Le Hamas, affaibli face aux clans rebelles, incertain sur le soutien iranien
Le Hamas a besoin d'une trêve pour pouvoir faire face à la crise humanitaire, réprimer les dissidences et reprendre le contrôle de la bande alors que les clans soutenus par Israël gagnent du terrain, selon des sources proches du groupe

À court de commandants, privé d’une grande partie de son réseau tentaculaire de tunnels, incertain du soutien que son allié, l’Iran, pourrait lui apporter, le Hamas lutte pour sa survie à Gaza face aux clans rebelles locaux qui semblent ne cesser de gagner en influence et face aux pressions militaires incessantes qui sont exercées par Israël.
Les hommes armés du Hamas mènent leurs opérations de manière autonome – avec l’ordre de tenir le plus longtemps possible. Mais le groupe terroriste a du mal à conserver son emprise alors que l’État juif apporte ouvertement son soutien aux clans qui s’opposent à lui, ont confié trois sources proches du Hamas.
A un moment où la crise humanitaire à Gaza intensifie les pressions en faveur d’un cessez-le-feu à l’international, le Hamas a désespérément besoin d’une pause dans les combats, a dit l’une de ces sources.
Non seulement un cessez-le-feu offrirait un répit à des Gazaouis épuisés, qui critiquent de manière croissante le Hamas au pouvoir au sein de l’enclave, mais il permettrait également au groupe terroriste d’écraser les éléments rebelles, notamment certains clans et pillards qui ont volé les aides humanitaires, a-t-elle ajouté.
Pour contrer cette menace immédiate, des membres du Hamas ont reçu l’ordre, de la part de leurs supérieurs, de tuer un chef rebelle, Yasser Abu Shabab, selon deux sources du Hamas et deux autres sources proches du dossier. Ce dernier reste toutefois hors d’atteinte, réfugié dans le secteur de Rafah qui est actuellement placé sous le contrôle de l’armée israélienne.
L’agence Reuters s’est entretenue avec 16 sources – avec, parmi elles, des proches du Hamas, des sources sécuritaires israéliennes et des diplomates qui ont dressé le même portrait : celui d’un groupe très affaibli qui, s’il conserve encore une certaine influence et des capacités opérationnelles au sein de l’enclave côtière malgré ses revers, est amené aujourd’hui à relever des défis de taille.

Le Hamas est toujours capable de nuire : mardi dernier, il a tué sept soldats israéliens lors d’une attaque lancée dans le sud de Gaza. Mais trois diplomates originaires du Moyen-Orient déclarent que les évaluations faites par les services de renseignement montrent qu’il a dorénavant perdu ses capacités centralisées de commandement et de contrôle, et qu’il en est réduit à commettre des attaques-surprises sans envergure.
Israël estime avoir abattu 20 000 hommes armés depuis le début de la guerre dans la bande, le 7 octobre 2023 – date à laquelle des milliers de terroristes placés sous la direction du Hamas avaient pris d’assaut le sud d’Israël, massacrant plus de 1 200 personnes et kidnappant 251 personnes, qui avaient été prises en otage au sein de l’enclave côtière. 1 600 autres hommes armés auraient été tués sur le territoire israélien, le 7 octobre.
Selon des sources proches des services de sécurité israéliens, le Hamas recrute des dizaines de milliers de jeunes hommes issus de milieux très défavorisés, sans emploi et déplacés. Une source fait remarquer que l’âge moyen des terroriste du Hamas « baisse de jour en jour ».
Le Hamas n’a pas divulgué le nombre de morts dans ses rangs. Selon le ministère de la Santé qui est placé sous la direction du groupe terroriste, plus de 56 000 Gazaouis ont perdu la vie pendant la guerre, mais ce chiffre est invérifiable et il ne fait aucune distinction entre civils et hommes armés.
La guerre a entraîné la dévastation dans une grande partie de Gaza et elle a détruit – ou rendu inutilisables – des centaines de kilomètres de tunnels qui avaient été creusés par le Hamas sous la bande. Des passages souterrains exploités pour y dissimuler des otages, pour faire du trafic d’armes ou pour que les terroristes puissent se cacher des forces israéliennes.

« Ils se cachent parce qu’ils sont immédiatement pris pour cible par les avions, mais ils apparaissent ici et là ; ils organisent les files d’attente devant les boulangeries, ils protègent les camions qui transportent des aides humanitaires ou ils punissent les criminels », explique Essam, un ouvrier du bâtiment à Gaza âgé de 57 ans. « Ce n’est plus comme avant la guerre mais ils sont encore là ».
Interrogé sur le sujet, Sami Abu Zuhri, un haut responsable du Hamas, a noté que le groupe s’efforçait de parvenir à un accord qui permettrait de mettre un terme à la guerre avec Israël – mais que « la reddition n’est pas une option pour nous ».
Le Hamas reste partie prenante dans les négociations et il est « prêt à libérer tous les prisonniers en même temps », a fait savoir Zuhri en faisant référence aux otages, mais il souhaite en échange un cessez-le-feu permanent et le retrait total des troupes israéliennes de la bande de Gaza. Des conditions qui ont été ouvertement rejetées par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui s’est engagé à poursuivre les combats jusqu’à la défaite ultime du groupe terroriste.
« Ça ne s’annonce pas bien »
Alors que la trêve négociée par les États-Unis dans la guerre qui a opposé l’Iran et Israël a semblé se maintenir, l’attention s’est à nouveau tournée vers la conclusion possible d’un accord susceptible de mettre un terme au conflit en cours à Gaza, accord qui permettrait la libération des 50 otages qui se trouvent encore dans les geôles du Hamas.
L’une des sources proches du groupe terroriste a indiqué à Reuters que ce dernier serait favorable à une trêve, même pour quelques mois, afin d’être en mesure de faire face aux clans locaux qui gagnent en influence.
Mais il a ajouté que les conditions posées par Netanyahu concernant la fin définitive des combats – le Premier ministre israélien exige notamment l’exil des dirigeants du Hamas – équivaudraient à une défaite totale. Le Hamas ne se rendra jamais, a-t-il fait remarquer avant de poursuivre en disant : « Nous gardons la foi, mais en réalité, ça ne s’annonce pas bien ».

Fondé en 1987, le Hamas dirige Gaza d’une main de fer depuis qu’il a violemment chassé les forces fidèles au président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, chef de la faction laïque du Fatah, le principal rival du groupe islamiste.
Israël a infligé des dommages sans précédent au Hamas depuis le pogrom commis sur le sol israélien, le 7 octobre, tuant la majorité de ses commandants de premier plan – et notamment son chef, Yahya Sinwar, au mois d’octobre.
Yezid Sayigh, chercheur au Centre Carnegie pour le Moyen-Orient à Beyrouth, estime que le Hamas tente simplement de survivre. Il ne s’agit pas seulement ici d’un défi matériel qui consisterait à parvenir à résister au niveau militaire, a-t-il expliqué. C’est un défi politique avant tout.
« Ils risquent d’être éliminés sur le terrain à Gaza si la guerre ne s’arrête pas, mais ils risquent également d’être écartés de toute forme de gouvernement qui mettrait un terme à la guerre à Gaza [si une telle formule peut être trouvée] », écrit-t-il en réponse à des questions posées par Reuters.
Il apparaît que les tribus palestiniennes sont devenues un élément de la stratégie adoptée par Israël pour contrer le Hamas. Netanyahu a ouvertement fait savoir que l’État juif armait les clans opposés au Hamas, sans toutefois préciser lesquels.
L’un des défis les plus importants vient d’Abu Shabab, un Bédouin palestinien basé dans la région de Rafah, un secteur placé sous le contrôle de l’armée israélienne.
Le Hamas s’est juré de capturer Abu Shabab, mort ou vif. Il l’accuse de collaboration avec Israël et d’avoir planifié des attaques à l’encontre du groupe terroriste, ont déclaré trois sources du Hamas à Reuters.
Abu Shabab contrôle l’est de Rafah et son groupe se déplace en toute liberté dans la ville et dans ses environs. Sur des images qui ont été postées sur le compte Facebook du chef rebelle, les hommes armés du clan organisent l’entrée de camions chargés d’aide humanitaire au poste-frontière de Kerem Shalom. Israël accuse le Hamas de détourner l’assistance aux civils, de stocker les denrées alimentaires et les autres équipements fournis par la communauté internationale et de les vendre à des prix exorbitants.
Les déclarations qui ont pu être faites par le groupe d’Abu Shabab indiquent qu’il est en train de tenter de mettre en place une administration indépendante dans la région, même s’il dément vouloir prendre la tête d’une autorité gouvernementale. Le clan a appelé les habitants de Rafah qui se trouvent actuellement dans d’autres zones de Gaza à revenir, leur promettant nourriture et abri.
En réponse aux questions de Reuters, le groupe d’Abu Shabab a nié bénéficier d’un soutien de la part d’Israël et il a rejeté toute possibilité d’entretenir des contacts avec Tsahal, se présentant comme une force populaire soucieuse de protéger l’acheminement des aides humanitaires face aux pillages en escortant les camions d’aide. Il a accusé le Hamas de commettre des violences et de museler la dissidence.
Un responsable de la sécurité du Hamas a confié que que les services de sécurité palestiniens « frapperont d’une main de fer pour parvenir à éradiquer les gangs de Yasser Abu Shabab, ce collaborateur », et il a affirmé que le Hamas ne fera preuve d’aucune pitié ni d’aucune hésitation. Il a accusé Abu Shabab de tenter de « semer le chaos et l’anarchie ».

Tous les clans de Gaza ne sont toutefois pas en conflit avec le Hamas.
Jeudi dernier, une alliance tribale a annoncé que ses hommes avaient protégé des camions d’aide humanitaire pris d’assaut par des pillards, dans le nord de l’enclave. Des sources proches du Hamas ont précisé que le groupe terroriste au pouvoir avait approuvé l’intervention de cette coalition.
Israël a fait savoir qu’en réalité, des hommes armés du Hamas avaient réquisitionné les camions, ce que les clans et le groupe terroriste ont nié avec férocité.
L’incertitude iranienne
Selon l’analyste palestinien Akram Attallah, l’émergence d’Abu Shabab a été le résultat de la faiblesse du Hamas. Il dit qu’il s’attend toutefois à ce que l’individu échoue dans sa tentative de gagner en influence dans la mesure où les Palestiniens rejettent largement toute forme de collaboration avec Israël.
Toutefois, quelle que soit la taille du groupe d’Abu Shabab, le fait que le Hamas ait un ennemi issu de la même culture est dangereux, note-t-il. « Il restera une menace tant que le problème n’aura pas été pas réglé », affirme-t-il.
La campagne de bombardements de douze jours qui a été menée par l’armée israélienne contre l’Iran – une offensive qui avait commencé le 13 juin, aux toutes premières heures de la journée – a ajouté à l’incertitude qui pèse sur le Hamas. Le soutien apporté par Téhéran à l’organisation terroriste a joué un rôle important dans les capacités de cette dernière à procéder à des tirs de missiles dans les profondeurs du territoire israélien.

Selon Israël, l’assaut généralisé qui a été lancé à l’encontre des principaux dignitaires militaires iraniens, des scientifiques spécialistes du nucléaire, des sites d’enrichissement d’uranium et du programme de missiles balistiques de Téhéran était nécessaire pour empêcher la république islamique de mener à bien son projet de destruction de l’État juif.
L’Iran a riposté en envoyant des drones et des missiles balistiques meurtriers en direction d’Israël, ce qui a causé d’importants dégâts.
Si l’Iran et Israël ont tous les deux revendiqué la victoire, Netanyahu a indiqué dimanche que la campagne israélienne contre Téhéran avait renforcé sa position à Gaza, affirmant qu’elle « nous aidera à accélérer notre victoire et à obtenir plus rapidement la libération de tous nos otages ».
Le président américain Donald Trump a fait savoir, mercredi, que des progrès importants avaient été réalisés à Gaza, ajoutant que la frappe contre l’Iran contribuerait à garantir la remise en liberté des captifs qui se trouvent encore dans les geôles du Hamas.
Un responsable palestinien proche du groupe terroriste explique que ce dernier est en train d’évaluer le risque posé par une possible diminution du soutien apporté par la république islamique. Il anticipe, dit-il, « un impact sur le financement et sur l’expertise que l’Iran apportait à la résistance et au Hamas. »
L’une des cibles de la campagne israélienne en Iran a été un officier du Corps des gardiens de la révolution islamique qui était chargé de superviser la coordination avec le Hamas, qui fait partie de « l’axe de la résistance », un réseau régional de groupes terroristes soutenus par le régime des ayatollahs qui comprend également le Hamas libanais et les rebelles houthis du Yémen.

Israël a annoncé samedi la mort du général Saeed Izadi, affirmant qu’il était la force motrice de l’axe Iran-Hamas et qu’il avait joué un rôle déterminant dans la planification du pogrom du 7 octobre.
Le Hamas a présenté ses condoléances à l’Iran jeudi, qualifiant Izadi « d’ami » directement responsable des relations avec « les chefs de la résistance palestinienne ».
Selon une source proche d’un groupe soutenu par l’Iran dans la région, Izadi avait contribué à développer les capacités du Hamas, notamment en matière d’attaques complexes : tirs de roquettes, opérations d’infiltration, tirs de drones, etc…
De son côté, alors qu’il était interrogé sur l’impact que la campagne israélienne menée en Iran pourrait avoir sur son soutien au Hamas, Abu Zuhri a répondu que l’Iran était un grand pays, un État puissant qui ne pourrait être vaincu.
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