Le procureur en chef de la CPI a parlé aux rescapés du 7 octobre en Israël
Lors d'un déplacement sans précédent, Karim Khan s'est entretenu avec des proches d'otages et dit qu'ils ont besoin « non seulement d'empathie, mais aussi d'action »
Karim Khan, le procureur en chef de la Cour pénale internationale, s’est rendu en Israël ce week-end à la demande des familles d’otages du Hamas, ce qui est le tout premier déplacement dans ce pays d’un procureur en chef de la CPI.
Khan s’est rendu dans certaines communautés attaquées par le Hamas le 7 octobre dernier, à commencer par le kibboutz Beeri et celui de Kfar Aza, et a écouté les témoignages de rescapés du massacre.
« Je serais hautement incompétent si je ne vérifiais pas les cas d’enfants enlevés dans leur lit et de rescapés de la Shoah pris en otages », a déclaré Khan à Haaretz.
Khan a par ailleurs indiqué que des crimes internationaux avaient probablement été commis. « Il ne s’agit pas de meurtres commis au hasard. Des gens ont été assassinés en raison de leur identité. »
S’agissant des familles qui l’ont invité à venir, Khan a déclaré qu’elles « n’attendent pas seulement de l’empathie, mais aussi de l’action ».
Lors du massacre barbare perpétré par le groupe terroriste du Hamas, le 7 octobre dernier, 3 000 terroristes palestiniens ainsi que des civils gazaouis ont franchi la frontière avec Israël depuis la bande de Gaza, par voie terrestre, aérienne et maritime, tué 1 200 personnes et fait 240 otages de tous âges, le tout sous un déluge de milliers de roquettes tirées sur les villes israéliennes. La grande majorité des personnes tuées par les hommes armés qui se sont emparés des communautés frontalières étaient des civils, bébés, enfants et personnes âgées. Des familles entières ont été exécutées avec une extrême sauvagerie chez elles, et plus de 360 ont été massacrées lors d’un festival en plein air.
Khan a déclaré vouloir travailler avec Israël et l’Autorité palestinienne pour les besoins des enquêtes à venir, tout en précisant qu’une telle coopération n’était pas nécessaire pour mener l’enquête.
Bien qu’il ne soit pas membre de la CPI et nie sa compétence sur la question du conflit israélo-palestinien, Israël a décidé de faire droit à la demande des proches d’otages de s’entretenir officieusement avec Khan. Ce déplacement, qui n’est en rien un changement de la politique israélienne envers la CPI, est peut-être motivé par la crainte qu’une enquête sur les atrocités du 7 octobre n’entraîne davantage d’enquêtes sur les actions israéliennes contre les Palestiniens. Bien qu’Israël ne soit pas membre de la CPI, si des mandats d’arrêt sont émis, ses ressortissants pourraient être interpellés à l’étranger.
Le mois dernier, les familles de neuf victimes israéliennes du massacre du Hamas du 7 octobre ont déposé plainte auprès de la CPI pour crimes de guerre et génocide. Tout individu ou groupe peut porter l’affaire devant la CPI, dont le siège se trouve à La Haye, aux Pays-Bas, mais il relève de la responsabilité du procureur de la Cour d’ouvrir une enquête.
Au cours de son déplacement, Khan s’est entretenu avec le chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, à Ramallah, pour la première fois pour un procureur en chef de la CPI. Il a évoqué avec lui la question d’éventuelles violations du droit international par Israël.
Le procureur a déclaré que son bureau enquêtait sur les allégations de violence des résidents d’implantations en Cisjordanie ainsi que sur d’éventuels crimes de guerre commis par Israël à Gaza depuis le début de la guerre, le 7 octobre.
« Les lois de la guerre doivent être respectées », a déclaré Khan à Haaretz. « La loi ne peut pas être interprétée pour faire que les femmes et les enfants ne bénéficient d’aucune protection. »
Des groupes palestiniens de défense des droits de l’homme ont refusé de s’entretenir avec Khan ce week-end, affirmant que le procureur était plus attentif aux allégations israéliennes de violations des droits de l’homme depuis le 7 octobre.
« En tant qu’organisations palestiniennes de défense des droits de l’homme, nous avons décidé de ne pas le rencontrer », a déclaré à Reuters Ammar Dwaik, directeur général de la Commission indépendante des droits de l’homme (CIDH).
« Je pense que la façon dont cette visite a été gérée montre que M. Khan ne travaille pas de manière indépendante et professionnelle », a-t-il estimé.
En 2019, la CPI a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les crimes de guerre présumés commis par les deux parties pendant le conflit entre Israël et le Hamas en 2014, la politique des implantations israéliennes et la réponse israélienne aux manifestations à la frontière de Gaza. Officiellement ouverte le 3 mars 2021, l’enquête fait l’objet de très vives critiques de la part d’Israël.