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Les indications de la cinéaste nazie Leni Riefenstahl ont peut-être précipité la mort de Juifs polonais

Un nouveau documentaire montre l'engagement de la propagandiste envers le nazisme et met en doute sa méconnaissance des atrocités, qui a permis sa réhabilitation, après-guerre

La propagandiste nazie Leni Riefenstahl dans le jardin de sa maison à Kitzbühel, en Autriche, le 1er mai 1945. (Crédit : AP Photo/Jim Pringle)
La propagandiste nazie Leni Riefenstahl dans le jardin de sa maison à Kitzbühel, en Autriche, le 1er mai 1945. (Crédit : AP Photo/Jim Pringle)

Selon un nouveau documentaire, les indications données par la propagandiste nazie Leni Riefenstahl ont peut-être conduit à la mort de Juifs, notamment dans un massacre commis à Końskie, dans le centre-sud de la Pologne, au début de la Seconde Guerre mondiale.

Décédée en 2003 à l’âge de 101 ans, Riefenstahl a toujours nié avoir eu connaissance des atrocités nazies, ce qui lui a permis d’être réhabilitée en Allemagne dans la période d’après-guerre.

Mais ce mercredi, entre autres preuves de ses sympathies nazies de longue date, The Guardian a souligné que les créateurs du documentaire « Riefenstahl » avaient trouvé dans les archives de la cinéaste une lettre de 1952 détaillant son rôle dans le massacre de Końskie.

Dans cette lettre adressée à l’ex-mari de la réalisatrice – un major de l’aile paramilitaire nazie –, un officier subalterne évoque une information de source militaire sur ce massacre. Selon l’officier, « manifestement avant de filmer une scène sur le marché », Riefenstahl a demandé que l’on « retire les Juifs » du plateau. Sa demande ayant été ignorée, « cela s’est terminé par un : ‘Débarrassez-vous des Juifs !’

« En entendant ces mots, des Juifs polonais ont tenté de s’enfuir et des coups de feu ont retenti. »

Le documentaire, écrit et réalisé par Andres Veiel, est le tout premier adossé aux archives complètes – 700 cartons au total – de Riefenstahl – dont 30 heures d’entretiens enregistrés en public, certains avec d’anciens nazis –. Les historiens s’accordent à dire que ces derniers matériaux ont été fortement remaniés par la propagandiste elle-même.

Selon The Guardian, le documentaire explique de quelle manière Riefenstahl s’est gagné la sympathie du peuple allemand en participant à des talk-shows et en confiant « ne s’être toujours pas remise » de la découverte des crimes de son ami Hitler.

Lors d’une conversation téléphonique avec son compatriote nazi lui aussi réhabilité, le ministre de l’Architecture et de l’Armement d’Hitler, Albert Speer, on peut entendre Riefenstahl se plaindre : « Chaque fois que je passe à la télévision, on me dit que j’ai ma part de responsabilité dans ces atrocités et les camps de concentration. »

Leni Riefenstahl (2ème à gauche), photographe et cinéaste allemande connue pour sa collaboration artistique avec Adolf Hitler, est accueillie à Vienne, en Autriche, par le responsable nazi Arthur Seyss Inquart (2ème à droite) avant la projection d’Olympia, son documentaire sur les Jeux olympiques de 1936, le 1er mai 1938. (Crédit : AFP)

« Ne laissez pas ces porcs vous nuire », écrit un négationniste de la Shoah à Riefenstahl.

Toujours selon The Guardian, Riefenstahl dit regretter, dans une lettre, ses « idéaux perdus, assassinés », allusion on ne peut plus claire à la fin de l’ère nazie.

Lorsqu’un de ses interlocuteurs – non identifié – lui dit que « la moralité, la décence et la vertu » de l’époque nazie reviendraient un jour, Riefenstahl lui répond : « Oui, c’est le destin du peuple allemand. »

Dans son agenda, Riefenstahl aurait griffonné : « Votez NPD » – le Parti national-démocrate allemand qui a succédé au parti nazi.

C’est avec son film muet de 1932 « Das blaue Licht » (La lumière bleue) que Riefenstahl attire l’attention d’Hitler, qui se targuait d’être un artiste. Lors du congrès de Nuremberg, en 1934, Riefenstahl tourne « Le Triomphe de la volonté », l’un des films de propagande les plus aboutis de tous les temps, pour le tournage duquel Hitler lui avait donné toutes latitudes.

Deux ans plus tard, elle évoquait les Jeux olympiques de Munich, en 1936, dans le film « Olympia » – ode à l’esthétique corporelle nazie, dans laquelle elle utilise, pour la toute première fois, la méthode du travelling.

Leni Riefenstahl, photographe et cinéaste allemande connue pour sa collaboration artistique avec Adolf Hitler, prend des photos dans le stade olympique de Munich lors des Jeux olympiques de 1972, le 27 août 1972. (Crédit : AFP)

Le cinéaste Willy Zielke, qui a travaillé avec elle sur le prologue du film « Olympia », a été admis dans une unité psychiatrique après le tournage, avant d’être stérilisé en vertu de la loi nazie.

Veiel, le documentariste, explique au Guardian que Riefenstahl savait pertinemment ce qui allait arriver à Zielkemais qu’elle n’a rien fait pour l’empêcher.

Riefensthal a continué à tourner de la propagande nazie jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, comme par exemple le défilé de la victoire d’Hitler à Varsovie, peu après le massacre de Końskie. Après-guerre, elle a été détenue par les Alliés et soumise à la dénazification, mais la procédure a conclu qu’elle n’était qu’une « compagne de route » des nazis et non une criminelle de guerre elle-même.

Elle a vécu le reste de ses jours dans une villa au bord d’un lac à Pöcking, près de Munich, tout en continuant de travailler dans le milieu du cinéma. On l’a même chargée de prendre des photos lors des Jeux olympiques de Munich en 1972 – 36 ans après son hommage à l’athlétisme nazi – et a été l’invitée d’honneur des Jeux de Québec, quatre ans plus tard.

N’ayant jamais officiellement été membre du parti nazi, Riefenstahl a gagné une cinquantaine de procès en diffamation contre ceux qui l’accusaient d’avoir pris part aux crimes nazis.

Le documentaire « Riefenstahl » sera diffusé, en avant-première, à la Mostra de Venise, qui s’est ouverte ce mercredi et se terminera la semaine prochaine.

Ses auteurs ont déclaré au Guardian qu’ils « s’attendaient à des réactions négatives » compte tenu de la haute estime dans laquelle la propagandiste nazie est aujourd’hui encore tenue, dans le milieu du cinéma.

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