Le FBI arrête la PDG d’une société d’options binaires israélienne à son arrivée à NYC
Lee Elbaz a été assignée à domicile chez sa tante aux Etats-Unis, et risque jusqu’à 40 ans de prison pour fraude informatique
La présidente d’une entreprise israélienne d’options binaires accusée d’avoir volé à ses clients des millions de dollars a probablement été surprise de se retrouver encerclée par des agents du FBI à son arrivée aux Etats-Unis la semaine dernière.
Les options binaires sont une vaste industrie, majoritairement frauduleuse et basée en Israël, que les autorités israéliennes ont laissé s’épanouir ces dix dernières années.
Le FBI a cependant annoncé en février dernier qu’il avait commencé à sérieusement enquêter dessus.
Lee Elbaz, 36 ans, PDG de Yukom Communications Ltd., a embarqué le 14 septembre à Tel Aviv dans un vol pour New York. Quand le FBI a appris son arrivée imminente, ses agents ont présenté un dossier pénal à la cour de district du Maryland, l’accusant de fraude informatique et de conspiration en vue de commettre une fraude informatique. Ils ont obtenu le jour-même un mandat d’arrêt.
Quand Elbaz a atterri à l’aéroport JFK de New York à 16h00, elle a été mise à l’écart par la douane pour un deuxième contrôle. Les agents du FBI sont alors entrés dans la pièce pour l’arrêter.
Elbaz a depuis été assignée à résidence à domicile chez sa tante aux Etats-Unis, quand cette dernière a déposé une caution de 1,8 million de dollars. Elle est assignée à domicile jusqu’à son procès et n’a pas le droit de s’engager dans des activités liées aux options binaires ni de communiquer avec un témoin, un autre suspect ou des victimes.
Les deux chefs d’accusation qui pèsent sur Elbaz sont chacun passibles de 20 ans de prison.
L’attestation publique qui explique la cause de l’arrestation d’Elbaz indique qu’elle est la PDG de Yukom Communications Ltd., gérant les sites internet BigOption.com et BinaryBook.com, qui auraient arnaqué des milliers d’investisseurs, dont des Américains, à hauteur de dizaines de millions de dollars.
L’attestation accuse Elbaz et d’autres employés de Yukom de fausses déclarations au sujet de la sécurité des investissements dans les options binaires, et d’avoir promis à tort des rendements élevés, d’avoir dit aux investisseurs qu’ils pourraient retirer leur argent alors que ce n’était pas le cas, d’avoir menti sur l’emplacement et la qualification des « négociateurs » aidant les victimes, de ne pas avoir explicité que les marques et les vendeurs d’options binaires ne gagnaient de l’argent que quand les investisseurs en perdaient, et de ne pas avoir explicité que son entreprise aurait conspiré avec une autre, SpotOption, pour manipuler les marchés.
Le Times of Israël a contacté vendredi l’avocat d’Elbaz pour avoir une réponse à ces accusations, et mettra à jour en conséquence cet article.
Le Times of Israël a détaillé la fraude massive des entreprises israéliennes d’options binaires depuis mars 2016, en commençant par un article intitulé « Les loups de Tel Aviv ».
Les entreprises frauduleuses trompent leurs victimes en leur faisant croire qu’elles proposent des investissements lucratifs à court terme, mais dans l’écrasante majorité des cas, les clients finissent par perdre tout leur argent, ou presque, et ce du jour au lendemain.
Gabi Biton, commissaire divisionnaire de la police israélienne, a dit le mois dernier à une commission de la Knesset que les caïds du crime israélien étaient les responsables de l’industrie des options binaires et que le crime organisé du pays s’était massivement enrichi et approfondi, car pendant des années, la police n’a pas saisi l’immensité de la fraude.
« Nos yeux ont été ouverts », a dit Biton, qui enquête sur la fraude financière et le blanchiment d’argent. « Ce que nous cherchons ici, c’est une entreprise criminelle organisée massive. Nous parlons de criminels à différents niveaux d’organisations criminelles, jusqu’aux sommets. »
Un projet de loi a également été approuvé en première lecture et en commission pour interdire totalement l’industrie des options binaires. Il est actuellement en suspens au moins jusqu’à mi-octobre, à la reprise des sessions parlementaires. David Bitan, le président de la coalition, n’a pas montré d’enthousiasme à l’idée de présenter le projet de loi en plénière de la Knesset pour un vote final.
Bitan a dit le 7 août à ses collègues députés que sa réticence était due au fait qu’une famille liée à SpotOption, une plate-forme d’options binaires, est l’un de ses soutiens les plus importants au Comité central du Likud, l’organe qui détermine qui seront les candidats à la Knesset du parti.
Le FBI a indiqué dans son attestation avoir demandé des documents comptables de BinaryBook.com à SpotOption, le fournisseur de plate-formes qui, selon le FBI, coopérait avec Yukom Communications. SpotOption a répondu aux demandes du FBI.
« Le marché des options binaires est facilité par des ‘fournisseurs de plate-forme’, notamment une compagnie appelée ‘SpotOption’, qui se présente sur son site internet comme ‘le fournisseur de plate-forme numéro un sur la technologie d’aujourd’hui’ », peut-on lire dans l’attestation émise le 14 septembre par le FBI.
« Des individus qui ont travaillé dans l’industrie des options binaires, notamment un ancien employé de SpotOption, ont indiqué que SpotOption se situe physiquement en Israël, même si la partie ‘Contactez-nous’ du site montre des localisations au Royaume-Uni, à Hong Kong et à Chypre, sans aucune mention d’Israël. »
Le FBI affirme ensuite que SPotOption a ajusté les « paramètres de risque des clients » pour manipuler le résultat des transactions. Le FBI a pu obtenir des e-mails de Google et voir la correspondance entre Lee Elbaz et SpotOption, dans laquelle ils auraient conspiré pour truquer les résultats des transactions des clients.
Dans les documents que l’entreprise a fournis au FBI, SpotOption a révélé que le site internet BinaryBook.com seul avait gagné plus de 30 millions de dollars par an ces trois dernières années. BinaryBook.com est l’un des centaines de sites d’options binaires qui se sont créés en Israël au milieu d’une impunité quasi-totale. Jusqu’à présent, les autorités israéliennes ont arrêté 12 individus liés aux options binaires, et aucun d’entre eux n’est plus en détention.
Au total, l’industrie des options binaires générerait entre cinq et dix milliards de dollars par an et aurait employé jusqu’à 10 000 personnes. Des centaines, si ce n’est des milliers, d’Israéliens ont occupé des postes de direction dans ces entreprises, comparables aux responsabilités exercées par Lee Elbaz et ses cadres.
Haggai Carmon, avocat israélien qui représente les victimes des options binaires, a dit au Times of Israël qu’il pense que l’arrestation d’Elbaz n’est que le « sommet de l’iceberg ».
« Bien que je ne sois pas impliqué dans l’affaire en cours contre Lee Elbaz, j’ai appris des documents juridiques que les chefs d’accusation sont graves et sont passibles de 20 ans de prison chacun (et il y a deux chefs d’accusation). Je pense que des arrestations supplémentaires ou même des demandes d’extradition pourraient suivre. Mon expérience m’a montré que le système judiciaire américain est parfois lent, mais qu’il est très précis et n’est pas soumis aux pressions externes, en particulier pour des fraudes systématiques contre des citoyens américains. »
Nimrod Assif, avocat de victimes des options binaires qui a pratiqué le droit en Israël et aux Etats-Unis a dit au Times of Israël qu’il était impressionné par l’action fédérale.
« Quand il s’agit de sévir contre la fraude financière, les autorités israéliennes ont des décennies de retard sur les Etats-Unis. Ceci se voit dans le dévouement envers l’état de droit, et les compétences nécessaires pour traiter de la complexité du dossier. »
« Les autorités israéliennes n’ont pas enquêté, ou ont fermé les yeux, sur des pratiques qui sont une fraude évidente, et pendant des années, les fraudeurs des options binaires et du Forex en Israël ont pu mener leurs affaires en toute impunité », a ajouté Assif.