« Le procureur général ne devrait pas pouvoir me disqualifier », estime Netanyahu
Le Premier ministre rejette l'autorité des magistrats à statuer sur la question de la capacité d'un député mis en examen à former une coalition ; la cour discutera mardi du sujet
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré dimanche à la Haute Cour de justice qu’il était « inconcevable » que le procureur général Avichai Mandelblit décide de qui serait le prochain Premier ministre.
Dans un courrier adressé à la plus haute instance judiciaire du pays avant l’audience qui se tiendra mardi sur la question de l’éventuelle capacité d’un député mis en examen à former une coalition, Netanyahu a déploré le fait que les inculpations prononcées à son encontre par Mandelblit dans trois affaires de corruption empêchaient le peuple de choisir celui qui serait chargé de le diriger.
« Il est inconcevable qu’un seul responsable public, le procureur général, aussi important soit-il, détermine à la place du public et de ses représentants à la Knesset l’identité de celui qui pourra diriger l’État et celle de celui qui ne le pourra pas », a écrit Netanyahu. « Dans une démocratie, celui qui décide de celui qui prendra sa tête est le peuple – le peuple, et personne d’autre ».
Le Premier ministre répondait à une plainte soumise par l’avocate Dafna Holtz-Lachner au nom de 67 personnalités publiques, universitaires et cadres dirigeants bien connus, qui clame que s’il n’était pas possible de demander à Netanyahu de démissionner, la cour devait statuer malgré tout sur sa capacité à se représenter.
Le Premier ministre a affirmé que la loi autorisait un Premier ministre à se maintenir à ses fonctions jusqu’à ce qu’il soit officiellement reconnu coupable d’un crime et que l’intervention du tribunal – qui pourrait l’en empêcher – serait un abus significatif.
La plainte déclare que l’indulgence dont la loi actuelle fait preuve à l’égard d’un Premier ministre mis en examen ne se réfère qu’à un chef de gouvernement en poste et non à un député cherchant à être nommé au poste (Netanyahu, en tant que chef de gouvernement intérimaire, est dans cette position). Elle pose la question : sur la base de la norme établissant qu’un ministre du cabinet sous le coup d’une inculpation doit démissionner, un député se trouvant dans une situation judiciaire et compromise de la même façon peut-il – en premier lieu – être nommé Premier ministre ?
Dénonçant la plainte, Netanyahu a écrit qu’il s’agissait d’une « tentative visant à entraîner le tribunal dans une sphère qui… ne relève absolument pas de la compétence de cette honorable cour… Et pour cette raison seulement, la plainte doit être immédiatement rejetée ».
Lors d’un entretien accordé dimanche, le ministre du Tourisme, Yariv Levin, a comparé la Haute Cour de justice aux fondamentalistes religieux iraniens, rejoignant ainsi d’autres membres du Likud ayant apporté leur soutien à Netanyahu.
« Ce qui devait être des élections démocratiques est devenu un conseil semblable aux fanatiques islamiques en Iran », a-t-il clamé au micro de la radio militaire. « Le simple fait que cette délibération ait lieu devant la Haute Cour est absolument scandaleux, indépendamment de son résultat ».
L’audience de la plainte mardi se tiendra devant un groupe de trois juges : la magistrate Esther Hayut, présidente de la cour, son adjoint Hanan Melcer et le juge Uzi Vogelman.
La Cour suprême a demandé à Mandelblit de donner un avis juridique sur le dossier, mais ce dernier a répondu qu’il préférait attendre que les magistrats aient rendu leur jugement.
L’appel contre l’éligibilité de Netanyahu survient alors que le Premier ministre accuse les procureurs, les médias et le système judiciaire dans son ensemble d’œuvrer à le déchoir de ses fonctions en utilisant des accusations de corruption mensongères. Mandelblit a annoncé la mise en examen de Netanyahu dans trois affaires de corruption, notamment pour abus de confiance, fraude et pour pots-de-vin dans le dossier le plus grave.
Les déboires judiciaires de Netanyahu sont partiellement responsables d’une impasse politique sans précédent de presque un an qui a entraîné l’organisation d’un troisième scrutin national en onze mois, le 2 mars 2020.
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Les élections se sont imposées après l’échec de ce dernier à former un gouvernement à deux reprises, à la suite des scrutins du 9 avril et du 17 septembre. Son challenger, Benny Gantz, de la formation Kakhol lavan, a été également dans l’incapacité de rassembler une coalition le mois dernier.
Le parti centriste a refusé de rejoindre une majorité dont Netanyahu serait à la tête en tant que Premier ministre mis en examen, ou une coalition qui exigerait de soutenir sa demande d’immunité parlementaire.
Le droit israélien stipule qu’un Premier ministre ne se trouve dans l’obligation de démissionner qu’après sa condamnation pour un crime grave et après épuisement de toutes les possibilités d’appel.
Mais un précédent judiciaire du début des années 1990 et une pratique de longue haleine ont établi une norme plus stricte pour les autres ministres, qui se sont trouvés dans l’obligation de démissionner de leurs postes – au moins temporairement – une fois leurs mises en examen annoncées.
De plus, dimanche, Netanyahu a déclaré aux militants du Likud que réclamer l’immunité face à des poursuites judiciaires n’était pas antidémocratique, mais plutôt « une pierre angulaire de la démocratie ».
Le Premier ministre a fait savoir qu’il annoncerait s’il chercherait à obtenir une immunité face aux mises en examen pour corruption énoncées à son encontre dans les quarante-huit heures. Il doit le faire dans les prochains jours, sous peine de perdre le droit de la demander. Même si sa requête est loin d’être sûre d’obtenir une majorité à la Knesset, le simple fait de procéder à cette démarche pourrait retarder le procès pendant des mois.
Sa demande devra être prise en compte par la Commission de la Knesset avant d’être votée en plénière – mais en raison de l’absence d’un gouvernement dûment élu et dans le contexte d’impasse politique qui frappe le pays, avec de nouvelles élections nationales prévues en mars, la Knesset ne pourra réexaminer et prendre une décision sur une éventuelle immunité qu’après la formation d’une coalition – si elle se forme – à l’issue du vote du 2 mars.