Le plan Trump offre des terres non habitées à des personnes qui n’en veulent pas
Sans aucun préavis, les agriculteurs israéliens à la frontière égyptienne se voient entourés d'enclaves palestiniennes. L'un d'eux demande : est-ce bien sérieux ?
NITZANA – Les dirigeants des implantations ont assisté la semaine dernière au dévoilement du plan de paix du président américain Donald Trump, depuis un hôtel situé à quelques pâtés de maisons de la Maison Blanche.
Ils ont été invités à Washington par le Premier ministre Benjamin Netanyahu et ont été informés par le Premier ministre et les responsables américains du contenu de la proposition, qui envisage l’annexion par Israël de chacune de leurs localités de Cisjordanie (Judée-Samarie).
En revanche, le président du conseil régional de Ramat HaNeguev, Eran Doron, avait la télévision en arrière-plan dans son bureau alors qu’il terminait son travail et n’écoutait qu’à moitié la cérémonie, ne s’attendant pas, de loin, à ce que le plan influence directement les localités qu’il représente le long de la frontière égyptienne.
Mais immédiatement après que Trump et Netanyahu ont terminé leurs interventions dans la salle Est de la Maison Blanche, Washington a publié une « carte conceptuelle » décrivant sa solution à deux États pour résoudre le conflit, à la suite de quoi Doron a été choqué de découvrir que des parties importantes de son conseil régional étaient incluses dans une paire d’enclaves destinées à un futur État palestinien.
Alors que les frontières de ces enclaves semblent avoir été délimitées pour éviter les villages agricoles israéliens eux-mêmes, les habitants ont déclaré au Times of Israel lors d’une visite cette semaine dans la région que c’était à peu près la seule chose que l’administration Trump semblait avoir prise en compte pour tracer les nouvelles enclaves palestiniennes à leurs dépens.
Quant aux Palestiniens à qui les terres sont destinées, leurs dirigeants n’ont pas été en contact avec l’administration Trump depuis que cette dernière a déménagé son ambassade à Jérusalem en 2017. Quoi qu’il en soit, ils ne semblaient pas plus convaincus par la proposition que le président du conseil régional de Ramat HaNeguev ne l’était. Wasel Abu Yousef, membre du comité exécutif de l’OLP [Organisation de libération de la Palestine], a déclaré au Times of Israel que Ramallah ne s’intéresse à rien en dehors de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et de Jérusalem-Est. « Quand on parle d’échange de terres, on ne peut pas dire que les terres du Néguev ont la même valeur que celles de Jérusalem ou de parties cruciales de la Cisjordanie », a-t-il précisé.
Que l’une ou l’autre des parties souhaite ou non donner ou recevoir la terre en question, les habitants ont déclaré que ce qui les frustrait était le sentiment de ne pas avoir été informés sur une question qui affectera considérablement leurs moyens de subsistance.
« Personne ne nous en a parlé. Ni le bureau du Premier ministre, ni la Maison Blanche. À ce jour, je n’ai toujours pas eu de nouvelles de qui que ce soit », a déploré M. Doron mardi, une semaine après le dévoilement du plan.
Dessin à l’échelle
Le manque de communication pourrait être lié au fait que les responsables de Trump eux-mêmes n’ont pas finalisé les détails concernant les enclaves à la frontière égyptienne.
Au-delà du fait que la carte conceptuelle qualifie la réserve du nord de « zone industrielle de haute technologie » et celle du sud de « zone agricole résidentielle », les deux enclaves ne sont mentionnées qu’une seule autre fois dans le plan de 181 pages.
« La Vision … prévoit la possibilité d’allouer aux Palestiniens un territoire israélien proche de Gaza à l’intérieur duquel des infrastructures pourront être rapidement construites pour répondre aux besoins humanitaires urgents de Gaza, et qui permettra à terme la construction de villes palestiniennes prospères qui aideront la population de Gaza à s’épanouir », peut-on lire dans la proposition.
Les deux enclaves sont reliées sur la carte par une fine ligne censée représenter une autoroute les reliant à la bande de Gaza. Cette autoroute s’étend sur près de la moitié de la longueur de la frontière israélo-égyptienne, mais ne touche pas la frontière elle-même, ce qui permet à Israël de garder le contrôle de tous les points de passage vers Gaza et l’Égypte.
Laissé dans l’ignorance par le bureau du Premier ministre et l’administration Trump, le conseil régional de Ramat HaNeguev a établi sa propre carte, à la même échelle que la version américaine, afin de déterminer où se situeraient exactement ses cinq localités frontalières entre les nouvelles enclaves.
La municipalité a découvert que Nitzana et Nitzanei Sinai seraient coupées du reste d’Israël par la route reliant les deux enclaves, que la route traverserait le Moshav Beer Milka et que la localité touristique d’Ezuz serait située à l’intérieur de l’enclave palestinienne du sud.
« Est-ce que cela ressemble à une carte qui a été élaborée par des gens sérieux ? » s’est moqué Yankale Moskovich, le responsable de la recherche et du développement de Ramat HaNeguev. « On dirait que cela a été fait par des gens qui ne connaissent pas la région ».
Un responsable américain s’exprimant sous couvert d’anonymat a précisé dans une déclaration que « la carte est une carte conceptuelle. Les limites ou frontières réelles feront l’objet d’un examen détaillé ».
Mais au-delà du tracé des frontières, les habitants ont fait valoir que les objectifs désignés pour chacune des enclaves témoignent d’une méconnaissance de la topographie de la région. Moskovich a expliqué que si l’enclave nord est constituée de terres qui sont soit déjà utilisées à des fins agricoles, soit prévues pour une telle utilisation par la municipalité, la réserve sud est beaucoup plus vallonnée et n’est pas du tout propice à l’agriculture. Néanmoins, c’est ce dernier morceau qui a été étiqueté comme « résidentiel et agricole » sur la carte des États-Unis.
Néanmoins, l’architecte en chef de la proposition Trump, Jared Kushner, a exprimé sa confiance dans les finalités des enclaves, en déclarant samedi à l’émission d’information égyptienne El Hekaya : « Nous avons l’un des plus grands promoteurs du Moyen-Orient qui, nous l’espérons, annoncera bientôt qu’il nous aidera à réaliser un plan directeur pour les nouvelles adjonctions à Gaza ».
Pas à nos dépens
Mais les plans de Kushner ne semblaient pas intéresser les dirigeants des localités du Conseil régional de Ramat HaNeguev, qui ont demandé au gouvernement de développer la région plutôt que de céder ses terres agricoles et de la cerner des deux côtés par des enclaves palestiniennes.
« C’est la capitale agricole high-tech d’Israël », a clamé la porte-parole Shira Avrahami. Elle a souligné qu’en dépit du fait que seulement 200 familles vivent dans les villes frontalières de Ramat HaNeguev, la municipalité fournit au pays 80 % de ses tomates-cerises, et les éleveurs du monde entier se tournent vers le Conseil régional pour obtenir des informations sur l’agriculture dans le désert.
Avrahami a déclaré que les localités de Ramat HaNeguev assurent également la sécurité d’Israël le long de la frontière égyptienne, où l’armée de l’autre côté a été contrainte de combattre les attaques des combattants de l’État islamique. Alors que le plan Trump prévoit qu’Israël reste maître des points de passage, elle a fait valoir que Tsahal aurait beaucoup plus de mal à le faire si on ne lui attribuait que la mince bande de terre située entre les enclaves palestiniennes et la frontière.
« Oubliez les frontières de 1967. Cela nous ramène à 1947 », a commenté David Palmach, directeur du village éducatif pour jeunes de Nitzana, en référence au plan de partage des Nations unies qui proposait d’inclure le Néguev occidental à l’intérieur de l’État palestinien.
« Une solution pour tous ces avant-postes délirants en Judée et en Samarie [Cisjordanie] ne devrait pas se faire aux dépens du Néguev », a-t-il poursuivi, déplorant que le plan américain représente l’approche opposée à celle du fondateur d’Israël, David Ben Gurion, qui rêvait de peupler le Néguev.
« Cet endroit représente le prochain défi pour le mouvement sioniste », a affirmé M. Palmach, qui a appelé le gouvernement à développer la région.
En se promenant dans le campus de Nitzana, on pouvait entendre au moins cinq langues parlées par les centaines d’adolescents qui y habitent. Le site abrite une académie pré-militaire, une école qui enseigne aux lycéens les énergies renouvelables et le recyclage, un programme pour les jeunes à risque qui ont quitté leur communauté ultra-orthodoxe, des internats pour les Bédouins israéliens et érythréens, et des cours d’hébreu pour les immigrants de l’ex-Union soviétique.
« Finalement, nous avons une région qui n’est pas impliquée dans le carnage du conflit, et maintenant ils veulent transférer une autre nation ici ? », a interrogé M. Palmach de façon rhétorique. Il a fait valoir qu’il serait beaucoup plus difficile de développer Nitzana si elle devait être entourée par les enclaves palestiniennes.
Nous sommes venus ici parce que nous étions en sécurité
La nouvelle de ce plan s’est révélée particulièrement bouleversante pour les habitants de Beer Milka, dont les terres agricoles semblent être situées à l’intérieur de l’enclave palestinienne du nord.
« Il y a tellement d’incertitudes. Serons-nous encore en mesure de faire pousser nos cultures ? Faudra-t-il que je change d’emploi », demande Maya Cherry, assise dans son jardin dans le moshav, face à une vue paisible sur le désert.
Cette mère de quatre enfants s’est installée à Beer Milka il y a huit ans avec son mari pour réaliser un rêve de longue date : cultiver des légumes asiatiques dans le désert.
« Nous sommes venus ici pour cultiver, pour vivre dans la paix et le calme. Nous avons délibérément évité la Ligne verte ou tout ce qui a trait au conflit. Maintenant, tout d’un coup, les journalistes me posent des questions pour savoir si je me prépare à évacuer », rapporte-t-elle.
Elle a reconnu que le plan ne se réaliserait probablement pas, mais a fait valoir qu’elle n’avait pas le luxe de se préparer à cette éventualité. « En fin de compte, c’est de ma maison et de mon gagne-pain dont nous parlons ».
« Nous ne pourrons pas cultiver ici si cela devient une zone de sécurité », a ajouté Mme Cherry.
Risques pour la paix
Plus au nord, le long de la frontière égyptienne, les habitants ont exprimé une appréhension similaire concernant l’accord Trump, mais semblaient plus disposés à en savoir plus.
Comme Ramat HaNeguev, le Conseil régional d’Eshkol verrait également certaines de ses terres agricoles transférées dans l’enclave palestinienne supérieure. Des villes comme Shlomit, Bnei Netzarim et Naveh, où les sirènes d’alerte ont régulièrement retenti ces dernières années en raison des tirs de roquettes de Gaza juste au nord, verraient une enclave palestinienne supplémentaire juste au sud, selon le plan Trump.
Néanmoins, la porte-parole du Conseil régional d’Eshkol, Yifat Lipner, a déclaré que la municipalité était prête à attendre et à voir les détails exacts du plan avant de prendre position.
« Nous n’allons pas réagir sur la base d’une carte diffusée à la télévision », a-t-elle indiqué, ajoutant que le président du Conseil Gadi Yarkoni avait demandé une rencontre avec le conseiller à la sécurité nationale Meir Ben Shabbat.
Yarkoni a également écrit une lettre à Netanyahu dans laquelle le maire d’Eshkol se dit prêt à abandonner des terres agricoles afin de parvenir à un accord de paix bilatéral avec les Palestiniens « qui permettrait une coopération régionale ».
Interrogée pour expliquer la position plus radicale par rapport à ses voisins de Ramat HaNeguev au sud, la porte-parole d’Eshkol a expliqué : « Nous souffrons de la situation à Gaza plus que quiconque, donc s’il y a une réelle possibilité de parvenir à un accord, nous sommes prêts à en payer le prix ».
Néanmoins, Mme Lipner a précisé qu’une explication serait nécessaire de la part du gouvernement israélien à ce sujet.
Le bureau du Premier ministre a refusé de répondre aux demandes de commentaires.
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