Les mères d’otages veulent retrouver leurs fils adultes
Les parents d'Alon Ohel, 22 ans et de Yotam Haim, 28 ans, évoquent leurs enfants, leurs rêves de musique et leurs derniers échanges
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »
Alon Ohel, 22 ans, passionné de piano qui ne résistait pas à l’envie de jouer quelques notes jouer sur tous les claviers qu’il croisait, a été enlevé par les terroristes du Hamas alors qu’il était réfugié dans un abri bondé situé dans un champ, le 7 octobre. Yotam Haim, 28 ans, batteur dans un groupe de heavy metal qui avait des rêves plein la tête, était seul dans la pièce blindée de son habitation, au kibboutz Kfar Aza, quand il a été pris en otage et emmené à Gaza, le même jour.
Tous les deux sont des victimes de l’attaque meurtrière lancée par le Hamas, le 7 octobre, dans les communautés frontalières de Gaza, dans le sud du pays, et à la rave-party Supernova – une attaque qui a fait 1200 morts du côté israélien, des civils en majorité, qui ont été massacrés. Ce jour-là, 240 personnes ont également été kidnappées et emmenées dans la bande.
Ces dernières semaines, 105 civils – presque exclusivement des femmes et des enfants – ont été libérés de captivité au cours d’une trêve d’une semaine qui s’est achevée le 1er décembre.
Il reste donc 138 personnes qui se trouvent encore aujourd’hui détenues à Gaza.
Leurs mères, Iris Haim et et Idit Ohel, ont trouvé du réconfort l’une auprès de l’autre depuis 60 jours – des jours de torture.
Elles veulent le retour de leur fils.
« Réfléchissez à ce que peut ressentir une mère quand son fils n’est pas à ses côtés. Son âge n’a aucune importance. Il a 28 ans, il est jeune, il a besoin de sa famille », s’exclame Haim lors d’une conférence de presse, mardi, ne retenant pas ses sanglots.
Haim évoque Yotam, son fils cadet qui rêve de devenir un musicien célèbre et qui a des problèmes de santé à la fois physiques et psychologiques.
Il devait jouer lors d’un festival de musique à Tel Aviv dans la soirée du 7 octobre – un concert prévu depuis des semaines, explique sa mère.
Le frère de Yotam, Tovel « Tuvi » Haim, est batteur, comme son frère – et il fait partie de l’équipe de musiciens de Netta Barzilai, qui a d’ailleurs chanté une prière pour le jeune captif.
A 6 heures 30 du matin, Yotam était en contact avec sa famille, via WhatsApp – il avait dit à ses parents avoir trouvé refuge dans sa pièce blindée. Il leur avait ensuite fait savoir que la situation empirait et que les terroristes – ils étaient environ 300, note Iris Haim, qui vit dans un moshav voisin — attaquaient Kfar Aza.
62 personnes avaient été tuées et 18 personnes avaient été enlevées dans le kibboutz.
« Au début, il était contrarié de ne pas pouvoir aller au festival – c’est ce qui l’énervait », dit-elle.
Iris Haim fait écouter un enregistrement qu’elle a conservé sur son téléphone de la conversation qu’elle a eue avec son fils, ce matin-là :
« Ce qui me dégoûte le plus, c’est qu’ils aient annulé le festival », dit le jeune adulte.
Yotam est resté dans sa pièce blindée tout au long de la matinée, jouant de la batterie pour rester calme. La situation a dégénéré ; les terroristes ont ouvert le feu sur la porte de la pièce où il s’était réfugié et ils ont mis le feu à la maison.
Sa mère lui a dit de sortir par la fenêtre – mais Yotam lui a répondu que c’était impossible dans la mesure où les terroristes l’attendaient à l’extérieur.
« Il m’a rappelé et il m’a dit : ‘Maman’ – il utilise le mot en français depuis un voyage en France, explique sa mère – ‘Je ne sais pas si je vais survivre, mais je t’aime’. »
Yotam ne pouvait plus respirer et ses parents se sentaient impuissants, parfaitement conscients que la route partant de leur moshav était à ce moment-là prise d’assaut par les terroristes, qu’il était inconcevable de l’emprunter.
Leur dernier échange a eu lieu à 10 heures 44 du matin.
« Même s’il a 28 ans, nous entretenons un lien très fort avec lui », déclare Haim. « Nous sommes en contact tous les jours, plusieurs fois par jour pour le soutenir. »
Les mères savent exactement à quelle heure elles se sont entretenus pour la dernière fois avec leurs enfants respectifs.
Le dernier message d’Alon Ohel a été envoyé à 8 heures 08 du matin. Sa mère sait dorénavant que ce texto lui est parvenu après que les terroristes ont embarqué son fils dans un pick-up blanc.
Alon, qui était allé à la rave-party où les hommes armés du Hamas ont commis un massacre, le festival de musique électronique Supernova, avait précédemment transmis un texto à sa famille informant cette dernière qu’il avait trouvé refuge dans un abri et qu’il allait « bien ».
Ses parents ont ensuite découvert qu’il s’y était entassé avec 29 autres personnes, notamment quatre de ses amis et que l’abri avait été attaqué à la grenade et au lance-roquette par les terroristes du Hamas.
La majorité des occupants de l’abri sont morts. Alon et trois autres ont été kidnappés par les hommes armés. Le téléphone d’Alon est tombé au sol.
Son dernier message n’est pas parti avant son enlèvement.
« Nous ne savons pas où il est, comment il va, avec qui il est, » explique Ohen en pleurant.
Ohel et sa famille ont tenu à rendre hommage à l’amour pour la musique de leur fils depuis qu’il est détenu en captivité – ils ont installé un piano jaune sur la Place des Otages, à Tel Aviv. Des musiciens célèbres ont pris le temps d’y prendre place, comme Rami Kleinstein mais aussi des inconnus, des enfants, des adolescents.
La lumière jaune qui éclaire le piano est comme un concentré d’énergie, une tente de lumière, dit Ohel – une référence à son nom de famille qui veut dire « tente » en hébreu.
« La manière dont nous nous battons, c’est en appelant à l’aide et en demandant à la communauté de penser à eux et de faire ce qui est bon », explique Ohel. « Quand les gens jouent du piano, on pense à Alon qui reviendra jouer pour eux, à son tour ».
Idit Haim, de son côté, souligne que son nom de famille signifie « vie » en hébreu.
« Je ne veux pas avoir peur, je veux vivre et je veux qu’ils vivent », explique-t-elle. « Ils seront toujours nos enfants et nous, en tant que mères, nous nous battrons toujours. Jamais nous n’arrêterons de nous battre pour ramener nos fils et nos filles, nos mères et nos pères chez nous ».