Le rabbin Gershon Edelstein, architecte et gardien des liens entre haredim et laïcs
En plus de son dévouement pour l'éducation ultra-orthodoxe, le rabbin s'est retrouvé à la tête de la politique des Juifs ashkénazes et défendait la coexistence et l'esprit pratique
Célèbre chef spirituel des Juifs ultra-orthodoxes ashkénazes, le rabbin Gershon Edelstein, décédé mardi à l’âge de 100 ans, était l’un des principaux défenseurs du compromis et de la coexistence dans un contexte marqué par le creusement constant d’un fossé entre les Israéliens religieux et laïques.
Chef de la yeshiva de Ponevezh, basée à Bnei Brak, et l’un des principaux guides spirituels du parti Yahadout HaTorah, le rabbin Edelstein était un pragmatique qui s’efforçait d’encourager les haredim, et en particulier les communautés ashkénaze-litvak (lituanienne) qu’il dirigeait, à adopter une attitude conciliante et à éviter la confrontation avec les autorités israéliennes sur divers sujets.
En interne, il s’est efforcé de renforcer le système éducatif haredi et de combler les fossés qui ont polarisé la communauté juive lituanienne au cours des dernières décennies. Il a prôné une pédagogie bienveillante, demandant aux enseignants des ‘heder – jardins d’enfants et écoles primaires du système éducatif haredi – de s’abstenir de crier ou d’intimider les élèves, selon un portrait publié dans le quotidien Israel Hayom en 2017.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
À l’échelle nationale, il a toujours œuvré en faveur de la coexistence avec les Israéliens laïcs et les autorités, et parlait favorablement du sacrifice consenti par les Juifs laïcs en faveur du peuple juif.
Dans une décision qui restera dans les annales, le rabbin Edelstein avait déclaré à propos des laïcs que « s’ils donnent leur âme pour sauver les autres par amour pour les autres, ils ont une place dans l’au-delà, tout comme les martyrs de Lod », en référence à une histoire bien connue du Talmud sur le sacrifice de soi pour la sanctification du nom de Dieu.
Certains considèrent que cette décision a permis aux jeunes de la communauté haredi de s’engager dans l’armée.
Dans ses écrits et ses décisions, Edelstein attribuait le non-respect des lois religieuses à l’ignorance et à l’erreur plutôt qu’à la méchanceté invoquée par certains dirigeants haredi plus radicaux.
En 2017, Edelstein a été désigné pour remplacer feu le rabbin Aharon Yehuda Leib Steinman à la tête de la majorité de ce que l’on appelle communément le courant litvak, fort de plusieurs centaines de milliers de personnes, dont la plupart vivent à Jérusalem et à Bnei Brak, et qui est une composante majeure et politiquement influente de la communauté haredi.
Edelstein, qui est né dans une famille de rabbins et de rebbetzin dans l’ouest de la Russie et qui a immigré dans l’Israël d’avant l’État en 1934, n’était pas un politicien né, et a préféré, pendant la plus grande partie de sa vie, se concentrer sur l’éducation haredi et la halakha, la loi juive orthodoxe. Mais au fur et à mesure que la santé du rabbin Steinman se détériorait, le rabbin Edelstein a progressivement repris les tâches de son prédécesseur, et est devenu un leader en matière de politique et de stratégie politique pour sa communauté.
Les analystes estiment que sa mort sera un coup dur pour la communauté et les traditions qu’il représentait.
« Le rabbin Gershon Edelstein était l’unique chef de la communauté ultra-orthodoxe lituanienne et le chef dominant de la communauté ultra-orthodoxe jusqu’à sa mort à l’âge de 100 ans », a déclaré Gilad Malach, directeur du programme des ultra-orthodoxes en Israël de l’Institut israélien de la démocratie.
« Le style de leadership du rabbin Edelstein alliait une attitude modérée à l’égard de l’État d’Israël à une position déterminée en faveur de la continuité du ‘monde de la Torah’. Avec sa disparition, pour la première fois depuis de nombreuses années, la communauté lituanienne ultra-orthodoxe se retrouve sans leader clair pour la guider dans une période de changement et de troubles potentiels », a-t-il déclaré.
« Ce n’est jamais un bon moment pour qu’un homme aussi vertueux nous soit enlevé, mais s’il y a eu un moment où nous avons eu besoin d’une figure comme le rabbin Edelstein, s’il y a eu un moment où nous ne pouvions pas nous permettre une telle perte, c’est maintenant », a écrit Yemima Mizrachi, une influente femme orthodoxe, conférencière et avocate, dans son éloge funèbre du rabbin Edelstein.
« À une époque de terribles divisions, où beaucoup considèrent les gens qui sont simplement différents d’eux comme l’incarnation du mal, le rabbin Edelstein a brillé par son amour du prochain, son attention à chaque étudiant, à chaque problème qui lui était présenté et à chaque personne qu’il voyait ».
Son rôle de pont entre les haredim et les laïcs se reflète dans la diversité des hommages rendus dans les minutes qui ont suivi son décès, et dans la chaleur de leur ton.
Le président israélien Isaac Herzog, en visite en Azerbaïdjan, a salué dans un communiqué la mémoire d’un « dirigeant spirituel de premier plan, dont la connaissance de la Torah (…) a influencé notre génération et influencera les générations futures ».
Le leader de Yahadout HaTorah et ministre du logement Yitzhak Goldknopf, a publié un message dans lequel on pouvait lire : « Avec toute la maison d’Israël, ses nombreux étudiants et ceux qui chérissent sa mémoire, je pleure amèrement la disparition du grand Maran HaGaon Rabbi Gershon Edelstein, de mémoire bénie et pieuse ».
Edelstein « était entièrement tourné vers la Torah et le respect de Dieu, il s’est battu courageusement pour le peuple saint d’Israël et l’observance du Shabbat, il était un vestige d’une génération de pensée qui a eu l’honneur de former des milliers d’étudiants, et il accueillait chaleureusement chaque personne qui s’adressait à lui pour des conseils et de la sagesse », a-t-il ajouté.
Aryeh Deri, qui dirige le parti haredi Shas, dont la base électorale est essentiellement composées d’ultra-orthodoxes séfarades, a tweeté « Malheur au navire qui a perdu son capitaine » et a regretté le décès d’Edelstein, « le cœur choqué et affligé ».
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel