donné au moment de Yom HaZikaron, à son père, mort lors d’une des guerres d’Israël, et préfère continuer de se chercher un appartement à Tel Aviv, tâche ô combien difficile.
« Ce n’est pas un film sur le deuil », explique Vaknin, qui parle du cinéma comme de l’expression artistique capable de l’amener à dire ce qui se passe dans le monde. « C’est un film sur une jeune femme prête pour l’amour mais qui hérite de la mort. »
Rien à voir non plus avec les deuils qui ont suivi l’attaque du Hamas du 7 octobre dernier, bien plus avec les manifestations anti-refonte judiciaire de l’an dernier qui ont parcouru tout le pays, et Tel Aviv en particulier, la ville d’adoption de Vaknin.
« La société israélienne a vécu un tel bouleversement », explique Vaknin.
« Je n’avais pas réalisé à quel point j’aime cet endroit et à quel point je me soucie de son devenir. »
Elle a tourné le film bien avant le 7 octobre et pense énormément à la manière dont il peut être interprété différemment, désormais.
Actuellement en troisième année à la Steve Tisch School of Film and Television de l’Université de Tel Aviv, Vaknin a réalisé le court métrage dans le cadre de sa deuxième année. C’était son tout premier projet.
Elle se rappelle ses craintes initiales, lors de la mise en place du projet, de la conception du scénario et de la production, avec l’équipe et les acteurs, avec un tout petit budget.
Une fois son film terminé, Vaknin se souvient d’avoir vécu dans un état de transe amoureuse.
« J’étais euphorique. Du haut de ma petite expérience d’étudiante, je trouvais que c’étais pas mal, mais loin d’être génial », explique-t-elle.
Elle réfléchissait déjà à son prochain film lorsqu’elle a été informée par son école, en janvier, qu’elle se rendrait au festival pour présenter son film dans la catégorie étudiante.
En mars, Vaknin a été informé par Cannes que « It’s Not Time for Pop » avait été sélectionné pour la compétition de films étudiants de La Cinef.
« It’s Not Time for Pop » sera projeté le 20 mai prochain et Vaknin s’inquiète de l’accueil qu’elle recevra à Cannes, où manifestations et déclarations politiques détournent parfois l’attention portée au cinéma.
Vaknin a lu attentivement le règlement du festival, qui bannit notamment le racisme et autres propos négatifs sur la race, la nationalité ou la religion.
« C’est ce qui est écrit : j’espère que tout le monde l’aura lu », souligne Vaknin, qui effectuera le déplacement avec plusieurs membres de son équipe de tournage.
Lors d’une conférence de presse donnée en amont du festival, son directeur artistique, Thierry Frémaux, a déclaré aux journalistes : « À Cannes, la politique doit être sur l’écran ».
Nerveuse à la fois au sujet de l’accueil qui sera réservé à son film et à la façon dont on se comportera avec elle, Vaknin redit sa foi en l’humanité, persuadée que les gens sont bons. Elle veut croire « qu'[elle] reviendra pleine d’espoir ».