Les députés ultra-orthodoxes s’intéressent au vote des fidèles d’Eliezer Berland
Le vice-ministre de l'Education a été vu parlant au rabbin délinquant sexuel ; les factions de l'ex-Yahadout HaTorah nient vouloir rallier le soutien de la communauté messianique
Marissa Newman est la correspondante politique du Times of Israël
Les parlementaires ultra-orthodoxes ont démenti lundi être en négociation avec les membres de la communauté Shuvu Bonim dirigée par le délinquant sexuel Eliezer Berland pour obtenir leur soutien lors des élections du mois d’avril.
Ce démenti est survenu après que des enregistrements ont refait surface, laissant entendre le leader de la formation Agoudat Israël, Yaakov Litzman, et Meir Porush, du même parti, s’entretenir avec un conseiller de Berland au sujet de ce qui semble être un accord politique en amont des élections municipales de Jérusalem.
Il survient également quelques jours après que Porush, actuel vice-ministre de l’Education, a été photographié auprès du chef religieux tombé en disgrâce, un cliché qui a suscité l’indignation.
Dans une interview diffusée jeudi à la radio, le vice-ministre de la Santé Litzman a qualifié le groupe hassidique marginal de « très important » et indiqué que les politiciens se battaient, à juste titre, pour obtenir son soutien – en insistant sur le fait qu’il ne l’a lui-même jamais fait.
Après avoir échappé à une arrestation pendant trois ans, Eliezer Berland, 80 ans, avait été condamné à 18 mois de prison en novembre 2016 pour deux cas d’attentat à la pudeur et un autre d’agression, dans le cadre d’un arrangement judiciaire. Il avait été libéré après cinq mois de détention, en partie en raison de son état de santé.
Depuis, Berland et sa communauté Shuvu Bonim ont été mis à l’écart par un grand nombre de membres de la communauté ultra-orthodoxe, même si les politiciens haredim l’ont rencontré à plus d’une occasion.
Au mois d’avril 2017, suite à la libération de prison de Berland, le leader de Yahadout HaTorah, Litzman, lui avait rendu visite à l’hôpital et le député ultra-orthodoxe Menachem Eliezer Mozes s’était rendu dans les institutions de Shuvu Bonim, promettant une augmentation du financement de la communauté. Porush était allé voir Berland en détention en 2016.
Au début de la semaine, Porush a été photographié en train de discuter avec Berland au mariage de l’arrière-petit-fils de ce dernier à Beit Shemesh, suscitant l’indignation.
Mardi, la chaîne Hadashot a diffusé un enregistrement indiquant des négociations entre Litzman, Porush et un conseiller de Berland, avant les élections municipales de Jérusalem, au mois d’octobre. Les politiciens discutaient du soutien apporté par les fidèles du rabbin à un candidat Haredi en échange d’une réhabilitation de l’image publique dégradée du chef spirituel.
Le parti Yahadout HaTorah est constitué de deux factions, le mouvement ultra-orthodoxe Agudath Israel et la formation lituanienne Degel HaTorah. Les partis se sont présentés séparément aux élections locales, une rivalité que les fidèles de Berland ont apparemment utilisé pour accorder leur soutien politique en échange d’une réhabilitation (L’alliance de YaHadout HaTorah s’est scindée en deux parties cette semaine qui ont néanmoins souligné que cette séparation n’était qu’une « mesure de procédure » et n’empêchait pas une réunion en vue des élections du 9 avril).
Selon le reportage diffusé à la télévision, Berland a cherché l’acceptation des rabbins ultra-orthodoxes et réclamé une séance photo avec ces derniers – une nouvelle tentative visant à mettre un terme à son statut de paria au sein de la communauté haredi. Litzman et Porush, inquiets des répercussions publiques, ont semblé réticents à l’idée de souscrire à cette proposition.
La proposition n’a apparemment pas eu de suite, et Shuvu Bohim a finalement soutenu une liste indépendante au premier tour des élections municipales de Jérusalem. Berland a ensuite appuyé le candidat favori de Shas au second tour, Moshe Lion, après que le chef de la formation, Aryeh Deri, a envoyé plusieurs conseillers se faire photographier aux côtés du rabbin, selon le reportage.
Mais les enregistrements ont néanmoins souligné que les contacts continuaient entre les politiciens ultra-orthodoxes au sein du gouvernement et l’ombrageuse communauté hassidique de Bratslav désignée comme culte.
« Je suis venu voir Berland en prison et on m’a condamné, j’ai eu des plaintes de la part de femmes laïques », dit Porush dans les enregistrements réalisés cet automne au conseiller de Berland, se référant apparemment aux militantes féministes. « Après, je suis allé rendre visite à Berland à l’hôpital. Cela ne m’a pas gêné. Je savais pourquoi il était allé en prison : Est-ce que cela m’avait ennuyé ? », ajoute-t-il.
Porush n’a pas fait de commentaires publics sur ces enregistrements et sur sa présence au mariage. Mais dans des interviews diffusées jeudi, les membres de son parti ont affirmé qu’il n’avait pas de contacts avec Shuvu Bonim.
S’exprimant au micro de la radio militaire jeudi, le chef d’Agudath Israel, Yaakov Litzman, a insisté : « Je n’ai pas parlé à Berland », a-t-il déclaré, avant d’ajouter qu’il n’avait « pas négocié avec ses conseillers ».
« Tout le monde veut les votes de cette communauté. C’est une communauté très importante, tous ces gens autour de Berland, et ils veulent très certainement leur soutien et je les respecte », a affirmé le vice-ministre de la Santé. Il est difficile de comprendre si Liztman parlait de respecter ceux qui cherchaient les votes des fidèles de Berland ou de la communauté elle-même.
Litzman a aussi défendu une visite faite à l’hôpital à Berland, au mois d’avril 2017, disant qu’elle avait été exclusivement conforme à son devoir en tant que vice-ministre de la Santé.
« On doit faire la distinction entre ce qu’il a fait – s’il l’a fait – et la médecine… et sa santé », a expliqué Litzman, se référant à Berland.
A l’époque, Litzman avait souligné que sa visite ne visait pas à « légitimer les accusations graves pesant sur Berland ». Il avait rejeté les affirmations que cette visite ait été une insulte aux victimes de Berland et avait ajouté présenter ses excuses si elle avait été comprise en tant que telle.
Le député Yaakov Asher — qui fait partie de la formation Degel HaTorah – a expliqué jeudi qu’il n’avait pas eu connaissance des négociations de Porush. Il a maintenu que le parti ne cherchait pas l’appui politique des partisans de Berland.
« Si vous nous demandez si nous – Degel HaTorah ou Yahadout HaOrah – sommes en contact avec ce groupe ou d’autres comme lui, la réponse est non », a dit Asher.
Mais il a également précisé à la radio que « derrière un homme, il y a aussi une communauté », ajoutant que les politiciens ne se détourneraient pas d’un individu simplement parce qu’il « est le hassid (fidèle) de quelqu’un » comme Berland.
Le chiffre exact de membres formant la communauté Shuvu Bonim est difficile à déterminer. Les activistes anti-Berland l’estiment dorénavant à 200-300 familles et les conseillers du rabbin disent que 800 à 1000 familles forment aujourd’hui le groupe.
Longtemps considéré comme un chef de culte par des milliers de ses disciples du mouvement hassidique Breslev, Berland avait fui Israël en 2013 après avoir été accusé d’avoir agressé plusieurs de ses disciples femmes, dont une mineure.
Selon l’acte d’inculpation, Berland recevait souvent dans ses maisons de Jérusalem et de Beitar Illit pour des rencontres privées où il donnait des conseils spirituels ou des bénédictions. Le rabbin profitait parfois de ces rencontres et de sa position dans la communauté pour avoir des relations sexuelles avec des femmes, y compris des mineures.
Il avait réussi à échapper aux autorités jusqu’en 2016, évitant plusieurs tentatives d’extradition israéliennes. Il avait déménagé au Zimbabwe, en Suisse, aux Pays-Bas et en Afrique du Sud, accompagné d’un groupe de fidèles soutiens d’environ 40 familles. Berland avait été arrêté à son arrivée à l’aéroport international Ben-Gurion au mois de juillet 2016.
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.