Le début d’une belle amitié hi-tech entre Israël et le Maroc à Casablanca
Des organisations ont signé 13 accords alors que les différents représentants se sont réjouis de liens historiques qui ont su se transformer en opportunités économiques
CASABLANCA, Maroc – Des organisations israéliennes et marocaines ont signé un certain nombre d’accords technologiques et commerciaux dans la journée de lundi, notamment dans les domaines de l’eau et de l’énergie, dans le cadre du forum « Marocco-Israel: Connect to innovate » qui avait été organisé par Start-Up Nation Central (SNC), une ONG qui suit l’écosystème technologique israélien.
Cette conférence de trois jours, co-organisée par l’entreprise marocaine SPR, a eu lieu dans la ville portuaire de Casablanca, le centre commercial et industriel du royaume et sa ville la plus peuplée. Le sommet, qui s’est terminé mercredi, a accueilli des sessions de travail, des conférences, des rencontres entre hommes d’affaires, des séances de promotion, et des tables rondes visant à explorer les opportunités commerciales et technologiques mutuelles.
Ce sont 13 protocoles d’accord au total entre des entreprises et des agences gouvernementales qui ont été signés lors du forum, promettant d’examiner toutes les possibilités dans différents secteurs – notamment dans les technologies agricoles et de l’eau, dans la logistique et dans « le capital humain », où une idée est actuellement développée pour permettre de s’attaquer à la pénurie de talents technologiques en Israël en faisant appel à des ingénieurs et à des développeurs marocains.
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La conférence a ouvert ses portes lundi avec une cérémonie d’ouverture qui a permis d’accueillir les 150 personnes venues dans le cadre des délégations marocaines et israéliennes – des hommes d’affaires, des responsables gouvernementaux et des personnalités diplomatiques. Des représentants de 25 entreprises technologiques israéliennes avaient fait le déplacement, notamment des représentants des firmes spécialisées dans les technologies de l’eau N-Drip et Watergen, de la firme hi-tech travaillant sur le sujet du climat, Tomorrow.io, et des firmes technologiques agricoles Supplant, Fruitspec et Salicrop.
Le directeur-général de SNC, Avi Hasson, qui a été, dans le passé, scientifique en chef du ministère de l’Économie et qui a dirigé l’Autorité israélienne de l’Innovation, avait déclaré avant le Forum que l’État juif s’engageait dans un travail de « diplomatie de l’innovation », où le pays pourrait « exploiter son savoir-faire et l’utiliser pour relever des défis communs, région par région ».
Hasson avait indiqué que les 25 start-ups qui avaient été sélectionnées dans la délégation travaillaient toutes dans des domaines déterminants, s’attaquant à différentes problématiques actuelles comme la pénurie et la conservation de l’eau, le développement durable ou la sécurité de l’approvisionnement alimentaire, à travers des technologies de l’agriculture innovantes.
L’objectif de l’événement, avait-il ajouté, était de « créer des possibilités de rapprochement entre les secteurs public et privé » et de poser les fondations nécessaires pour aider le Maroc à développer son propre écosystème technologique.
« Il y a des leçons à tirer d’Israël, ainsi que de bonnes pratiques », avait-il continué.
Israël et le Maroc sont actuellement lancés dans un processus d’étude et de recherche et les deux pays sont en train de découvrir leurs marchés respectifs et leurs processus de régulation en vigueur, avait-il poursuivi.
« Les firmes israéliennes considèrent le Maroc comme une opportunité et comme un lien possible qui permettra, à terme, d’accéder au reste de la région », avait noté Hasson.
Parmi les intervenants qui ont pris la parole lundi, André Azoulay, membre éminent de la communauté juive marocaine et conseiller du roi Mohammed VI. Il est aussi le président de la Fondation de Recherche de Développement et d’Innovation en Sciences et Ingénierie (FRDISI), une organisation qui s’intéresse aux collaborations dans les secteurs de la recherche et de la technologie et dont des représentants étaient sur place, à Casablanca, pour explorer les opportunités avec Israël.
S’exprimant devant l’assistance en français, Azoulay a fait l’éloge du secteur technologique israélien en tant que source d’inspiration et poids-lourd mondial, et il a indiqué qu’il espérait que le Forum entraînerait la formation de liens solides.
Azoulay a dit que le Maroc espérait prendre part à la révolution technologique qui « change les vies ». Il a terminé son allocution en appelant les Israéliens et les Palestiniens à « retrouver la voie de la paix ».
Le président israélien Isaac Herzog, pour sa part, a pris la parole devant l’assistance par le biais d’un message vidéo, saluant « un événement historique » facilité par des liens profonds « qui remontent à des siècles ».
« Le potentiel de coopération entre nous est énorme », a dit Herzog. « Nous pouvons créer une nouvelle réalité dans le secteur de l’alimentation, dans le domaine de l’eau, dans celui de l’intelligence artificielle, dans l’agriculture, dans les technologies médicales et plus encore. Nous pouvons créer de nouvelles opportunités économiques », a déclaré Herzog.
La ministre marocaine de la Transformation numérique, Ghita Mezzour, a estimé que le royaume pourrait « profiter de toute l’expertise d’Israël dans le développement de son propre écosystème de start-ups. Nous avons tant à apprendre d’Israël ».
« Nous avons énormément de jeunes formés dans les technologies de l’information et nous avons beaucoup à offrir. Nous sommes également l’une des principales destinations d’externalisation dans le domaine des technologies de l’information en Afrique et nous pourrions devenir pour Israël un pôle en matière de recherche et de développement », a-t-elle ajouté.
Ryad Mezzour, ministre marocain du Commerce et de l’Industrie, a fait valoir le même point de vue dans son discours, affirmant que le Maroc avait « l’opportunité formidable d’apprendre la route à suivre auprès de l’un des pays les plus innovateurs dans le monde ».
Des liens ravivés
Le Forum a été organisé un an et demi après la signature par Rabat des Accords d’Abraham, qui ont permis à Israël de normaliser ses liens avec les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc.
L’État juif et le Maroc avaient ouvert des bureaux de liaison à l’occasion d’une ouverture diplomatique de courte durée. Ces bureaux avaient ensuite été fermés au début des années 2000, pendant la Seconde intifada. Des relations discrètes avaient néanmoins continué, avec environ 130 millions de dollars de commerce bilatéral en 2021 et des chiffres similaires les années précédentes, selon des informations parues dans les médias marocains.
Depuis la signature des Accords d’Abraham en 2020, le Maroc et l’État juif ont signé un pacte de défense qui prévoit une coopération plus fluide entre les responsables de la défense des deux pays et qui facilite les ventes d’armes au royaume d’Afrique du nord, et des vols directs font dorénavant la liaison entre Tel Aviv, Casablanca et Marrakech, la quatrième plus grande ville du Maroc.
Ces avancées ont suivi une visite de haut-rang, l’été dernier, du ministre des Affaires étrangères israélien Yair Lapid à Rabat, où il a ouvert un bureau de liaison.
Les pays doivent encore établir des liens diplomatiques pleins et entiers, avec l’ouverture d’ambassades. Leurs représentants respectifs, pour le moment, ont le titre de « chef de bureau de liaison » ou de « chef de mission » et non d’ambassadeur.
Ce retard dans la mise en place de relations diplomatiques officielles serait lié à la région disputée du Sahara occidental, dont le Maroc revendique la souveraineté – l’administration de l’ancien président américain Donald Trump, qui a été à l’origine des Accords d’Abraham, avait fait la promesse qu’elle reconnaîtrait l’autorité marocaine sur le territoire en échange de la normalisation des relations entre Rabat et Jérusalem. L’administration Biden a fait savoir qu’elle maintiendrait cet arrangement.
L’envoyé israélien au Maroc, David Govrin, a indiqué lundi aux journalistes que les deux dirigeants reprendraient les discussions sur le Sahara occidental « le moment venu ».
Évoquant les dossiers économiques et diplomatiques, Govrin a souligné que la reprise des liens s’était basée « sur des fondations très solides », la relation bilatérale entre Israël et le Maroc étant construite sur « une culture commune et sur des valeurs partagées ».
Les deux pays ont signé un accord commercial au début de l’année, et la ministre de l’Économie et de l’Industrie israélienne Orna Barbivai a pour objectif de développer le commerce bilatéral à hauteur de 500 millions de dollars d’ici cinq ans – et les deux pays espèrent atteindre cette cible, a noté Govrin.
« Je suis sûr que nous atteindrons cet objectif parce que le désir est là… Nous faisons de notre mieux pour promouvoir les liens commerciaux et pour renforcer notre relation. Nous faisons se rencontrer les entreprises israéliennes et marocaines pour qu’elles puissent développer des relations d’affaires, des relations commerciales. Nous posons les infrastructures nécessaires et les fondations pour ces liens », a expliqué Govrin, qui a ajouté que « le potentiel est énorme » et que les deux nations « travaillent d’arrache-pied » à renforcer les liens et à développer ces derniers.
« C’est tout un processus. Cela ne se fait pas en vingt-quatre heures », a poursuivi Govrin.
Des liens historiques
Israël et le Maroc ont entretenu des relations étroites – mais discrètes – depuis des décennies en partie parce que ce pays d’Afrique du nord accueille la plus importante communauté juive de la région, et qu’il est également le pays natal d’environ 700 000 Israéliens. Un grand nombre d’entre eux ont souvent conservé des liens familiaux et culturels avec le pays de naissance de leurs parents ou de leurs grands-parents et ils se rendent au Maroc depuis des dizaines d’années – via Paris et les autres capitales européennes.
Avec une histoire juive riche et des sites juifs déterminants, le Maroc accueillait la plus grande communauté juive de tout le monde musulman, avec 300 000 Juifs qui vivaient dans le pays jusqu’aux années 1940. Une fois l’État d’Israël fondé en 1948, la majorité d’entre eux étaient partis pour le nouvel État juif, ainsi que vers la France et vers le Québec, au Canada.
Aujourd’hui, il reste environ 3 000 Juifs au Maroc. Mille environ vivent à Casablanca.
Avec le réchauffement des liens et avec dorénavant des vols directs reliant les deux pays, Israël et le Maroc espèrent assister à un nouvel afflux de touristes.
Tel Aviv à Casablanca
Quelques-uns de ces touristes faisaient la queue, lundi matin, au guichet d’enregistrement d’un vol de la Royal Air Maroc décollant de Tel Aviv à destination de Casablanca, où la délégation de SNC, formée d’une cinquantaine de personnes – avec notamment des journalistes – s’était elle aussi rassemblée.
L’excitation était palpable. Gérard et « Yvos » (Yves), deux Israéliens d’âge moyen, discutaient d’un voyage précédent au Maroc et un troisième passager, pour qui c’était le premier séjour dans le pays, leur a demandé s’ils pensaient qu’il devrait ôter l’étoile de David pendue à son cou une fois arrivé à destination.
« Absolument pas ! Laissez-la. Tout ira bien. Vous verrez », lui a répondu Gérard sur un ton rassurant.
Aux guichets d’enregistrement à Casablanca, une foule de voyageurs se saluant les uns les autres dans un joyeux mélange de hébreu, de français, d’arabe marocain à l’accent hébreu ou d’hébreu teinté d’une pointe d’arabe marocain. Appelé le Darija, c’est le dialecte arabe le plus difficile à comprendre pour la majorité des arabophones d’autres nationalités (à l’exception des Algériens et, dans une certaine mesure, des Tunisiens) en raison de la lourde influence, dans ce langage, de la langue berbère et, à un moindre niveau, de celle du français et de l’espagnol.
A la porte et à bord de l’avion – le vol dure cinq heures et demie – les proches d’un certain nombre de matriarches juives marocaines, habillées de robes à imprimé coloré, la tête recouverte et en sandales orthopédiques, ont pris des selfies et ont évoqué avec excitation les membres de la famille qu’ils rencontreront une fois dans le pays ainsi que les événements auxquels ils assisteront à Casablanca (ou Casa pour les intimes) – mariage ou bar mitzvah.
Pourtant, pas un mot sur le film célèbre de 1942 qui porte ce nom.
L’auteur de cet article était invité par SNC au Forum.
L’AFP a contribué à cet article.
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