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La session du cabinet explose sur la loyauté des journalistes

“Quel est l’intérêt si nous ne la contrôlons pas ?” a demandé un ministre avant le vote de lancement du nouveau diffuseur public

Haviv Rettig Gur est l'analyste du Times of Israël

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu mène la réunion hebdomadaire du cabinet aux bureaux du Premier ministre, à Jérusalem, le 31 juillet 2016. (Crédit : Ohad Zwigenberg/Pool/Flash90)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu mène la réunion hebdomadaire du cabinet aux bureaux du Premier ministre, à Jérusalem, le 31 juillet 2016. (Crédit : Ohad Zwigenberg/Pool/Flash90)

Pendant une orageuse session du cabinet dimanche, les ministres se sont affrontés au sujet des projets de mise en place d’un nouveau diffuseur public, un ministre du Likud laissant entendre qu’il n’y avait pas d’intérêt à ce que le diffuseur existe « si nous ne le contrôlons pas ».

La réforme attendue depuis longtemps de l’Autorité de radiodiffusion d’Israël (IBA) à court d’argent s’est effondrée dans un projet de formation d’une nouvelle corporation de diffusion, votée en 2014 à la Knesset et soutenue par le ministre des Communications d’alors, Gilad Erdan, et le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui est actuellement ministre des Communications.

La nouvelle corporation devrait reprendre et étendre l’offre de l’actuel diffuseur public, dont la radio publique israélienne et les chaînes de télévision.

Dans le cadre de la loi de 2014, la corporation est exemptée des règles de supervision qui s’appliquent à la plupart des corporations publiques, limitant sévèrement la capacité des politiciens à nommer sa direction ou à interférer avec ses reportages.

Cette indépendance, accordée et requise par la loi, a hérissé le cabinet.

Gilad Erdan, ministre de la Sécurité publique, le 11 janvier 2016. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Gilad Erdan, ministre de la Sécurité publique, le 11 janvier 2016. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Quand Netanyahu a annoncé le mois dernier qu’il reporterait le lancement de la nouvelle corporation jusqu’à mi-2017, presque un an après le lancement initialement prévu en septembre 2016, beaucoup ont interprété ce geste comme une tentative pour trouver un moyen de réduire son indépendance.

Netanyahu a déclaré que les employés de la corporation n’étaient pas prêts logistiquement à émettre à l’automne 2016, mais des députés de gauche et de droite, comme le ministre de l’Education Naftali Bennett, qui dirige le parti HaBayit HaYehudi, ont suggéré que le délai permettait de créer une incertitude sur la direction de la corporation afin de l’affaiblir.

Pendant la réunion du cabinet dimanche, Netanyahu a porté au vote un nouveau projet, soutenu par le ministre des Finances Moshe Kahlon, pour reporter la mise en place de la corporation au 1er janvier 2017, avec une option pour étendre ce délai jusqu’à la fin du mois d’avril.

La décision, qui arrivera devant la Knesset comme un amendement à la loi qui a établi la corporation, a été votée par le cabinet, mais pas avant que les ministres ne se soient affrontés sur les allégeances politiques du nouveau diffuseur, selon des transcriptions de la réunion obtenues par la Deuxième chaîne.

Miri Regev, ministre Likud de la Culture. (Crédit : Uri Lenz/Flash90)
Miri Regev, ministre Likud de la Culture. (Crédit : Uri Lenz/Flash90)

La ministre de la Culture Miri Regev, qui a réclamé la « loyauté » des théâtres et d’autres institutions culturelles qui reçoivent des financements publics, a demandé au cabinet « quel est l’intérêt de cette corporation si nous ne la contrôlons pas ? Le ministre [des Communications Netanyahu] devrait la contrôler. Quoi, nous allons mettre de l’argent dedans et ensuite ils diffuseront ce qu’ils veulent ? »

La remarque de Regev a mené Erdan, ancien ministre des Communications qui est à présent ministre de la Sécurité intérieure, à rétorquer furieusement « Tu as le contrôle des pièces qui joue à Habima ou dans un autre théâtre qui reçoit de l’argent public ? »

Bennett a lui aussi répondu, « Vous perdez le contrôle de cette chose, donc vous voulez la fermer. Pourquoi ne pas simplement admettre cela ? »

Regev a ensuite déploré les projets d’étendre le mandat de l’actuel directeur de la corporation, Eldad Koblentz, de deux ans de plus, parlant de geste « sournois ».

A ce moment, le ton des ministres est monté.

« Comment ça, ‘sournois’ ? Tu sais au moins de quoi tu parles ? », a demandé Erdan. « Qu’est-ce que tu crois, que cette loi est pour Miri Regev ? »

Gila Gamliel, ministre de l’Egalité sociale qui est aussi au Likud, a déclaré que le gouvernement avait mis en place un diffuseur public, pas un porte-parole, et n’aurait donc pas son mot à dire sur les nominations professionnelles ou le contenu des programmes.

Pendant une conférence de presse dimanche soir avec les correspondants diplomatiques, Netanyahu a déclaré qu’il « ne partage pas » l’opinion de Regev, que le gouvernement devrait contrôler le contenu des nouveaux programmes, mais a ajouté que « la question [d’assurer] une pluralité d’opinions est une question difficile, et je ne suis pas certain de la solution. »

A la Knesset

Les tensions au cabinet reflètent des tensions plus larges au sujet de la nouvelle corporation à la Knesset.

Dimanche, le président de la coalition, le député David Bitan (Likud), a proposé une loi qui annulerait la mise en place de la nouvelle corporation tout en maintenant intacte l’actuelle IBA.

« Pourquoi est-ce que [la nouvelle corporation] ne diffuse-t-elle pas déjà ? », a-t-il demandé pendant un entretien sur la Deuxième chaîne. « Nous avons repoussé et repoussé [sa mise en place] parce qu’ils ne sont pas prêts. Ils ne peuvent pas réussir cette mission », a-t-il déclaré.

David Bitan, député du Likud  et président de la coalition, le 11 janvier 2016. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)
David Bitan, député du Likud et président de la coalition, le 11 janvier 2016. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

Si le projet de loi obtient le soutien de la Knesset, cela laisserait l’incertitude planer au-dessus de la nouvelle corporation. La vieillissante IBA a été soumise à des coupes budgétaires et salariales drastiques ces dernières années pour préparer son remplacement, dont des retraites anticipées et le licenciement de centaines d’employés.

Le député Miki Rosenthal, de l’Union sioniste, a critiqué Bitan dimanche, affirmant que le « projet de loi n’avancera pas. Il ne passera pas. »

Mais, a-t-il accusé, « la [nouvelle] corporation en sera affaiblie. Les meilleurs journalistes, qui pensent à aller vers la nouvelle corporation, hésiteront, donc ce sera un diffuseur public qui ne sera pas critique ou sérieux. »

Rosenthal a salué la nouvelle corporation, et a accusé le gouvernement actuel d’avoir « perdu le contrôle du processus. Il y a des directeurs indépendants, des journalistes qui ne travaillent pour personne. Alors maintenant Bibi [Netanyahu] envoie ses députés attaquer la corporation. »

Erdan a fait écho à cette critique de l’opposition, tweetant dimanche que « le projet de loi du député Bitan pour annuler la fondation d’une corporation de diffusion publique sur laquelle j’ai travaillé est une erreur malheureuse. J’espère que le Premier ministre précisera vigoureusement qu’il s’oppose à cette initiative. »

Bitan a semblé confirmer les suspicions des critiques du gouvernement, notant dimanche que l’emplacement prévu pour le siège de la nouvelle corporation, à Modiin, faisait partie de ce qu’il trouvait troublant dans ce projet.

Les employés de la nouvelle institution sont « des amis faisant venir des amis. Tous les journalistes de Tel Aviv vont là-bas. Donc ça va à Modiin, puis ira certainement à Tel Aviv », a-t-il accusé. « C’est une cause perdue. Le média est contre le Likud. »

Kippas

La mise en place de l’établissement a entraîné des frictions et davantage de fossés que le simple clivage gauche/droite.

Pendant la réunion du cabinet dimanche, le ministre des Sciences Ofir Akunis a lu les noms de sept journalistes de la nouvelle corporation, notant qu’ils portaient tous la kippa et déplorant qu’ils appartiennent au camp national religieux du parti HaBayit HaYehudi.

Moshe Kahlon, ministre des Finances, pendant la réunion hebdomadaire du cabinet aux bureaux du Premier ministre, à Jérusalem, le 31 juillet 2016. (Crédit : Ohad Zwigenberg/Pool/Flash90)
Moshe Kahlon, ministre des Finances, pendant la réunion hebdomadaire du cabinet aux bureaux du Premier ministre, à Jérusalem, le 31 juillet 2016. (Crédit : Ohad Zwigenberg/Pool/Flash90)

« Il n’y a pas de Likudniks là-bas, a accusé Akunis. Pas de périphérie, pas de mizrahim [juifs originaires des pays arabes]. »

Il s’est tourné vers les ministres HaBayit HaYehudi présents : « HaBayit HaYehudi soutien cette corporation parce que vous y poussez des national-religieux. »

Erdan a répliqué, « seul un c*n juge un travail qui n’est qu’à moitié fait. »

La ministre de la Justice Ayelet Shaked, du parti HaBayit HaYehudi, a également répliqué à Akunis : « arrêtez avec vos mensonges ! Apprenez à vous contrôler et cessez de vous plaindre. Vous êtes une bande de bébés chouineurs. Vous avez votre propre quotidien ; de quoi vous plaignez-vous ? » Ce quotidien fait référence à Israël HaYom, le plus grand quotidien israélien, financé par le milliardaire Sheldon Adelson, soutien de Netanyahu.

Le ministre de l'Intérieur Aryeh Deri arrive à une session spéciale de Yom Yeroushalayim à la Knesset, le 1er juin 2016. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Le ministre de l’Intérieur Aryeh Deri arrive à une session spéciale de Yom Yeroushalayim à la Knesset, le 1er juin 2016. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Le ministre de l’Intérieur, Aryeh Deri, du parti Shas, s’est ensuite plaint qu’il n’y ait ni journaliste haredi, ni journaliste séfarade, ni journaliste de la périphérie dans la nouvelle corporation. « Ces personnes se sentent comme des étrangers dans les médias israéliens. Je représente des personnes qui ont toujours eu le sentiment qu’elles devaient être protégées des médias. Je suis prêt à donner un prix à quiconque trouvera dans la presse israélienne classique un journaliste haredi portant une kippa noire. Il n’y en a pas. »

En réponse, Shaked aurait donné le nom d’un journaliste haredi de la nouvelle institution.

« C’est un bureau politique », a accusé Shelly Yachimovich, députée de l’Union sioniste, après la réunion de cabinet dimanche. « Le gouvernement d’Israël s’est assis et a parcouru les noms de journalistes, décidant qui est ‘pour nous’ ou ‘contre nous’. Ce n’est pas quelque chose que vous pouvez imaginer dans un pays démocratique. »

Erdan, Shaked, Bennett et Gamliel se sont abstenus pendant le vote du cabinet.

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