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Le rôle du Qatar dans la bande de Gaza du Hamas

L'omniprésence de l'émirat dans l'enclave place l'Autorité palestinienne de plus en plus au second plan, crée sur des liens avec l'État juif et divise les sunnites de la région

Le Palais de Justice à Gaza City, constuit et financé par le Qatar, le 19 novembre 2018. (Crédit ; MAHMUD HAMS / AFP)
Le Palais de Justice à Gaza City, constuit et financé par le Qatar, le 19 novembre 2018. (Crédit ; MAHMUD HAMS / AFP)

Au bout d’une piste de sable, l’imposant palais de justice de Gaza tout juste sorti de terre matérialise l’emprise du Qatar sur l’enclave palestinienne.

Le tribunal est le dernier projet en date financé par le petit émirat du Golfe à Gaza, où son influence grandissante a été mise en cause par l’ex-ministre israélien de la Défense Avigdor Liberman, qui a démissionné le 14 novembre, fragilisant la coalition gouvernementale.

Cette démission fait notamment suite à l’autorisation donnée par le gouvernement israélien au Qatar de délivrer 15 millions de dollars (13 millions d’euros) en liquide pour payer les salaires des membres du mouvement terroriste islamiste palestinien du Hamas.

Liberman a surtout contesté le cessez-le-feu conclu indirectement entre Israël et les groupes gazaouis pour mettre fin à la plus grave confrontation dans la zone depuis la guerre de 2014. Le Qatar passe pour être également intervenu dans ces tractations.

Avigdor Liberman annonce sa démission du portefeuille de la Défense au cours d’une conférence de presse à Jérusalem, le 14 novembre 2018 (Crédit : Yonatan Sindel/FLASH90)

Mais la démission de Liberman ne devrait pas affecter le rôle du puissant émirat dans l’enclave.

« Le rôle du Qatar à Gaza est important stratégiquement pour Israël », estime Sigurd Neubauer, spécialiste du Moyen-Orient basé à Washington. Cela lui permet de renforcer « des liens avec un Etat du Golfe avec lequel il n’entretient pas de relations diplomatiques formelles ».

A lire : Israël et le Qatar annoncent un accord entre Chypre et la bande de Gaza – média

Jouer les intercesseurs entre Gaza et Israël permet aussi à Doha, soumis à un blocus de la part de ses voisins arabes du Golfe depuis 2017 en raison de son rapprochement avec l’Iran, de se faire entendre sur la scène régionale.

« Merci au Qatar »

Ces dernières semaines, le Qatar a permis d’alléger les restrictions imposées par Israël à Gaza depuis plus de dix ans.

En plus de contribuer à payer le Hamas, il a financé des livraisons de fioul ayant spectaculairement augmenté l’approvisionnement en électricité du territoire éprouvé où les coupures sont trop fréquentes.

Mais les centaines de millions de dollars qataris façonnent depuis plus longtemps une partie du paysage gazaoui : la promenade le long de la mer dans la ville de Gaza, la route à quatre voies traversant l’enclave du nord au sud ou le tribunal inauguré en septembre ont tous été financés par l’émirat.

A l’entrée de l’hôpital al-Thani dans la ville de Gaza, les portraits de l’émir du Qatar et de son père rappellent aux visiteurs qui a mis la main à la poche.

Plus au sud, à Khan Younès, le Qatar a construit un ensemble de 3 000 logements, baptisé « la ville Hamad », du nom de l’ancien émir. Au milieu d’immeubles flambant neufs se trouvent des jardins, des écoles et une mosquée.

Les immeubles résidentiels construits et financés par le Qatar à Gaza, le 20 novembre 2018. (Crédit : SAID KHATIB / AFP)

« Avant, la maison de mon fils faisait 70 mètres carrés », explique Aitaf Aouda, dans son salon lumineux. Désormais, les sept membres de la famille vivent dans 130m2. « Il y a un jardin, les rues sont belles », se réjouit-elle. « Les enfants ne sont plus bloqués à la maison ».

Près de chez eux, le vendeur d’une échoppe située à côté de la mosquée l’a baptisée « Merci au Qatar ».

Subtil équilibre

L’alliance entre le Qatar et le Hamas s’appuie sur une proximité idéologique, l’émirat et le mouvement islamiste s’inspirant tous deux des Frères musulmans, mais surtout sur des intérêts communs.

Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, à droite, l’émir du Qatar, Tamim ben Hamad Al Thani, au centre, et le dirigeant du Hamas Khaled Meshaal à Doha, le 21 août 2014. (Crédit : Thaer Ghanem/PPO/AFP)

Plusieurs figures du Hamas ont trouvé refuge au Qatar, dont son ancien dirigeant Khaled Meshaal. Et environ 100 000 Palestiniens y vivent.

« Le Qatar a toujours vu la question palestinienne, et plus spécifiquement son rôle de lien avec le Hamas, comme un moyen d’être utile aux Américains », explique Tobias Borck, chercheur associé au Royal United Services Institute, un centre de réflexion britannique.

Même si son lien privilégié avec le mouvement lui a été un temps préjudiciable : en juin 2017, lorsque ses voisins ont rompu leurs relations diplomatiques avec lui, ses liens avec le groupe palestinien -considéré comme une organisation terroriste par les Etats-Unis, l’Union européenne ou le Canada – a été utilisé pour le discréditer.

Le message des Emirats arabes unis et de l’Arabie saoudite auprès de l’administration Trump « était que le Qatar soutenait le Hamas, soit en d’autres termes le terrorisme », selon M. Neubauer.

Doha semble avoir réussi à convaincre Washington qu’il pouvait au contraire être un acteur clé pour contenir le Hamas.

Ces dernières semaines, en négociant avec lui tout en contournant l’Autorité palestinienne (AP) internationalement reconnue, les Nations unies, Israël et l’Egypte ont renforcé l’émirat dans son rôle d’intercesseur.

Officiellement, le Qatar et Israël n’ont pas de relations diplomatiques même si des liens existent depuis plus de vingt ans, l’Etat hébreu ayant eu une représentation commerciale dans l’émirat.

Il est peu probable que des contacts officiels soient établis, mais « la relation va continuer », assure M. Neubauer.

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