Le nucléaire iranien a été fragilisé, mais pas mis hors d’état de nuire tant que Fordo subsiste
Donald Trump a réuni son équipe de sécurité nationale pour décider s'il faut détruire l'installation clé d'enrichissement ; mais même s'il s'y oppose, Israël a encore des options

Lors de sa première conférence de presse depuis sa décision d’attaquer le programme nucléaire iranien, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a énuméré lundi les succès remportés par Israël dans le cadre de l’Opération « Rising Lion ».
La liste est impressionnante. L’armée israélienne a éliminé les dirigeants du Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI), le bras armé du régime iranien, détruit des centaines de missiles balistiques et des dizaines de lanceurs, anéanti la moitié des drones iraniens et établi sa supériorité aérienne dans l’ouest de l’Iran.
Sur le front nucléaire, Netanyahu a également de quoi s’ennorgueillir. Israël a tué dix scientifiques nucléaires de haut rang et promet d’en éliminer d’autres. Il a également causé d’importants dégâts à des sites nucléaires clés.
Mais, comme Israël l’a appris à Gaza, des succès tactiques impressionnants ne se traduisent pas automatiquement par un succès opérationnel. De plus, le fait de causer des dommages à certains éléments essentiels du programme nucléaire iranien ne signifie pas nécessairement qu’Israël l’a considérablement ralenti.
« Le coup n’est pas encore fatal », a déclaré Raz Zimmt, directeur du programme de recherche sur l’Iran et l’axe chiite à l’Institut d’études de sécurité nationale (INSS) à Tel Aviv.
Un succès en surface
Dès le départ, la campagne devait mettre l’accent sur des cibles qui n’étaient pas directement liées au programme nucléaire iranien.

Il s’agissait en réalité d’une opération aérienne visant à neutraliser les défenses aériennes ennemies dans un premier temps afin de permettre à l’armée de l’air d’opérer librement dans une grande partie de l’espace aérien iranien.
« Nous avons très bien démantelé le bouclier de défense aérienne, et nous opérons désormais presque librement dans cette zone », a expliqué Yaakov Amidror, ancien conseiller de Netanyahu à la Sécurité nationale.
L’accent a également été mis sur les stocks de missiles balistiques et les lanceurs, afin de limiter les dégâts que l’Iran pourrait infliger à Israël. Mardi, l’armée israélienne a déclaré avoir détruit environ 40 % des lanceurs de missiles balistiques iraniens.
« Nous ne nous en sommes probablement pas trop mal sortis », a estimé Amidror.
« Ils avaient promis de tirer six fois plus. »
Alors que ces efforts se poursuivent, l’opération vise essentiellement le programme nucléaire iranien, et Israël a déjà fait des progrès considérables dans son objectif de le compromettre sérieusement.
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a déclaré qu’il est très probable que les quelque 15 000 centrifugeuses en service dans la plus grande usine d’enrichissement d’uranium iranienne à Natanz, y compris celles situées sous terre, aient été gravement endommagées ou détruites, directement ou indirectement, en raison d’une coupure d’électricité causée par une frappe israélienne.

Israël a bombardé Natanz tôt vendredi lors de la première vague d’attaques majeures qui ont marqué le début de sa campagne de choc contre les sites militaires et nucléaires iraniens. Cette mesure a été prise car Israël la juge nécessaire pour contrer une menace nucléaire immédiate et existentielle.
Il a également pris pour cible l’usine de conversion d’uranium d’Ispahan, qui transforme l’uranium brut extrait en hexafluorure d’uranium (UF6), un gaz utilisé comme matière première pour les centrifugeuses.
Le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, a donné des précisions sur les dégâts causés à quatre bâtiments à Ispahan : « Le laboratoire central de chimie, une usine de conversion d’uranium, l’usine de fabrication de combustible pour le réacteur de Téhéran et l’usine de traitement de l’UF4 [tétrafluorure d’uranium] en métal enrichi, qui était en construction. »
Cependant, le travail à Ispahan est loin d’être terminé.

« Ce qui n’est pas aussi réussi, c’est qu’il ne semble y avoir aucun dommage aux installations souterraines », a déclaré Jeffrey Lewis, spécialiste de la non-prolifération au Middlebury Institute of International Studies, au Times of Israel.
Il y a ensuite l’usine de Fordo, construite dans une montagne près de la ville sainte de Qom, située au centre du pays.
Initialement décrite comme une installation « d’urgence » construite sous terre pour la protéger d’éventuelles attaques aériennes, l’Iran a ensuite indiqué que Fordo était une usine d’enrichissement capable d’abriter environ 3 000 centrifugeuses.
« Les dégâts enregistrés [là-bas] sont très limités, voire inexistants », a déclaré Grossi.

Un responsable militaire israélien s’exprimant sous couvert d’anonymat a déclaré à Reuters que l’armée de l’air israélienne n’avait pas pris pour cible l’installation de Fordo, mais a ajouté que cela pourrait encore arriver.
L’ambassadeur d’Israël à Washington s’est montré plus catégorique. « Toute cette opération… doit vraiment aboutir à l’élimination de Fordo », a déclaré Yechiel Leiter au micro de Fox News vendredi.
« Si vous laissez des infrastructures comme Fordo en place », a averti Lewis, « cela n’aura vraiment aucun sens ».
Retarder
Contrairement à ce que Netanyahu pourrait dire, l’objectif d’Israël n’est pas l’anéantissement total et permanent du programme nucléaire iranien.
Il est en réalité beaucoup plus modeste et réalisable : un accord nucléaire plus strict entre l’Iran et les puissances occidentales, a déclaré un responsable israélien au Times of Israel.
Israël aspire à « endommager suffisamment [le programme nucléaire] pour revenir à la diplomatie et obtenir un accord satisfaisant », a ajouté le responsable.
Si cela s’avère impossible, l’espoir est de repousser le programme de plusieurs années.

Zimmt a toutefois averti que cela n’avait pas encore été accompli.
« Pour l’instant, il s’agit d’un délai de six mois à un an, mais certainement pas plus », a-t-il déclaré.
« Il est toujours préoccupant que des stocks d’uranium hautement enrichi soient probablement encore présents dans les installations souterraines d’Ispahan, ainsi que dans l’usine d’enrichissement de Fordo », a déclaré Andrea Stricker, directrice adjointe du programme de non-prolifération de la Fondation pour la défense des démocraties.
« Tant que l’Iran conservera la capacité de fabriquer des armes à partir d’uranium, il restera encore beaucoup à faire », a-t-elle déclaré.
Le facteur Trump
La manière la plus simple de détruire une installation nucléaire est de l’attaquer depuis les airs. Mais Fordo est situé à 90 mètres sous une montagne, ce qui rend cette tâche presque impossible.
Les munitions conventionnelles d’Israël ne peuvent même pas s’en approcher. Les BLU-109 qui ont probablement été utilisés pour éliminer le chef du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui se cachait à 20 mètres sous terre, ne peuvent pénétrer que 2 à 3 mètres de béton armé. Il a fallu des dizaines de bombes de ce type larguées en succession rapide pour atteindre Nasrallah.
La seule munition capable d’atteindre les installations souterraines de Fordo est la GBU-57 Massive Ordnance Penetrator américaine, d’un poids de près de 14 tonnes. Elle peut pénétrer à environ 61 mètres sous la surface avant d’exploser, et ces bombes peuvent être larguées les unes après les autres, creusant ainsi de plus en plus profondément à chaque explosion successive.

Israël n’a pas la possibilité de l’acheter à Washington, car le seul avion capable de le transporter est le bombardier américain B-2.
Ainsi, si Fordo doit être attaqué depuis les airs, il faudra que le président américain Donald Trump prenne la décision d’entrer dans la bataille.
Le président semble indécis, mais de plus en plus ouvert à cette éventualité.
Selon Axios, qui a cité trois responsables américains, Trump devait réunir mardi son équipe de sécurité nationale pour décider de l’implication des États-Unis.

Il « envisage sérieusement » de lancer une frappe américaine, selon le média.
Si le vice-président J.D. Vance et l’aile isolationniste de sa coalition prenaient le dessus, Israël aurait encore d’autres options.
Israël pourrait théoriquement utiliser une arme nucléaire de faible puissance pour détruire le site de Fordo. Mais le premier usage d’une bombe nucléaire sur un champ de bataille depuis 1945 compromettrait la légitimité d’Israël dans sa campagne visant à empêcher l’Iran de se doter d’une telle arme.
Israël pourrait également mener un raid commando, similaire à l’opération des forces spéciales qui avait détruit l’usine souterraine de production de missiles syrienne à Masyaf en septembre 2024.

Leiter semblait évoquer cette possibilité lors d’une interview accordée à ABC News.
« Nous avons plusieurs plans d’urgence… qui nous permettront de traiter le problème de Fordo », avait-il déclaré.
« Tout ne se résume pas à envoyer des avions et à bombarder de loin. »
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