Les banques palestiniennes et arabes devront bloquer les comptes de terroristes
Un décret militaire israélien doit entrer en vigueur samedi, lequel rendra les banques responsables des versements de l'AP aux responsables d'actes terroristes et à leurs familles
Au moins une banque opérant en Cisjordanie a bloqué l’accès aux comptes de Palestiniens condamnés pour des crimes terroristes, quelques jours avant qu’un décret militaire israélien imposant des sanctions aux banques pour avoir récompensé financièrement le terrorisme ne prenne effet, selon un quotidien et un groupe de suivi, ce qui a incité l’Autorité palestinienne à former un comité pour lutter contre la mesure israélienne.
De nombreux Palestiniens ayant purgé une peine dans les prisons israéliennes pour des crimes terroristes se sont plaints ces derniers jours de ne pas pouvoir accéder à leurs comptes bancaires pour recevoir les allocations mensuelles versées par l’Organisation de libération de la Palestine, et se sont vu dire de changer de banque s’ils voulaient continuer à les recevoir, a rapporté Haaretz jeudi.
Israël tente depuis longtemps de mettre un frein aux centaines de millions de dollars d’allocations versées aux Palestiniens condamnés pour des infractions à la sécurité – ou à leurs proches. Cette politique encourage le terrorisme, selon Jérusalem. Ramallah s’est engagé à poursuivre ces paiements, les décrivant comme une forme de protection sociale et de compensation face à ce qu’il prétend être un système de justice militaire injuste.
Selon Haaretz, au moins un prisonnier libéré de Bethléem a indiqué que la Cairo Amman Bank, basée en Jordanie, lui avait dit qu’il devait fermer son compte et le transférer ailleurs.
Des informations similaires ont été rapportées jeudi par le groupe de surveillance Palestinian Media Watch (PMW), basé en Israël, qui a cité divers journaux palestiniens et internationaux en langue arabe rapportant que d’autres institutions financières de Cisjordanie prenaient les mêmes mesures.
D’après PMW, la législation israélienne, destinée à empêcher l’Autorité palestinienne d’encourager les attentats terroristes, doit entrer en vigueur samedi.
La nouvelle ordonnance militaire, signée en février, applique des parties importantes de la loi anti-terroriste israélienne à la Cisjordanie. La loi stipule que toute personne ou organisme qui apporte une aide financière à quiconque, dans le but de faciliter, de faire avancer, de financer ou de récompenser des infractions liées au terrorisme, commet un crime passible d’une peine pouvant aller jusqu’à dix ans de prison et d’une amende.
Israël a précédemment déduit la valeur totale présumée de ces allocations des recettes fiscales qu’il perçoit au nom de l’AP et qu’il lui reverse, ce qui a provoqué une longue impasse avec Ramallah.
Treize banques opèrent dans les zones de Cisjordanie régies par l’Autorité palestinienne. Sept d’entre elles appartiennent à des Palestiniens, cinq sont jordaniennes et une est égyptienne.
PMW a déclaré le 20 avril avoir envoyé aux banques une lettre d’avertissement concernant la nouvelle législation, signée par son directeur Itamar Marcus et le responsable des stratégies juridiques du groupe, l’avocat Maurice Hirsch, ancien directeur du parquet militaire de l’armée israélienne en Cisjordanie.
« Si votre banque possède des comptes de terroristes emprisonnés […], vous devez ordonner le gel immédiat de ces comptes », a averti la lettre, qui a également été envoyée en arabe.
Si elles n’obtempèrent pas, la lettre note que « la banque est susceptible d’être considérée comme un organisme qui a apporté un soutien matériel au terrorisme, avec toutes les conséquences que cela implique, y compris des poursuites civiles pour indemniser les victimes d’actes terroristes ».
Un porte-parole du gouvernement de l’AP, Ibrahim Melhem, a fait savoir jeudi dans un communiqué repris par l’agence de presse officielle Wafa que le Premier ministre Mohammad Shtayyeh avait chargé les responsables concernés de former un comité pour « étudier les menaces israéliennes contre les banques qui fournissent des services aux familles des prisonniers et des martyrs, et pour émettre les recommandations nécessaires pour y faire face ».
Le comité comprendra le ministre des Affaires des prisonniers de l’AP, et des représentants de l’association des banques et du ministère des Finances, selon Wafa.
Ibrahim Melhem a ajouté que le gouvernement « confirme son refus de se soumettre aux pressions israéliennes » et continuera à effectuer les paiements aux condamnés pour terrorisme et à leurs familles, quelles que soient les pressions.
Qadura Fares, qui dirige le Club des prisonniers palestiniens de l’Organisation de libération de la Palestine, a confirmé à Haaretz que son organisation avait reçu des plaintes concernant des banques refusant de servir des condamnés pour terrorisme libérés.
Qadura Fares a fait valoir que la fermeture des comptes bancaires était une mesure extrême qui porterait préjudice à quelque 11 000 familles recevant les allocations.
« Une telle mesure draconienne signifie une condamnation à mort pour de nombreuses familles, pour lesquelles cette allocation est le seul tube respiratoire financier », a-t-il dénoncé.
Il a exhorté les dirigeants de l’AP à empêcher d’autres banques de prendre des mesures similaires.