Le compromis proposé par Daniel Friedmann sur la refonte du système judiciaire
Selon l'ex-ministre, les députés, et pas seulement les juges de la Cour suprême, doivent faire preuve de retenue ; il insiste pour que les Lois fondamentales aient plus de poids
Alors que les tensions s’intensifient au sujet du projet du nouveau gouvernement de remanier radicalement le système judiciaire, l’ancien ministre de la Justice, Daniel Friedmann, a présenté lundi une proposition de compromis qui adoucirait le projet, augmenterait le pouvoir du président et rendrait plus difficile pour les coalitions au pouvoir de modifier les Lois fondamentales quasi-constitutionnelles.
Friedmann, qui a été en poste entre 2007 et 2009 sous le gouvernement du Premier ministre Ehud Olmert, est lui-même un partisan d’une réforme judiciaire qui a cherché à limiter les pouvoirs de la Haute Cour de justice et du Procureur général, estimant qu’ils avaient acquis une autorité excessive leur permettant d’intervenir dans le processus décisionnel du gouvernement.
Les positions de Friedmann avaient fait de lui l’ennemi de nombreux membres du système judiciaire à l’époque, mais c’est un modéré comparé à l’actuel ministre de la Justice, Yariv Levin. Il affirme que le plan de Levin – désormais soutenu par l’ensemble des partenaires de la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu – va trop loin.
Le plan de réforme de Levin limiterait fortement la capacité de la Haute Cour à invalider les lois et les décisions du gouvernement, avec une clause dite « dérogatoire » permettant à la Knesset de légiférer à nouveau sur des lois annulées avec une majorité simple de 61 voix ; il donnerait au gouvernement un contrôle total sur la sélection des juges ; il empêcherait la Cour d’utiliser la règle du « caractère raisonnable » pour juger les lois et les décisions du gouvernement ; et il permettrait aux ministres de nommer leurs propres conseillers juridiques, au lieu d’obtenir des conseils de conseillers opérant sous l’égide du ministère de la Justice.
S’adressant au quotidien Yedioth Aharonoth, Friedmann a détaillé son plan de compromis, soutenant certains éléments de la proposition de Levin mais s’opposant ou adoucissant d’autres points.
« Il y a un besoin de réforme dans le système judiciaire actuel », a-t-il déclaré. « Mais les réformes proposées ne sont que partiellement acceptables à mon sens. Il faut aussi que la Knesset soit moins belliqueuse et fasse preuve de plus de retenue. »
Il a critiqué les nombreuses modifications apportées aux Lois fondamentales ces dernières années « en fonction des intérêts évanescents des gouvernements naissants », y compris la création du poste de Premier ministre suppléant, l’augmentation du nombre de ministres autorisés à démissionner de leur poste à la Knesset dans le cadre de la Loi norvégienne, la modification du nombre ou du pourcentage de députés autorisés à quitter un parti sans sanctions, et la modification de la structure des ministères du gouvernement, « qui sont traités comme de la pâte à modeler, démontés et reformés ».
« Nous devons penser à la retenue et à la réforme de la Knesset et de la manière dont elle prend ses décisions, et pas seulement à la réforme du système judiciaire », a-t-il déclaré.
Dans sa proposition, Friedmann suggère d’annuler le critère de « caractère raisonnable » uniquement dans les domaines liés à la gestion du pays et aux nominations politiques et gouvernementales. Les tribunaux conserveraient la possibilité d’utiliser le critère pour annuler les décisions qui violent les droits civils et humains.
En ce qui concerne la sélection des juges, Friedmann a proposé de séparer le mécanisme de sélection des magistrats et des juges des tribunaux de district du mécanisme de sélection des juges de la Cour suprême. Le premier, a-t-il dit, ne nécessite pas de changement significatif et pourrait même être modifié pour exclure complètement l’implication du gouvernement.
Mais il s’est opposé à la position de Levin sur la sélection des juges de la Cour suprême, affirmant que le pouvoir politique ne devrait pas avoir un contrôle total. Il a proposé d’accepter le plan de Levin d’élargir la commission avec des représentants du public, mais a déclaré que ceux-ci devraient être choisis par le président plutôt que par le ministre de la Justice.
Friedmann a soutenu la demande de Levin de changer le système d’ancienneté actuellement utilisé pour la sélection du juge en chef de la Cour suprême. Il a déclaré que le président de la Cour suprême devrait être choisi au mérite – par exemple, par un panel nommé par le président ou par un autre organisme indépendant – et non pas uniquement en fonction du temps passé au sein de la Cour suprême, arguant que nulle part ailleurs dans le pays les nominations ne sont traitées de cette manière.
Il a rejeté l’argument selon lequel l’annulation du système d’ancienneté créerait une concurrence excessive entre les juges, affirmant qu’il leur fait confiance pour ne pas créer de lobbies politiques ou pour ne pas modifier les décisions judiciaires en raison de considérations sur leurs chances d’être nommés juges en chef.
En ce qui concerne le pouvoir de la Cour d’annuler des lois, Friedmann propose de lui interdire d’intervenir dans les Lois fondamentales – mais seulement si la capacité de la Knesset à les modifier en fonction d’intérêts à court-terme est également limitée.
« Je propose de donner au président le pouvoir de reporter l’entrée en vigueur des Lois fondamentales pour une période d’un an ou deux », a-t-il déclaré. « Pendant cette période, on pourra examiner s’il faut donner à la Knesset le mandat de la faire passer en loi. »
En ce qui concerne la clause dite « dérogatoire », Friedmann a accepté la proposition de Levin selon laquelle seulement 61 législateurs sur les 120 membres de la Knesset pourraient annuler les décisions de la Haute Cour, mais a ajouté un avertissement : le nombre de députés soutenant une telle motion doit dépasser le nombre d’opposants d’au moins cinq.
Une partie de la proposition de Levin a été rejetée d’emblée par Friedmann. « Je m’oppose à ce que les conseillers juridiques des ministères soient nommés pour des raisons politiques », a-t-il déclaré. « Le système de nomination de professionnels à ces fonctions doit être maintenu. »