Lapid et Liberman comprennent mais s’opposent aux réservistes qui refusent de servir
Lapid a cité les inquiétudes concernant la cyber-unité qui pourrait être utilisée contre des citoyens israéliens par des ministres d'extrême-droite et sans contrôle judiciaire

Le chef de l’opposition Yaïr Lapid et le dirigeant d’Yisrael Beytenu Avigdor Liberman ont exprimé lundi leur opposition aux récentes menaces des membres des forces de réserve de l’armée de ne pas se présenter au travail en signe de protestation contre le projet du gouvernement de remanier radicalement le système judiciaire, tout en disant que leurs préoccupations étaient compréhensibles.
Dans une interview accordée à 103 FM, Lapid a été interrogé sur la décision de son ancien porte-parole, Roei Konkol, de refuser de se présenter au service de réserve.
« Je suis contre le refus. Je ne pense pas que ce soit la voie à suivre. Je comprends la douleur, le chagrin, l’effroi et la fureur. Mais je pense que c’est une erreur. Nous avons une seule armée, et il est interdit qu’il y ait un refus », a-t-il déclaré, ajoutant qu’il avait l’intention d’essayer de convaincre Konkol du contraire.
Dimanche, la quasi-totalité des réservistes d’un escadron d’avions de chasse de l’armée de l’Air israélienne ont annoncé qu’ils ne prendront pas part à un exercice qui était prévu en milieu de semaine en signe de protestation contre le plan du gouvernement visant à restreindre radicalement le pouvoir du système judiciaire israélien. Le chef d’état-major de Tsahal, Herzi Halevi, et le ministre de la Défense, Yoav Gallant, ont averti que de telles protestations pourraient nuire aux capacités opérationnelles de l’armée.
Il s’agit de la dernière en date, et la plus médiatisée, d’une liste croissante d’unités de l’armée israélienne, notamment des unités élites, dont les membres menacent de ne pas se présenter, dans un contexte d’opposition généralisée aux plans du gouvernement qui, selon les critiques, sapent la démocratie, nuisent à l’économie et à la sécurité.
Le chef du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, ancien chef d’état-major de Tsahal, a également déclaré dimanche qu’il s’opposait au refus de faire son service de réserve « quoi qu’il arrive ».
Selon la Douzième chaîne, les pilotes – ces réservistes qui continuent à faire du service actif – ont exprimé leur crainte que la conduite du nouveau gouvernement de la ligne radicale ne les expose aux poursuites d’instances internationales, telles que la Cour pénale internationale (CPI).
Israël s’est longtemps opposé à de telles enquêtes, soulignant justement la force et l’indépendance de son propre système judiciaire, qui est chargé d’enquêter sur les incidents liés à des actes répréhensibles commis par les forces israéliennes. Mais les détracteurs de la réforme judiciaire du gouvernement préviennent que les efforts visant à restreindre le pouvoir de la Haute Cour de justice priveront le pays de sa légitimité sur la scène internationale.

Lapid a également reconnu d’autres préoccupations de ceux qui refusent le service, donnant l’exemple de la cyber-unité de l’armée, qui, selon lui, serait capable de s’introduire dans « chaque téléphone, chaque ordinateur, chaque conversation » et avertissant que sans contrôle judiciaire, ces capacités pourraient être utilisées à l’encontre des citoyens israéliens.
« Et ils se demandent si – dans un pays où il n’y a pas de contrôle légal sécurisé – [le ministre de la Sécurité nationale Itamar] Ben Gvir et [le ministre des Finances Bezalel] Smotrich, utiliseraient la cyber-unité s’ils le pouvaient ? Bien sûr qu’ils le feraient », a expliqué Lapid, ajoutant que les ministres « irresponsables » les utiliseraient contre des ennemis politiques si les tribunaux étaient impuissants à les arrêter.
« Nous n’avons pas d’autre État pour les Juifs, pas d’autre armée pour les Juifs. Nous avons appris à nos dépens que si les Juifs ne peuvent pas se défendre, personne ne viendra les sauver. Nous ne pouvons pas jouer avec la sécurité nationale, même si nous sommes en colère », a ajouté Lapid.
Lapid a qualifié la situation actuelle de « plus grande crise nationale depuis la naissance du pays » et a accusé le gouvernement de mettre en avant ses propositions sans aucune consultation préalable d’experts concernant l’impact des changements sur l’économie ou la sécurité du pays.
« Ils sont allés de l’avant… avec cette législation irresponsable et folle, sans aucun processus d’enquête sur l’impact profond de ce qu’ils font », a-t-il déclaré.

Liberman a également exprimé son opposition à ceux qui refusent le service dans une interview à la radio de l’armée lundi. « Il n’y a pas de place pour refuser les ordres, ou pour boycotter le service de réserve. »
« Je vous le dis, en tant qu'[ancien] ministre de la Défense, en tant que citoyen, en tant que père d’un fils qui fait encore son service de réserve, il n’y a pas de place pour mélanger l’armée, le service de réserve et le service militaire avec la politique », a-t-il dit, mais comme Lapid, il a reconnu les inquiétudes de ceux qui protestent.
« En même temps, je comprends leur cœur, lorsque des ministres de premier plan et des membres de la famille du Premier ministre traitent nos fils et nos filles de terroristes et d’anarchistes, c’est bouleversant, et la responsabilité incombe avant tout au Premier ministre. Il doit réprimander les membres de sa famille et ces ministres qui se déchaînent », a-t-il déclaré.
Liberman a également critiqué la conduite du gouvernement au cours des deux premiers mois de son mandat sur le front de la sécurité, accusant le gouvernement d’avoir laissé le pays sombrer dans le chaos tout en étant incapable de rallier des alliés contre l’Iran.
« J’ai essayé de passer en revue tout ce dont je me souvenais. Est-il déjà arrivé que, deux mois après la mise en place d’un gouvernement, un Premier ministre n’ait pas été invité à Washington ? Cela n’est jamais arrivé », a-t-il déclaré.