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Analyse

La reconnaissance d’un État palestinien par la France pourrait « ne pas être utile » – analystes

Certains estiment que cette mesure pourrait renforcer les désaccords dans un Occident déjà divisé - même si un responsable français assure que Paris ne se laissera pas influencer, et même si cette reconnaissance "n'est que symbolique"

Le président français Emmanuel Macron, à droite, rencontre le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas en marge de la 79e session de l'Assemblée générale des Nations unies à New York, le 25 septembre 2024. (Crédit : Ludovic MARIN / AFP)
Le président français Emmanuel Macron, à droite, rencontre le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas en marge de la 79e session de l'Assemblée générale des Nations unies à New York, le 25 septembre 2024. (Crédit : Ludovic MARIN / AFP)

Le président français Emmanuel Macron semble très enclin à reconnaître un État palestinien – mais des diplomates et des experts ont estimé qu’une telle décision pourrait s’avérer être prématurée et inefficace s’agissant de pousser Israël à conclure un accord de paix avec les Palestiniens.

Ils affirment qu’une telle initiative pourrait bien aggraver les fractures au sein de l’Occident – et pas seulement dans une Union européenne (UE) déjà divisée, mais aussi en ce qui concerne les États-Unis, l’allié le plus fidèle d’Israël. Ils notent que pour cette décision soit en mesure de dépasser le simple stade du symbolique, il faudrait accompagner cette reconnaissance d’autres mesures – des sanctions ou des embargos commerciaux, par exemple.

Les responsables français réfléchissent actuellement aux avantages et aux inconvénients d’une telle reconnaissance en amont d’une conférence co-organisée par la France et par l’Arabie saoudite aux Nations unies prévue du 17 au 20 juin. Ce sommet sera l’occasion de définir les paramètres d’une feuille de route ouvrant la voie à un État palestinien tout en garantissant la sécurité d’Israël.

« Seule une solution politique permettra de rétablir la paix et de construire sur le long-terme », a commenté Macron lors d’une visite en Indonésie dans la journée de mercredi.

« Avec l’Arabie saoudite, nous organiserons prochainement une conférence consacrée à Gaza, à New York, avec pour objectif de donner un nouvel élan à la reconnaissance d’un État palestinien et à la reconnaissance de l’État d’Israël et de son droit à vivre dans la paix et dans la sécurité dans cette région », a ajouté le chef de l’État français.

Si Macron prend la décision d’aller de l’avant, la France, qui abrite les plus grandes communautés juive et musulmane d’Europe, deviendra le premier poids lourd occidental à reconnaître un État palestinien, ce qui pourrait donner une impulsion à un mouvement qui avait été initié, jusqu’ici, par des nations plus petites et généralement plus critiques à l’égard d’Israël.

Des manifestants pro-palestiniens brandissent des pancartes lors d’une manifestation à l’appel du mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) et de nombreux syndicats devant le siège de Carrefour lors de son assemblée générale à Massy, près de Paris, en France, le 28 mai 2025. (Crédit : GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

« Si la France bouge, plusieurs pays vont suivre », a confié le ministre norvégien des Affaires étrangères, Espen Barth Eide, à l’agence Reuters.

Le positionnement adopté par Macron a évolué avec l’intensification de l’offensive israélienne lancée contre le Hamas à Gaza et avec l’escalade des violences commises par les partisans du mouvement pro-implantation en Cisjordanie. Il y a le sentiment croissant, à Paris, qu’il faut agir maintenant – et rapidement – avant que l’idée même d’une solution à deux États ne disparaisse pour toujours.

« Nous devons passer aujourd’hui de la parole aux actes. Face aux faits qui sont actuellement en cours sur le terrain, la perspective d’un État palestinien doit pouvoir être réaffirmée. Des mesures irréversibles et concrètes sont nécessaires », a ainsi dit, la semaine dernière, Anne-Claire Legendre, la conseillère du président français sur les questions liées au Moyen-Orient.

Les diplomates le soulignent : si Macron est désormais favorable à cette initiative, il n’a pas encore pris de décision définitive et les choses pourraient changer – y compris avec la conclusion d’un éventuel accord de cessez-le-feu à Gaza – avant la mi-juin.

Toutefois, ses diplomates s’efforcent d’instaurer les conditions nécessaires pour qu’il puisse prendre sa décision – réalisant notamment des évaluations complètes portant sur les réformes entreprises par l’Autorité palestinienne, sur les perspectives de désarmement du Hamas ou sur la reconstruction future de Gaza, des évaluations qui seront présentées lors de la conférence organisée devant les Nations unies.

Les pressions israéliennes

Cela fait des mois que les responsables israéliens exercent des pressions en défaveur de cette reconnaissance, qui a été qualifiée par certains de « bombe nucléaire » pour les relations bilatérales.

L’idée que la France, l’un des plus proches alliés d’Israël, pays membre du G7, puisse reconnaître un État palestinien mettrait certainement très en colère le Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à droite), saluant le président français Emmanuel Macron avant une réunion, à Jérusalem, le 24 octobre 2023. (Crédit : Christophe Ena/AFP)

Lorsque la Grande-Bretagne et le Canada se sont joints à la France, au mois de mai, pour annoncer qu’ils pourraient prendre des mesures concrètes à l’encontre d’Israël et s’engager à reconnaître un état palestinien, Netanyahu avait fermement réagi, accusant les dirigeants des trois pays de chercher à « récompenser le terrorisme ».

Selon des diplomates, le Canada et la Grande-Bretagne font preuve d’une certaine tiédeur face à l’idée d’une reconnaissance – ce qui laisse penser que priorité est accordée à la nécessité d’obtenir des résultats concrets sur le terrain, ce qui pourrait tempérer les ambitions de Macron.

Deux sources proches du dossier confient que les mises en garde lancées par Israël à la France vont de la réduction du travail de partage de renseignements à la complication des initiatives régionales susceptibles d’être entreprises par Paris. Le gouvernement israélien a même laissé entendre qu’il était possible qu’il procède à l’annexion de certains pans de la Cisjordanie.

Ce qui semble peu probable, au vu des répercussions internationales qui risqueraient alors d’alimenter l’une des plus grandes craintes d’Israël : celle d’un isolement croissant – en particulier vis-à-vis de l’Europe, son principal partenaire commercial.

« (Mais) la réaction sera négative dans l’ensemble (en Israël) », déclare Tamir Hayman, qui est le directeur exécutif de l’Institut d’études de sécurité nationale (INSS), à l’agence Reuters. Il ajoute qu’une telle décision viendrait renforcer le discours laissant entendre, au sein de l’État juif, que le monde entier se ligue en sa défaveur. « Ce serait inutile et ce serait aussi une perte de temps », ajoute-t-il.

L’évolution de l’opinion française

Macron avait soutenu avec fermeté Israël après le massacre perpétré par le Hamas, le 7 octobre 2023 – les hommes armés avaient assassiné plus de 1 200 personnes, en majorité des civils, et ils avaient kidnappé 251 personnes, qui avaient été prises en otage dans la bande de Gaza. Mais le chef de l’État français, largement accusé de constamment changer d’avis, a progressivement utilisé une rhétorique plus dure à l’encontre de l’État juif en raison de ses actions dans le cadre de la guerre qui a suivi le pogrom, au sein de l’enclave côtière, avec un bilan humain qui s’élève dorénavant à plus de 50 000 morts, des chiffres communiqués par le ministère de la Santé qui est placé sous l’autorité du Hamas.

Les chiffres qui sont fournis par le ministère sont invérifiables et ils ne font pas de distinction entre civils et terroristes. De son côté, Israël a fait savoir, au mois de janvier dernier, qu’environ 20 000 terroristes avaient été tués par les soldats, en plus de 1 600 autres qui avaient trouvé la mort sur le sol israélien, le 7 octobre.

Sur cette photo prise depuis le sud d’Israël, à la frontière avec la bande de Gaza, de la fumée s’élève au-dessus de bâtiments détruits lors d’un bombardement israélien, le 27 mai 2025.
(Crédit : Jack GUEZ / AFP)

« Nous devons avancer vers la reconnaissance. Nous le ferons au cours des prochains mois », avait fait savoir Macron lors d’une interview, le 9 avril.

Même alors, il était resté évasif, fixant des conditions vagues et affirmant qu’il souhaitait créer une dynamique avec l’appui d’une coalition qui soutiendrait la France, tout en incitant les États musulmans à reconnaître Israël.

Toutefois, rien n’indique pour l’instant que de nouveaux pays musulmans, y compris l’Arabie saoudite, soient prêts à normaliser leurs relations avec Israël, au vu de la colère généralisée qui est suscitée par le sort réservé à Gaza.

Les détracteurs de Macron affirment que cette reconnaissance doit s’inscrire dans le cadre de négociations visant une solution à deux États – et non avant d’éventuels pourparlers – et ils avertissent qu’une telle initiative, qu’ils estiment prématurée, pourrait affaiblir la motivation des Palestiniens à s’engager réellement dans des discussions.

Soulignant les divisions qui fracturent actuellement l’UE, un diplomate européen indique que « nous estimons que cette reconnaissance ne sera pas utile à l’heure actuelle et qu’elle n’encouragera pas les États membres à prendre davantage de mesures en vue d’un passage à l’action ».

D’autres affirment que la reconnaissance doit s’accompagner d’autres mesures – telles qu’une interdiction à l’échelle européenne du commerce avec les implantations israéliennes en Cisjordanie qui sont considérées comme illégales par la plus grande partie de la communauté internationale, et l’adoption de sanctions spécifiques en direction des responsables israéliens.

Les responsables français affirment qu’ils ne se laisseront pas influencer par ces critiques, ni par les pressions israéliennes.

« S’il y a un moment pour reconnaître un État palestinien dans l’Histoire – même si ce geste n’est que symbolique – alors je dirais que ce moment est probablement venu », a commenté un haut-responsable français, qui a ajouté que Macron pouvait également vouloir laisser une trace dans l’Histoire avant l’expiration de son mandat présidentiel en 2027.

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