Israël en guerre - Jour 366

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Le président de Yad Vashem nuance les comparaisons entre le 7 octobre et la Shoah

Si les associations d'idées sont évidentes, au regard des massacres, Dani Dayan tient à rappeler que le peuple d'Israël bénéfice désormais d'une "armée qui se bat et fait payer le prix au Hamas"

Le chef de Yad Vashem Dani Dayan dans son bureau de Jérusalem, devant une citation de l'artiste assassinée Gela Seksztajn. (Crédit : Alex Kolomoisky/Yad Vashem)
Le chef de Yad Vashem Dani Dayan dans son bureau de Jérusalem, devant une citation de l'artiste assassinée Gela Seksztajn. (Crédit : Alex Kolomoisky/Yad Vashem)

« Je n’accepte pas la comparaison simpliste avec la Shoah même si dans les intentions génocidaires, le sadisme et la barbarie du Hamas, il y a des ressemblances », dit à l’AFP le président du mémorial israélien de la Shoah.

En Israël, traumatisé par les attaques du groupes terroriste palestinien Hamas, Dani Dayan juge les distinctions fondamentales.

« Les crimes qui se sont déroulés le 7 octobre sont du même niveau que les crimes nazis mais ne sont pas la Shoah », explique dans un entretien cet ancien diplomate devenu président de Yad Vashem en 2021.

M. Dayan tient à distinguer les ressorts du génocide du peuple juif pendant la Seconde Guerre mondiale, qui a fait six millions de morts principalement en Europe, de l’attaque sanglante du Hamas qui a fait au moins 1 200 morts en Israël, en majorité des civils.

« Pour tout Juif qui a entendu les histoires des familles mettant la main sur la bouche d’un bébé pour l’empêcher de pleurer, l’association d’idées (avec la Shoah) est évidente, on y a tous pensé », tranche-t-il.

Mais « on ne peut pas comparer avec la période de la Shoah car il y a ici une armée qui se bat et fait payer le prix (de ses crimes) au Hamas ».

Des soldats israéliens enlevant les corps de civils israéliens dans le kibboutz Kfar Azza, près de la frontière entre Israël et Gaza, dans le sud d’Israël, le 10 octobre 2023. (Crédit : Chaïm Goldberg/Flash90)

Ses propos interviennent dans un débat public extrêmement vif. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a lui-même qualifié les massacres de « pire crime commis contre les juifs depuis la Shoah ».

Ecole pour enfants déplacés

Fin octobre, M. Dayan avait critiqué l’ambassadeur israélien à l’ONU Gilad Erdan, qui avait accroché une étoile jaune sur sa poitrine devant le Conseil de sécurité, martelant qu’il la porterait « avec fierté » tant que le Conseil ne condamnerait pas « les atrocités » du Hamas.

« Cet acte déshonore les victimes de la Shoah ainsi que l’Etat d’Israël », avait écrit M. Dayan sur X (ex-Twitter). « L’étoile jaune symbolise l’impuissance du peuple juif et sa dépendance envers les autres. Nous avons désormais un État indépendant et une armée forte. (…) Aujourd’hui, nous accrochons à notre boutonnière un drapeau bleu et blanc, pas une étoile jaune ».

Des délégués israéliens portant des étoiles jaunes de David alors que l’ambassadeur à l’ONU Gilad Erdan s’adresse au Conseil de sécurité, à New York, le 30 octobre 2023. (Crédit : ONU)

Mais une autre déclaration l’a encore plus irrité : le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a affirmé que les massacres du Hamas ne s’étaient « pas produits en dehors de tout contexte », évoquant une « occupation étouffante » des Territoires palestiniens.

Israël s’est unilatéralement retiré de la bande de Gaza en 2005.

« Je lui ai demandé quel contexte pouvait expliquer la décapitation d’enfants, des viols ou des tirs sur des jeunes dans un festival de musique », dit-il.

Le mémorial, créé en 1953, cinq ans après la création de l’Etat d’Israël, est une institution étatique créée pour perpétuer le souvenir de la Shoah.

Depuis le 7 octobre, les séminaires de formation sur l’enseignement de la Shoah ont été annulés. Et Yad Vashem a transformé certains des lieux vides en salles de classe pour 400 élèves évacués du sud d’Israël.

Il a fallu, explique Dani Dayan, « adapter les locaux » à ces petits déplacés. « Nous avons retiré les photos des murs pour ne pas ajouter de traumatismes aux traumatismes ».

Un agent de la sécurité de Yad Vashem se tient devant le Hall des Noms vide du Musée mémorial de la Shoah à Yad Vashem à Jérusalem pendant la crise du coronavirus, le 19 avril 2020. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

« La peur est revenue »

Le mémorial a aussi ses victimes de l’attaque : il est sans nouvelles d’un de ses formateurs, l’Israélo-polonais Alex Dancyg, et d’une de ses guides, Liat Atzili, otages à Gaza.

Leur collègue formateur Shlomo Balsam a expliqué aux jeunes guides refuser lui aussi de comparer le 7 octobre à la Shoah. Mais, dit-il, « j’entends des rescapés dire que ça les renvoie à cette époque, notamment les enfants cachés » durant les massacres perpétrés par le Hamas.

« Il y a des liens entre l’idéologie nazie et celle des islamistes », ajoute ce guide, président d’honneur d’Aloumim, l’association israélienne des enfants cachés en France pendant la Shoah.

Une réunion du groupe de parole de ces enfants cachés, aujourd’hui très âgés, s’est tenue au mémorial récemment. Certains ont évoqué leurs souvenirs de la guerre, d’autres leurs craintes pour les otages ou leur inquiétude pour leurs petits-enfants, soldats combattants dans la bande de Gaza.

Berthe Badehi à Yad Vashem. (Crédit : Marc Israël Sellem / Editions Stock / Autorisation de l’Institut français d’Israël)

« Les enfants otages seuls à Gaza sont comme nous, quand nous avons été abandonnés seuls pendant la guerre », note Meira Bursztejn-Barer, une rescapée de la Shoah.

« La peur que je ressentais à l’époque est revenue », souffle Berthe Badehi, 91 ans, qui avait été cachée en Savoie (sud-est de la France), chez une paysanne, pendant la Seconde Guerre mondiale.

« Mais nous sortirons vainqueurs », ajoute-t-elle, d’une voix déterminée.

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