Les Haredim ne sont plus qu’une question politique : l’état de préparation de Tsahal en dépend
Au cours de l'année écoulée, le chef sortant du Directorat des Ressources humaines a consacré l'essentiel de son temps à une diplomatie discrète avec des rabbins... en vain
Après près de cinq ans à la tête du Directorat des Ressources humaines de l’armée israélienne, le général de division Yaniv Asor quittera bientôt ses fonctions et attendra la prochaine série de nominations au sein de l’état-major général. Asor possède un avantage significatif sur de nombreux autres généraux : bien qu’il fasse partie de l’état-major depuis plusieurs années, il n’a pas été directement impliqué dans les décisions opérationnelles avant le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël.
Asor, qui a gravi les échelons de l’armée au sein de la Brigade Golani, a longtemps été sur la ligne de front opérationnelle, commandant le 51ᵉ bataillon, l’unité Egoz, la Brigade Golani et la division du plateau du Golan. Les anecdotes sur ses années en tant que jeune commandant de compagnie dans les années 1990 dans la zone de sécurité du sud du Liban, où il aurait connu chaque vallée et chaque colline mieux que la plupart des officiers de renseignement du commandement, sont légion.
Il a commandé le 51ᵉ bataillon lors de la féroce bataille de 2006 dans la ville de Bint Jbeil, au sud du Liban, où son adjoint, le major Roï Klein, a sauté sur une grenade pour sauver ses soldats et a été tué.
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Cette bataille, l’une des plus éprouvantes de la Deuxième Guerre du Liban, au cours de laquelle huit soldats ont été tués et des dizaines d’autres blessés, reste gravée dans la mémoire d’Asor. Le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah était bien préparé, et les troupes Golani se sont retrouvées prises dans une embuscade planifiée et fortement désavantagées. Dans ces conditions, l’évacuation des blessés était impossible et certains ont succombé à leurs blessures. Asor n’a jamais cessé de porter ce poids sur ses épaules.
Son mandat à la tête du Directorat des Ressources humaines est le plus long qu’il ait eu à assumer et le premier qu’il ait eu en dehors de la sphère opérationnelle. Ce n’est pas une mauvaise chose ; cela semble lui avoir donné une perspective différente sur l’armée – ou plus précisément, sur ce à quoi elle devrait ressembler après la fin de la guerre actuelle.
Au cours de l’année écoulée, Asor a maintenu un ton mesuré dans ses conversations avec ses collègues et ses amis. Cependant, entre les lignes, il y avait une critique et une déception perceptibles concernant le manque de compréhension de l’échelon politique et de la bureaucratie gouvernementale à l’égard des besoins de Tsahal.
Renforcer les rangs
La principale tâche d’Asor au cours de l’année écoulée a été, sans surprise, de renflouer les rangs.
L’armée est engagée dans une guerre prolongée sur plusieurs fronts, tout en étant confrontée à un environnement politique qui entrave ses efforts pour augmenter ses effectifs en recrutant au sein des communautés ultra-orthodoxes
Actuellement, Tsahal manque de 20 % de ses forces de combat, un chiffre qui devrait encore augmenter de 5 % au cours des prochaines années. En d’autres termes, l’armée mobilise des combattants partout où elle le peut, y compris en rappelant des dizaines de milliers de réservistes qui avaient été renvoyés en raison de leur âge. Mais cela ne suffit pas.
En effet, l’armée est engagée dans une guerre prolongée sur plusieurs fronts, qui épuise ses forces de combat régulières et ses réservistes, tout en étant confrontée à un environnement politique qui entrave les efforts visant à augmenter ses effectifs en recrutant au sein des communautés ultra-orthodoxes – ou Haredim.
Dans l’intervalle, Tsahal cherche à combler partiellement le fossé en prolongeant le service militaire obligatoire à 36 mois. Toutefois, cette mesure d’urgence est bloquée par le président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense, le député Yuli Edelstein, qui explique son hésitation par une question d’équité : il ne veut pas faire peser un fardeau plus lourd sur la population active sans aborder la loi sur la conscription des ultra-orthodoxes. Cela semble logique et juste, mais entre-temps, les rangs de Tsahal continuent de diminuer.
Au cours de l’année écoulée, Asor a rencontré à plusieurs reprises d’éminents rabbins de la communauté ultra-orthodoxe, ce qui semble l’avoir convaincu de préférer une approche douce et inclusive, en essayant d’augmenter le recrutement par le dialogue plutôt que par la coercition. Dans des forums fermés, il a déclaré : « Il faut du respect, ne pas faire irruption. Il ne faut pas les y forcer. La guerre a suscité un grand élan de solidarité au sein de cette communauté. »
Son successeur, le général de division Dado Bar Kalifa, est issu du camp nationaliste-religieux. Il sera intéressant de voir comment il abordera le fossé grandissant entre les sionistes religieux et les Juifs ultra-orthodoxes concernant le service militaire et l’étude de la Torah.
Des objectifs modestes
À partir de cette semaine, Tsahal émettra progressivement 7 000 ordres de conscription pour les Haredim âgés de 18 à 26 ans. Pourquoi 7 000 ? Parce que lors du cycle précédent, au cours duquel 3 000 ordres ont été émis, l’armée n’a pas atteint son objectif, puisque seuls 120 hommes ultra-orthodoxes se sont présentés à l’appel. L’espoir, bien que mince, est que l’augmentation du nombre d’ordres améliorera les taux d’enrôlement.
À LIRE : Mille ordres de recrutement militaires envoyés à de jeunes ultra-orthodoxes
Il convient de noter que la décision d’émettre 7 000 ordres de conscription a été prise par le ministre de la Défense sortant, Yoav Gallant, qui était considéré par les Haredim comme un interlocuteur hostile. Cela a alimenté les pressions exercées sur le Premier ministre Benjamin Netanyahu pour qu’il le remplace.
Il était clair qu’avec le résolu Gallant, Netanyahu aurait eu du mal à obtenir le soutien des ultra-orthodoxes pour le budget de l’État sans une loi sur la conscription qui réponde à leurs exigences. Et sans budget de l’État, la Knesset est automatiquement dissoute et de nouvelles élections législatives sont déclarées – autrement dit : la dernière chose que souhaite Netanyahu.
La décision de Gallant d’émettre ces 7 000 ordres de conscription a fait l’objet de vives critiques au sein de son propre parti, le Likud, mais elle n’a pas été annulée par son nouveau ministre de la Défense, Israel Katz. Ce dernier a laissé entendre qu’il n’annulerait pas la décision, mais qu’il pourrait l’édulcorer pour éviter de contrarier ses partenaires ultra-orthodoxes de coalition, le Shas d’Aryeh Deri et Yahadout HaTorah d’Yitzhak Goldknopf.
Comme dans un univers parallèle, Tsahal a récemment présenté au gouvernement les chiffres actualisés de ses effectifs pour le dernier conflit. La conclusion est claire : l’armée doit se développer, ce qui implique des augmentations budgétaires significatives. Pour l’instant, les discussions portent sur les principes plutôt que sur les chiffres, et le ministère des Finances n’a pas encore donné son avis.
Mais Tsahal n’a pas le choix : il lui faut poursuivre ses projets, quelle que soit la décision du gouvernement. La création d’une brigade ultra-orthodoxe a déjà commencé, indépendamment des chiffres qui seront dictés par les accords politiques dans les semaines à venir.
Sur le plan numérique, l’armée vise modestement l’enrôlement de 4 800 Haredim en 2025, la plupart d’entre eux pour des rôles de combat. Dans les années à venir, les forces terrestres de Tsahal auront besoin de 7 500 nouveaux soldats de combat par an, en plus de 2 500 membres du personnel de soutien au combat.
Au cours des prochaines années, les forces terrestres de Tsahal auront besoin de 7 500 nouveaux soldats de combat par an, en plus de 2 500 membres du personnel de soutien au combat
Cela se traduit par une augmentation de 10 000 soldats par an au cours des cinq prochaines années, simplement pour répondre aux normes et aux missions actuelles. Le bassin de recrutement actuel est épuisé, même en supposant que la prolongation du service de 36 mois soit finalement approuvée par la Knesset.
En fin de compte, ce sont les recrues ultra-orthodoxes qui devront combler ce manque. Sans elles, le jour approche où Tsahal devra annoncer une baisse de son niveau de préparation, non pas à cause des objecteurs de conscience, mais à cause des insoumis officiellement sanctionnés.
Traduit et édité à partir de l’original du site Zman Yisrael, la version en hébreu du Times of Israel.
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