La Roumanie « choquée » par l’appel d’un ministre israélien à un candidat admiratif des antisémites de la guerre
Suite à l'appel entre Amichai Chikli et Calin Georgescu, l'ambassadeur roumain a parlé d'"insulte" et exigé des excuses pour le soutien apporté à un homme d'extrême droite qui a fait l'éloge des meurtriers de Juifs
Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël
![Amichaï Chikli, ministre des Affaires de la Diaspora, lors d'une prise de parole dans la salle de séance de la Knesset, à Jérusalem, le 25 juin 2024. (Crédit : Chaïm Goldberg/Flash90) Amichaï Chikli, ministre des Affaires de la Diaspora, lors d'une prise de parole dans la salle de séance de la Knesset, à Jérusalem, le 25 juin 2024. (Crédit : Chaïm Goldberg/Flash90)](https://static-cdn.toi-media.com/fr/uploads/2024/12/F240625CG123-640x400-1.jpg)
L’ambassadeur de Roumanie en Israël a déclaré dimanche que le ministre des Affaires de la diaspora, Amichai Chikli, était « meshugeneh » – fou ou stupide en yiddish – d’avoir parlé au téléphone avec un candidat à la présidence qui a fait l’éloge d’antisémites roumains et de collaborateurs nazis.
« Je suis profondément blessé et je crois que M. Chikli nous doit des excuses », a déclaré Radu Ioanid au Times of Israel.
« Je trouve choquant qu’un ministre du gouvernement israélien donne l’impression de soutenir, à un moment déterminant des élections, un candidat roumain qui porte au pinacle des personnages historiques directement responsables du meurtre de masse de Juifs », a ajouté l’ambassadeur.
Chikli s’est en effet entretenu avec Calin Georgescu, jeudi dernier, et a fait suivre sur X un message de ce dernier, favori des élections présidentielles, disant au ministre du Likud qu’il inviterait le Premier ministre Benjamin Netanyahu à Bucarest indépendamment des mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale, déplacerait l’ambassade à Jérusalem et instituerait une politique de zéro tolérance envers l’antisémitisme. Chikli a, depuis, supprimé ce message.
L’équipe de campagne de Georgescu a confirmé cet appel mais indiqué que les deux hommes n’avaient pas évoqué la question de la CPI.
« C’est une insulte », a déclaré Ioanid. « Ce type ignore manifestement tout de la Shoah en Roumanie. Parce que s’il avait un peu travaillé son sujet, une chose pareille ne serait pas arrivée. »
Ioanid est un spécialiste de la Shoah qui a travaillé au Musée commémoratif de la Shoah des États-Unis pendant plus de trente ans.
![](https://static.timesofisrael.com/fr/uploads/2024/11/AFP__20241125__36NA2DJ__v1__HighRes__RomaniaVote.jpg)
Le ministère israélien des Affaires étrangères a refusé de commenter l’appel ou les propos de Ioanid. Le cabinet de Chikli n’a pas davantage répondu à une demande de commentaire.
Georgescu s’était déjà fait connaître par son éloge des deux fascistes qui ont dirigé la Roumanie dans les années 1930 et 1940.
En février 2022, lors d’un journal télévisé, à une heure de grande écoute, Georgescu, expert en développement durable et ancien collaborateur des Nations unies, avait expliqué ce qui lui faisait considérer Corneliu Zelea Codreanu comme un « héros » national, à savoir que Codreanu « s’était battu pour la moralité de l’être humain ».
![](https://static.timesofisrael.com/fr/uploads/2021/07/AP430116153-e1625070619667-640x400-1.jpg)
Ses propos lui avaient immédiatement valu des reproches généralisés, à commencer par ceux d’organisations juives, dans la mesure où Codreanu avait dirigé jusqu’à son exécution en 1938 le très antisémite Mouvement des légionnaires, proche d’une mouvance extrémiste du nationalisme ethnique et religieux impliquant assassinats politiques et actes terroristes.
Deux ans plus tard, le groupe entrait au gouvernement du dictateur pro-nazi roumain Ion Antonescu jusqu’en janvier suivant, date du pogrom organisé par le groupe à Bucarest qui a coûté la vie à plus de 120 Juifs et abouti à la destruction de plusieurs synagogues et entreprises juives. Ce pogrom était en fait dirigé contre le gouvernement d’Antonescu, que le Mouvement des légionnaires considérait comme insuffisamment agressif contre les Juifs roumains.
![](https://static.timesofisrael.com/fr/uploads/2024/12/AP22036371934911-640x400-1.jpg)
Georgescu avait également qualifié Antonescu, sous le régime duquel pas moins de 280 000 Juifs ont été tués et qui a été exécuté en 1946 pour crimes de guerre, de « martyr ».
Ioanid a déclaré qu’Israël ne devait pas être dupe des promesses de Georgescu de déplacer l’ambassade et lutter contre l’antisémitisme. « C’est une arnaque. Je ne l’ai jamais entendu dire une chose pareille auparavant, et je ne pense d’ailleurs pas que s’il était élu – Dieu nous en garde -, il le ferait. »
Il a ajouté que Chikli « mettait en danger » l’amitié entre la Roumanie et Israël.
« La Roumanie a toujours eu beaucoup de respect et d’amitié pour Israël et s’est fermement tenue aux côtés d’Israël après l’attaque du Hamas le 7 octobre », a rappelé Ioanid en évoquant le pogrom perpétré par l’organisation terroriste palestinienne l’an dernier. « Aucun membre des autorités roumaines ne s’est permis de s’impliquer dans les affaires électorales israéliennes. »
Georgescu s’est présenté sans étiquette suite à son départ du parti d’extrême droite roumain, l’Alliance pour l’Union des Roumains, après des propos polémiques et des rumeurs d’allégeance au président russe Vladimir Poutine.
La spectaculaire performance de Georgescu – il a remporté 22 % des voix, bien plus que les 10 % que lui accordaient les sondages – s’ajoute à la vague de succès électoraux des populistes de droite dans toute l’Europe et ailleurs.
Ioanid a indiqué qu’il ne chercherait pas à entrer en contact avec Chikli au sujet de son appel : « Pourquoi lui parlerais-je après ce qu’il a fait ? »
La JTA a contribué à cet article.