Le climat politique provoque une « hausse notable » des attaques anti-chrétiens – ONG
Le Rossing Center indique que les autorités doivent faire plus contre la violence à l'encontre du clergé, des pèlerins et des sites ecclésiastiques à Jérusalem et en Galilée
Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Selon une étude publiée mardi par un groupe israélien, il y a eu une « augmentation notable » des attaques contre les chrétiens et leurs biens en 2023.
Les autorités israéliennes n’ont pas pu ou voulu mettre un terme à ce phénomène, indique le rapport du Rossing Center pour l’éducation et le dialogue, intitulé « Attaques contre les chrétiens en Israël et à Jérusalem-Est ».
L’ONG attribue cette augmentation au « climat socio-politique général ».
« Le glissement continu vers l’extrême droite, un sentiment croissant de nationalisme et l’accent mis sur le fait qu’Israël est avant tout un État pour la population juive ont collectivement miné le sens légal et perçu de l’égalité pour toute minorité au sein du pays », indique le rapport.
En 2023, selon le groupe, il y a eu onze cas de harcèlement verbal, sept attaques violentes, trente-deux attaques sur les propriétés des églises, une profanation de cimetière et trente cas officiellement signalés de crachats sur ou vers le clergé et les pèlerins. Le rapport note que tous les membres du clergé avec lesquels le Rossing Center s’est entretenu en 2023 ont déclaré qu’on leur crachait dessus plusieurs fois par semaine.
Les attaques les plus violentes sont le fait de jeunes adultes issus de la « partie marginalisée de la société ultra-orthodoxe », a déclaré Hana Bendcowsky, directrice du Centre de Jérusalem pour les relations judéo-chrétiennes du Rossing Center, au Times of Israel.
Le harcèlement provient d’un large panel d’hommes israéliens – des enfants aux adultes, des résidents d’implantations de droite aux ultra-orthodoxes – mais tous religieux, a-t-elle ajouté.
D’autres violations ont également été signalées. Des personnalités religieuses ont été invitées à retirer des croix, et la police a fortement réduit le nombre de personnes autorisées à assister à la cérémonie du feu sacré à Jérusalem à l’occasion de la fête de Pâques, invoquant des raisons de sécurité.
« En général, lorsque vous vous adressez aux autorités, ce qu’elles avaient l’habitude de dire à l’époque où nous avons lancé le projet, c’est ‘nous ne savons pas de quoi vous parlez, nous ne recevons pas de plaintes' », a expliqué Bendcowsky.
Le ministère des Affaires étrangères et la police israélienne n’ont pas répondu aux demandes de commentaires sur ce rapport d’étude.
Lors d’une conférence de presse sur le rapport à Jérusalem, Bendcowsky a attribué l’attitude hostile d’une minorité restreinte mais croissante en Israël à deux facteurs : l’ignorance du christianisme dans le pays et la persécution des Juifs par les chrétiens au cours des siècles.
« L’histoire judéo-chrétienne occulte et rejaillit sur les relations entre les Juifs et les Chrétiens ici en Israël », a-t-elle déclaré. « Nous avons apporté avec nous l’histoire de l’Europe et nous la projetons sur les chrétiens locaux et leurs symboles. »
Le rapport propose une série de recommandations aux autorités israéliennes pour lutter contre ce phénomène : renforcer la présence et l’intervention de la police sur les sites sensibles ; former la police et les autorités locales sur les communautés chrétiennes ; créer des postes de liaison au sein du gouvernement national et de la municipalité de Jérusalem ; améliorer les programmes scolaires sur le christianisme dans les écoles israéliennes ; condamner plus fermement les autorités ; encourager les chrétiens à signaler les attaques ; et sensibiliser davantage les diplomates.
Un phénomène à éradiquer
Avant l’assaut barbare et sadique du groupe terroriste palestinien du Hamas sur le sud d’Israël le 7 octobre, qui a déclenché la guerre en cours à Gaza, certains signes indiquaient que les autorités israéliennes prenaient la question plus au sérieux après des années de plaintes.
En août 2023, dans le cadre de ses récents efforts pour sensibiliser la population à la question de la sécurité de la communauté chrétienne, le président Isaac Herzog s’est rendu au monastère Stella Maris de Haïfa pour y rencontrer les dirigeants chrétiens.
« Ces derniers mois, nous avons assisté à des phénomènes extrêmement graves dans le traitement des membres des communautés chrétiennes en Terre sainte, nos frères et sœurs, des citoyens chrétiens, qui se sentent attaqués dans leurs lieux de prière et leurs cimetières, dans la rue », avait déclaré Herzog devant le monastère carmélite datant du XIXe siècle.
« C’est tout à fait inacceptable à tous points de vue », avait-il souligné.
Bien qu’il y ait depuis longtemps des incidents périodiques de vandalisme et de harcèlement contre le clergé chrétien dans la Vieille Ville de Jérusalem, il y a eu une augmentation notable des attaques dans la période précédant la visite du président Herzog.
Rappelant la tradition juive selon laquelle le monastère de Haïfa abrite également la tombe du prophète Élisée, des membres du mouvement hassidique de Breslev se sont présentés au complexe catholique et ont tenté de prier, ce qui a donné lieu à un certain nombre d’altercations physiques.
La communauté catholique locale a commencé à ériger une clôture autour de la propriété pour la protéger.
« Nous devons déraciner ce phénomène », avait déclaré Herzog, en faisant référence aux attaques contre les chrétiens et leurs lieux saints dans tout le pays.
Assis à côté du président lors d’une discussion au monastère avec les chefs des communautés chrétiennes en Israël, le chef de la police israélienne Kobi Shabtaï avait indiqué que la police « entreprend des opérations créatives pour éradiquer tous ces petits phénomènes, ces phénomènes qui affectent la façon dont chacun se sent. Nous sommes ici pour vous apporter un sentiment de sécurité ».
Shabtaï avait déclaré que ses agents feraient tout ce qui est nécessaire sur le terrain pour protéger les chrétiens.
S’exprimant en hébreu, l’archevêque latin Pierbattista Pizzaballa avait remercié la police d’avoir agi et le président d’avoir donné la priorité à la sécurité des communautés chrétiennes.
« Nous devons travailler ensemble pour encourager le dialogue entre nous, la solidarité entre nous et la fraternité entre nous », avait déclaré Pizzaballa.
La police israélienne, qui a été critiquée pour son incapacité à éradiquer le phénomène, a montré un regain d’intérêt pour le problème l’été dernier.
Quelques jours avant la visite de Herzog à Haïfa, le chef de la police de Jérusalem, Doron Turgeman, et le commandant du quartier de la Vieille Ville, Avi Cohen, ont rencontré des dirigeants chrétiens dans la capitale. Cohen a présenté les mesures prises par la police pour lutter contre les attaques contre le clergé dans la Vieille Ville.
Selon la police, seize enquêtes ont été ouvertes cette année et vingt-et-une arrestations et détentions ont été effectuées en lien avec des attaques contre des chrétiens.
En novembre 2022, deux soldats de la Brigade Givati ont été arrêtés parce qu’ils étaient soupçonnés d’avoir craché sur l’archevêque arménien et d’autres pèlerins lors d’une procession dans la Vieille Ville. Début 2023, deux adolescents juifs ont été arrêtés pour avoir endommagé des tombes au cimetière protestant du mont Sion.
La semaine suivante, le centre communautaire maronite de la ville septentrionale de Maalot-Tarshiha a été vandalisé par des inconnus pendant les fêtes de Noël.
Les bâtiments de la communauté arménienne de Jérusalem ont également été la cible de vandales, qui ont graffé de nombreuses phrases discriminatoires sur l’extérieur des structures du quartier arménien. En janvier 2023, une bande d’adolescents juifs religieux a jeté des chaises sur un restaurant arménien à l’intérieur de la Nouvelle Porte de la ville. La semaine suivante, des actes de vandalisme sont commis à l’église de la Flagellation.
À LIRE : Avec des attaques anti-chrétiennes plus fréquentes, la menace d’une crise pour Israël
En mars de la même année, un habitant du sud d’Israël a été arrêté après avoir attaqué des prêtres avec une barre de fer sur la tombe de la Vierge Marie à Gethsémani.
Certains, dont le Rossing Center, établissent un lien entre l’augmentation récente des comportements agressifs et la composition de l’actuel gouvernement israélien, composé de factions ultra-orthodoxes et d’extrême droite qui protègent farouchement les institutions juives orthodoxes d’Israël et s’opposent fermement aux manifestations publiques de culte chrétien.