Le gel partiel des armes de Biden accentue la menace existentielle qui pèse sur Israël
Les paroles et les mesures envisagées par le président visaient une offensive de Tsahal à Rafah ; les implications diplomatiques et pratiques sont encore plus importantes
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
À plusieurs reprises au cours des derniers mois, alors que l’administration Biden a inexorablement intensifié ses critiques privées et publiques à l’encontre de la conduite de la guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas par Israël, ce journaliste a interrogé de hauts responsables israéliens de la Défense sur la manière dont ils se préparaient à l’éventualité d’une réduction ou d’une interruption par le président Joe Biden des approvisionnements vitaux en armes et autres matériels militaires fournis par les États-Unis à Tsahal.
L’une des non-réponses reçues a été que si Israël ne voulait pas dépendre des États-Unis en tant que principal fournisseur, il devrait réorienter son économie – au détriment de la high-tech – et se concentrer plutôt sur l’expansion massive de ses industries militaires. Ou plutôt, c’est ce qu’il aurait dû faire il y a au moins dix ans.
Une autre non-réponse était qu’Israël devait simplement s’assurer de ne pas se retrouver dans une situation où les États-Unis refuseraient de lui fournir des produits.
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Or, c’est exactement ce qui s’est passé mercredi.
Après des mois d’âpres va-et-vient entre les chefs politiques et de la Défense israéliens et leurs homologues américains, durant desquels les États-Unis ont indiqué à plusieurs reprises qu’ils n’étaient pas du tout convaincus que Tsahal serait en mesure de se débarrasser du Hamas à Rafah – dernier grand bastion du groupe terroriste -, sans causer de nouvelles pertes insoutenables parmi la population civile de Gaza, le président a fait savoir que les États-Unis cesseraient de transférer des bombes de 900 et 225 kg à Israël. Le but étant qu’elles ne soient pas utilisées par Tsahal dans les zones densément peuplées de Rafah, comme il l’a fait dans d’autres parties de la bande de Gaza au cours de la guerre. Il a également parlé de suspendre l’envoi d’obus d’artillerie.
« Des civils ont été tués à Gaza à cause de ces bombes [fournies par les États-Unis] et d’autres moyens par lesquels [Israël] s’en prend aux centres de population », a déclaré Biden sur CNN, dans des termes qui, pourraient laisser entendre qu’Israël prend délibérément pour cible des civils, contredisant ses déclarations antérieures selon lesquelles le mode opératoire militaire du Hamas consiste à utiliser les civils de Gaza comme boucliers humains.
????????Biden says he will stop the transfer of weapons to Israel, including artillery shells, if Israel moves into Rafah population centers.
And Biden confirms that innocent Palestinians civilians have been killed in Gaza from the U.S.-supplied bombs. pic.twitter.com/JuPLELLpAz
— Jacob N. Kornbluh (@jacobkornbluh) May 8, 2024
C’est pourquoi, a poursuivi le président, « j’ai dit clairement [aux Israéliens] que s’ils entraient à Rafah – ils n’y sont pas encore entrés – s’ils entraient à Rafah, je ne fournirais pas les armes qui ont été utilisées dans le passé pour attaquer Rafah, pour attaquer les villes, pour résoudre ce problème… C’est tout simplement mal. Nous n’allons pas fournir les armes et les obus d’artillerie qui ont été utilisés ».
À l’annonce de la décision du président, une grande partie de la classe politique israélienne s’est empressée d’exprimer son indignation, avec, inévitablement, au premier rang, ceux dont les politiques incendiaires et les déclarations intempestives ont le plus aliéné l’administration américaine.
Mais cette crise a pris une ampleur qui va bien au-delà de la rhétorique. Elle vient s’ajouter au défi existentiel auquel Israël est confronté depuis le 7 octobre.
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L’establishment israélien de la Défense est devenu de plus en plus discret sur les détails des fournitures militaires américaines et sur l’état de ses propres stocks d’armes.
Pendant les premiers mois de la guerre, il a publié des informations sur l’arrivée des avions-cargos américains et certains détails sur les équipements fournis. Il n’en publie plus depuis plusieurs mois.
Dans les heures qui ont suivi l’annonce choc de Biden, les hauts responsables israéliens de la Défense ont refusé de dire dans quelle mesure la menace de Biden d’une coupure partielle de l’approvisionnement était immédiate et problématique, alors même que les Etats-Unis ont déjà retenu au moins une cargaison.
Des sources militaires affirment depuis des mois que les troupes de Tsahal et l’armée de l’air israélienne « ont fait des réserves » de munitions.
Il est difficile de savoir si cette réserve a permis de mettre de côté les vastes quantités dont Israël a besoin pour dissuader le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah – une armée terroriste bien plus puissante que le Hamas – de franchir la frontière nord, et/ou pour prévenir une escalade majeure du Hezbollah, et/ou pour riposter en cas d’attaque majeure du Hezbollah.
Il est également difficile de déterminer dans quelle mesure la décision de Biden limiterait les opérations potentielles de Tsahal à Rafah.
Ce qui est certain, c’est que l’Iran, le Hezbollah et le Hamas jubilent aujourd’hui de la décision choquante, mais pas totalement surprenante, de Biden. Elle renforce, plutôt qu’elle ne diminue, la perspective d’une escalade du conflit de part et d’autre de la frontière nord. Elle réduit les craintes des dirigeants du Hamas, qui redoutent de voir Tsahal à même de s’attaquer à eux dans les profondeurs de leurs antres à Rafah. Et elle réduit encore davantage la possibilité de voir le Hamas – qui a déjà trompé le monde avec son « acceptation » fallacieuse du cessez-le-feu – se sentir contraint d’accepter un accord viable sur les otages. Et tout cela va à l’encontre des objectifs déclarés de Biden.
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Depuis que le Hamas a envahi Israël le 7 octobre, massacré près de 1 200 personnes et enlevé 252 autres – dont 128 sont toujours détenues -, le président américain et ses hauts responsables n’ont cessé de promettre que l’engagement de l’administration à l’égard de la sécurité d’Israël était « inébranlable ».
Pourtant, l’annonce de Biden, tant ses mots que les menaces d’actions, compromettent la sécurité d’Israël. En effet, si le message et les mesures se concentrent sur une offensive majeure et hautement significative de Tsahal à Rafah, à laquelle les États-Unis s’opposent et pour laquelle leurs préoccupations devraient et doivent être prises en compte de manière crédible, les implications diplomatiques, les répercussions sur l’opinion publique et les implications pratiques concrètes ont une résonance encore plus large. Elles enhardissent et encouragent les ennemis d’Israël et ceux qui les soutiennent ou les approuvent, en leur montrant un Israël affaibli par le déclin du soutien de son allié le plus vital, et diminuent ainsi la capacité d’Israël à contrer leurs ambitions génocidaires.
Déjà abandonné par une grande partie de la communauté internationale, Israël, dans ce qui est sans doute son heure la plus sombre, a maintenant perdu le soutien public indéfectible et la protection totale de son allié le plus essentiel
La réponse du président montre un mépris troublant pour les conséquences de ses propres politiques et objectifs déclarés concernant Israël, et, plus important encore, pour la sécurité et le bien-être d’Israël. Déjà abandonné par une grande partie de la communauté internationale, Israël, dans ce qui est sans doute son heure la plus sombre, a maintenant perdu le soutien public indéfectible et la protection totale de son allié le plus essentiel.
Jeudi après-midi, Netanyahu a publié sur X un extrait du discours qu’il a prononcé dimanche soir au mémorial de la Shoah de Yad Vashem, à la veille de Yom HaShoah, dans lequel il s’est engagé en anglais « devant les dirigeants du monde » à ce « qu’aucune pression, aucune décision d’une quelconque instance internationale, n’empêche Israël de se défendre ». Et que « si Israël est forcé de se défendre seul, Israël se défendra seul ».
La question pratique que les Israéliens se posent actuellement est de savoir si Israël est réellement capable de le faire et, si oui, pour combien de temps.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel