L’épouse de Marwan Barghouti lance une campagne internationale pour sa libération
Sur fond de mécontentement envers Abbas et de lutte imminente pour lui succéder, le terroriste détenu en Israël pour attentats meurtriers serait, selon beaucoup de Palestiniens, le candidat idéal
Rencontrant le ministre des Affaires étrangères jordanien à Amman la semaine dernière, Fadwa Barghouti, l’épouse du terroriste palestinien emprisonné Marwan Barghouti, a annoncé le lancement d’une campagne internationale pour la libération de son mari.
La campagne, intitulée « Liberté pour Marwan Barghouti, le Mandela de la Palestine », devrait être lancée en Europe, en Amérique latine et en Afrique du Sud par des « groupes de solidarité » dans les mois à venir. Elle vise à faire pression sur la communauté internationale pour obtenir la libération d’un des chefs du Fatah, arrêté par Israël en 2002 et qui purge actuellement cinq peines de prison à vie pour avoir planifié trois attentats terroristes pendant la deuxième Intifada, lesquels ont coûté la vie à cinq Israéliens.
Lors de la réunion, le ministre des Affaires étrangères jordanien, Ayman Safadi, a réitéré le soutien de la Jordanie à la cause palestinienne et a exprimé sa reconnaissance pour « la lutte et les sacrifices » de son mari.
Le voyage de Fadwa Barghouti à Amman est la dernière étape d’une tournée de lobbying qui l’a menée au Caire il y a deux semaines pour rencontrer le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmad Abu al-Ghait, et au cours de laquelle elle a rencontré le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Shoukry, en mars, ainsi que le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Michael Bogdanov.
Les partisans de Barghouti au sein du Fatah ont déclaré au quotidien Haaretz (lien en hébreu) que la seule chance de le faire sortir de prison était d’exercer une pression internationale sur Israël, étant donné qu’aucun accord d’échange de prisonniers n’est à l’ordre du jour ; d’où la tournée de Fadwa Barghouti pour faire pression sur la communauté internationale afin de la mobiliser.
Marwan Barghouti, 64 ans, est souvent présenté comme l’un des principaux candidats pour succéder à Mahmoud Abbas, déjà âgé de 88 ans, à la tête de l’Autorité palestinienne (AP). Il est particulièrement apprécié par la nouvelle génération, qui le perçoit comme n’étant pas souillé par la corruption au sein de l’AP et comme quelqu’un qui n’a jamais collaboré avec Israël. La dernière série de réunions organisées par son épouse visait à consolider le soutien international à son éventuelle candidature.
Selon un récent sondage réalisé par le Palestinian Center for Policy and Survey Research, Marwan Barghouti aurait une large avance sur les candidats de son propre parti, le Fatah, ainsi que sur le chef du Hamas, Ismail Haniyeh, ce qui fait de lui un candidat de choix pour une grande partie de l’électorat palestinien.
Les Palestiniens n’ont pas eu d’autre dirigeant que Mahmoud Abbas depuis qu’il a pris le pouvoir en 2004 après le décès de Yasser Arafat, même si son mandat a officiellement expiré en 2009. Les élections prévues pour 2021 avaient été annulées par le chef de l’AP, sous prétexte qu’Israël aurait refusé d’autoriser les Palestiniens de Jérusalem-Est à voter. Selon les observateurs, Abbas a évité de tenir des élections pendant des années par crainte de subir une défaite.
La question de savoir qui remplacera le président vieillissant est débattue depuis des années dans les cercles locaux, régionaux et internationaux. Tout le monde s’accorde à dire que le choix du successeur se fera à l’intérieur du mouvement du Fatah.
Israël et les États-Unis ont un intérêt évident dans le résultat de ce choix et ont exprimé une nette préférence pour Hussein al-Sheikh, 61 ans, une figure plus modérée et plus pragmatique que Barghouti, plus belliqueux. Al-Sheikh a gravi rapidement les échelons de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et a été nommé en 2022 secrétaire général du comité exécutif de l’OLP.
Mais de nombreux Palestiniens considèrent al-Sheikh comme un agent de l’occupation israélienne, en raison de ses liens étroits avec des responsables israéliens.
Un autre favori est Mahmoud Aloul, 73 ans, vice-Président du Fatah. Il est considéré comme faisant partie de la vieille garde du leadership palestinien et devrait poursuivre les mêmes politiques et stratégies qu’Abbas, à savoir la « résistance populaire » et non la « lutte armée », selon Bishara Bahbah, vice-président du Conseil américano-palestinien, basé à Washington.
Les candidats de second rang à la direction comprennent le général de division Jibril Rajoub, 69 ans, secrétaire général du comité central du Fatah ; Majed Faraj, 61 ans, chef du service des renseignements généraux ; l’actuel Premier ministre Mohammed Shtayyeh, 65 ans ; et Mohammed Dahlan, 61 ans, ancien chef du Fatah et ministre de la Sécurité exilé aux Émirats arabes unis après s’être brouillé avec Abbas. Chacun des candidats dispose de son propre réseau de partisans dans les territoires palestiniens.
L’AP et le Hamas ont convenu, lors de deux réunions récentes en Turquie et en Égypte, d’entamer un processus de réconciliation en vue de former un gouvernement d’unité. Ces déclarations concluantes n’ont toutefois pas été suivies d’une feuille de route concrète et, selon certains commentateurs palestiniens, il est peu probable qu’elles aboutissent à des résultats tangibles.
Les observateurs sont unanimes : si aucune décision sur un successeur n’est prise au sein du Fatah et entre les factions palestiniennes avant la disparition d’Abbas, la Cisjordanie risque de sombrer dans le chaos, avec des milices armées concurrentes luttant les unes contre les autres pour la suprématie.