L’ambassadeur israélien en Ukraine exhorte les Israéliens à quitter le territoire
Dans la crainte d'un conflit avec la Russie, l'ambassade d'Israël à Kiev aide les Israéliens au départ et met en garde contre de possibles problèmes d'approvisionnement

Kiev, Ukraine – L’envoyé d’Israël à Kiev Michael Brodsky a déconseillé aux Israéliens de compter sur des vols de rapatriement de dernière minute en cas de guerre avec la Russie et les a exhorté à partir avant qu’il ne soit trop tard.
« Il se pourrait que personne ne puisse être secouru en restant ici et qu’il faille partir en direction de l’ouest, traverser la frontière pour rejoindre la Pologne ou la Roumanie », a-t-il déclaré au Times of Israël depuis son bureau mardi.
« Dans ce cas, cela signifie que nous serons déjà en état d’urgence et que tout le pays prendra la fuite à l’ouest. Ce sera un cauchemar. »
Il y a encore environ dix mille Israéliens dans le pays, a-t-il estimé, principalement à Kiev, mais aussi à Kharkov, Dniepr, Odessa et Ouman, une ville qui s’est transformée en important lieu de pèlerinage hassidique.
« Ouman attire toujours les Israéliens, quoi qu’il arrive », a déclaré Yoav Bistritsky, chef de mission adjoint.
Environ 6 500 Israéliens se sont enregistrés auprès de l’ambassade via un lien en ligne.
« Je préférerais que le rythme soit plus élevé », a déclaré Brodsky, né à Saint-Pétersbourg. « Pour le moment, ce n’est pas mal. Je pense que les gens ont compris la situation. Plus de 2 000 personnes sont déjà parties. »
Les diplomates et leurs collègues de l’ambassade travaillent presque jour et nuit pour aider les Israéliens qui le souhaitent à quitter le pays. Les deux hommes dorment à peine quatre heures par nuit.
Les vols des compagnies aériennes israéliennes sont maintenant presque pleins, a déclaré Brodsky. Un vol direct a été ajouté depuis Kharkov afin de rapatrier des étudiants, principalement des Arabes israéliens.

Selon Brodsky, les universités ukrainiennes n’étaient initialement pas disposées à permettre aux étudiants israéliens choisissant d’évacuer le pays d’assister aux cours à distance. Les étudiants ont demandé à l’ambassade d’intercéder en leur faveur auprès des écoles et du ministère ukrainien de l’Éducation, et la question a finalement été réglée.
« Pratique courante »
Le personnel de l’ambassade, qui compte généralement cinq diplomates en plus du personnel local et du personnel de sécurité, parvient à suivre le rythme des procédures consulaires, en particulier depuis l’arrivée des renforts lundi.
« Toux ceux qui viendront seront reçus », a déclaré Brodsky.
Une cinquantaine de personnes se sont présentées lundi auprès des services consulaires, et des dizaines d’autres ont soumis des demandes en ligne. En urgence, les ressortissants israéliens tentent de faire enregistrer les nouveau-nés, renouveler leurs documents de voyage, faire reconnaître leur statut vaccinal contre la COVID-19 et même organiser le voyage de leurs animaux de compagnie.
On n’a pas constaté de pic dans les demandes d’immigration.
Un bureau consulaire temporaire devrait ouvrir mercredi dans la ville de Lvov, à l’Ouest du pays, a précisé Brodsky. Le bureau sera situé dans un bâtiment appartenant au consul général honoraire d’Israël dans la ville.

L’ouverture de ce bureau est moins exceptionnelle qu’il n’y paraît, a déclaré Bistritsky. L’ambassade le fait chaque année au mois de septembre, afin d’accueillir les foules de pèlerins israéliens se rendant sur la tombe du rabbin Nachman de Breslev à Ouman pour Rosh HaShana, le Nouvel An juif.
« Pour nous, ouvrir un autre bureau est une pratique courante », a-t-il déclaré.
La femme et les enfants de Bistritsky sont rentrés en Israël dimanche, a-t-il indiqué, et assistent à des cours en visioconférence avec l’école internationale de Kiev. Les diplomates avec de jeunes enfants devront trouver des maternelles et des garderies pour eux en Israël.
L’ambassade n’est pas moteur dans les préparatifs d’une possible évacuation des dizaines de milliers de Juifs ukrainiens. Cette opération complexe serait principalement gérée par le Bureau de liaison Nativ, l’Agence juive, les organisations juives américaines et même certains groupes chrétiens. L’ambassade, dit Brodsky, se concentre sur l’aide aux Israéliens.
Elle reste en contact étroit avec les ambassades d’autres pays, a déclaré Bistritsky, et s’entretient régulièrement avec l’Administration de l’aviation d’État ukrainienne pour s’assurer que les vols israéliens disposent de créneaux suffisants.
Âgé de 49 ans, Brodsky s’est entretenu avec des dirigeants de la communauté juive, qui lui ont indiqué dimanche préférer rester sur place. Il lui a semblé sentir qu’ils n’appréciaient pas particulièrement la distinction faite par Israël entre les ressortissants israéliens et les autres membres de la communauté juive.
Lors de la réunion, les dirigeants ont demandé des conseils en matière de préparatifs de sécurité, et certaines communautés ont commencé à stocker des denrées alimentaires au cas où la situation se détériorerait.

Le téléphone de Brodsky aura sonné sans cesse pendant l’interview. L’un des appels émanait du ministre de la Diaspora, Nachman Shai, demandant un état détaillé de la situation à l’ambassadeur.
La « réserve stratégique » d’Israël
Brodsky a déclaré que l’Ukraine reconnaissait qu’Israël devait tenir compte de ses relations étroites avec la Russie avant de prendre des décisions concernant l’Ukraine. « D’un côté, ils comprennent, mais de l’autre, ils ne l’acceptent pas aussi facilement. Ils essaient de nous mettre la pression, d’une manière ou d’une autre, pour que nous les soutenions davantage. »
Cette pression prend la forme d’entretiens avec des responsables, a déclaré Brodsky.
« Quand j’ai rencontré [le président ukrainien Volodymyr] Zelensky, quand je lui ai remis ma lettre de créance, il a mentionné qu’il était juif et qu’il s’attendait à plus de soutien de la part d’Israël dans toutes sortes de domaines. »
Mais, a insisté Brodsky, Israël a été très favorable à l’Ukraine et l’a soutenue, y compris en votant avec Kiev aux Nations Unies sur les résolutions liées à l’annexion de la Crimée par la Russie.
« Nous aidons là où nous le pouvons », a-t-il déclaré. « Nous les avons beaucoup aidés, et nous continuerons à le faire. » Brosky a mentionné le cas d’un centre de traumatologie qu’Israël est en train de construire près de la région du Donbass occupée par la Russie, et l’aide apportée au titre de la lutte contre la COVID-19.
À la lumière du conflit avec la Russie, l’Ukraine se tourne vers Israël pour une autre raison, nouvelle cette fois, a déclaré Brodsky. Le pays veut apprendre à vivre et prospérer en tant que pays soumis à des menaces militaires continues. « Ils parlent en fait de la façon dont ils doivent apprendre de notre expérience, comment vivre dans une situation de conflit militaire prolongé et développer leur État, leur économie, leur haute technologie. »
Si la guerre éclate, a averti Brodsky, Israël est sûr de souffrir. Plus de la moitié des importations de blé d’Israël proviennent d’Ukraine, a-t-il dit, et l’approvisionnement serait sérieusement interrompu en cas de guerre. Si l’on compte la Russie, c’est 80% du blé d’Israël qui provient de la région.
L’Ukraine aurait du mal à fournir à Israël d’autres denrées alimentaires vitales. Au début du confinement lié à la COVID-19 en 2020, Israël avait souffert d’une pénurie d’œufs, qui s’est résorbée grâce aux éleveurs de volaille ukrainiens.
« Notre sécurité alimentaire dépend dans une large mesure de l’Ukraine », a déclaré Brodsky.
Et pas seulement Israël. De nombreux voisins du pays dépendent également dans une large mesure du blé ukrainien et russe. S’il est trop cher ou indisponible, certains experts mettent en garde contre un deuxième mouvement de protestation du Printemps arabe dans toute la région.
Les tensions à la frontière ont mis à mal les projets de Brodsky pour cette année, supposés marquer les 30 années de relations entre Israël et l’Ukraine avec une série d’événements dans les domaines de la diplomatie publique, de la culture et des affaires.
« Je ne peux rien planifier pour le moment », a-t-il déclaré. « Nous avons tout mis en attente. »

En outre, l’accord de libre-échange entre Israël et l’Ukraine n’est entré en vigueur qu’en janvier, et il ne sera pas pleinement utilisé tant que la menace d’une invasion russe plane toujours sur le pays.
Malgré cette menace, Brodsky a déclaré qu’il n’avait ressenti de tension parmi les habitants de Kiev qu’au cours des dernières 48 heures. Les rues sont plus calmes, a-t-il dit, et il y a nettement moins de circulation. « Mais malgré tout, les gens vivent normalement, vous ne voyez aucun préparatif spécial. Les magasins, les restaurants sont pleins.»
Mais les amis de Brodsky qui ont les moyens de le faire partent ou envoient leur famille à l’étranger. « Beaucoup ont décidé que c’était un bon moment pour prendre des vacances », a-t-il déclaré.
Quelle que soit l’issue de la situation actuelle, a déclaré Brodsky, Israël devra étendre son aide à l’Ukraine.
« Israël peut et doit aider l’Ukraine, et c’est ce qu’il fera », a-t-il promis.
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