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L’autre génocide commis par les Allemands, porté à l’écran

"Der Vermessene Mensch" raconte l'histoire d'un ethnologue parti étudier les peuples indigènes en Namibie pendant leur massacre, récoltant leurs crânes pour des expériences à caractère racial

Le nouveau film allemand "Les mesures des hommes" traite de l'oppression coloniale de l'Allemagne en Afrique. (Capture d'écran/YouTube, utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur le droit d'auteur)
Le nouveau film allemand "Les mesures des hommes" traite de l'oppression coloniale de l'Allemagne en Afrique. (Capture d'écran/YouTube, utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur le droit d'auteur)

Avant la Shoah, l’Allemagne a commis un autre génocide, celui des Herero et Nama, en Namibie. Un film porte à l’écran cette page longtemps occultée de l’histoire coloniale, confrontant les Allemands à leurs responsabilités.

Sorti dans les salles allemandes fin mars, « Der Vermessene Mensch », (« Les mesures des hommes », en français) du réalisateur allemand Lars Kraume raconte l’histoire d’un ethnologue berlinois parti étudier les peuples indigènes en Namibie pendant leur massacre, récoltant leurs crânes pour des expériences scientifiques à caractère racial.

« L’époque coloniale a longtemps été refoulée par l’Allemagne qui a perdu toutes ses colonies en 1919. Ce film est une contribution pour que les Allemands prennent conscience de leurs responsabilités », affirme M. Kraume, 50 ans, lors d’un entretien à l’AFP.

Le IIIème Reich occupe une place prépondérante dans les programmes scolaires allemands. Les films, documentaires ou fictions et les livres sur les crimes nazis sont innombrables.

Jusqu’ici en revanche, une seule fiction, « Morenga » de l’Allemand Egon Günther, présentée au festival de Berlin en 1985, aborde ce que de nombreux historiens considèrent comme le premier génocide du XXe siècle, celui des Herero et Nama.

Après une révolte des indigènes en 1904, ordre fut donné aux soldats allemands d’exterminer sans distinction hommes, femmes et enfants. Des camps de concentration sont même ouverts en 1905 où les prisonniers sont éliminés par le travail et succombent à la maladie et à la malnutrition.

« Profondément ému »

Depuis une vingtaine d’années, le souvenir de ce massacre où au moins 60 000 Herero et 10 000 Nama ont trouvé la mort entre 1904 et 1908 dans ce territoire d’Afrique australe a ressurgi.

« Après le centenaire du génocide en 2004, les historiens et activistes ont fourni un énorme travail sur le sujet », constate Joël Glasman, professeur d’histoire de l’Afrique à l’université de Bayreuth.

L’empire colonial allemand, plus petit que ceux des Français ou des Britanniques, s’étendait sur plusieurs pays africains, dont le Burundi, le Rwanda, la Tanzanie, la Namibie et le Cameroun.

Sur cette photo d’archives du jeudi 29 septembre 2011, des crânes des peuples Ovaherero et Nama sont exposés lors d’une dévotion à laquelle participent des représentants des tribus de Namibie à Berlin, en Allemagne. L’Allemagne a conclu un accord avec la Namibie qui la verra reconnaître officiellement comme un génocide les meurtres de dizaines de milliers de personnes commis à l’époque coloniale et s’engager à dépenser un total de 1,1 milliard d’euros (1,3 milliard de dollars), en grande partie pour des projets de développement. (Crédit : AP Photo/Michael Sohn)

« Le film de Lars Kraume m’a profondément ému », reconnaît Israel Kaunatjike, militant pour les droits des Herero, qui vit depuis plus de 40 ans à Berlin. Selon lui, cette fiction permet de toucher davantage de personnes qu’un documentaire.

« Measures of Men » a été montré dans des villages herero, « c’était très émouvant, les gens trouvaient Lars Kraume courageux de montrer un tel film aux descendants des victimes », raconte M. Kaunatjike âgé de 76 ans.

Le film a fait également l’objet de projections spéciales, dont une au Bundestag, mais aussi pour les classes des lycées.

« Les élèves ont bien compris l’ambivalence du héros – l’ethnologue berlinois, Alexander Hoffmann – et voulaient en discuter », explique Lars Kraume.

« Demande officielle de pardon »

Convaincu au début de l’histoire qu’il n’existe pas de race supérieure à une autre, l’ambitieux étudiant finit par se ranger aux thèses ambiantes par arrivisme. Des thèses qui ouvriront la voie à l’idéologie nazie, est-il expliqué dans un appendice à la fin du film.

Le réalisateur a pris le parti de raconter l’histoire d’une perspective allemande, celle des bourreaux, même si le second rôle est occupé par une traductrice herero Kezia Kambazembi, interprétée par l’actrice namibienne Girley Charlene Jazama, avec qui l’ethnologue se lit d’amitié.

« C’est aux Herero et Nama qu’il appartient de raconter l’histoire de la perspective des victimes », estime Israel Kaunatjike. « Mais malheureusement ils n’ont pas d’argent pour faire un film ».

Pour Lars Kraume et Israel Kaunatjike, le gouvernement allemand a encore beaucoup à faire pour tourner la page des horreurs du colonialisme.

« Il faut une demande officielle de pardon du président allemand en Namibie et une restitution de tous les crânes et ossements encore dans les collections allemandes pour qu’ils soient enterrés », affirme M. Kraume.

En mai 2021, l’Allemagne avait pour la première fois reconnu ce génocide et promis de payer plus de 1,1 milliard d’euros sur trente ans pour aider au développement en Namibie. Une partie des crânes a été restitués.

Mais pour M. Kaunatjike, « on ne peut pas remplacer des réparations par de l’aide au développement ». Sous la pression de l’opposition, le gouvernement namibien a demandé en octobre dernier de renégocier l’accord sur le génocide conclu en 2021 avec l’Allemagne.

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