Les organisations politiques juives face à la victoire de Zohran Mamdani à New York
Les conséquences de la victoire du candidat anti-israélien restent incertaines, alors que les militants s'efforcent de garder le cap après sa victoire sur le pro-Israélien Andrew Cuomo

NEW YORK – Après la défaite de l’ancien gouverneur de New York, Andrew Cuomo, lors de la primaire du parti démocrate pour la mairie de New York, le vainqueur, le représentant de l’État Zohran Mamdani, a célébré sa victoire avec fracas dans le Queens. Durant la fête, il est monté sur scène. S’adressant à la foule, Mamdani a déclaré qu’il « serait le maire de tous, de tous les New-Yorkais », qu’ils aient voté pour lui ou non. Faisant allusion à sa position anti-Israël – qui alarme de nombreux Juifs -, il a indiqué qu’il « maintiendrait ses positions » sur les questions internationales tout en prenant en compte d’autres perspectives.
Après son éclatante victoire à la primaire, Mamdani est désormais le grand favori des élections générales prévues en novembre dans cette ville à majorité démocrate. Son passé d’activiste anti-israélien et son vœu de rester fidèle à ses convictions tout en représentant la ville ayant la plus importante population juive du monde ont contraint les organisateurs politiques juifs à tenter d’adapter leurs stratégies, dans un contexte marqué par la perspective d’un maire antisioniste affirmant que la cause palestinienne est au cœur de son identité.
Cuomo s’était appuyé sur le vote juif et sur sa position pro-Israël tout au long de sa campagne. Les sondages ont d’ailleurs montré qu’il était le candidat préféré des Juifs de la ville. Mamdani a bénéficié d’un certain soutien des Juifs, se plaçant aux rangs de 2e et 3e choix de candidat dans la communauté, mais ses prises de parole ont suscité la controverse à plusieurs reprises. Sa défense de l’expression « mondialiser l’intifada » – très probablement la plus polémique de ses prises de position – a été considérée par de nombreux Juifs comme une incitation à la violence. Ses déclarations sur cette expression sont intervenues après les violentes attaques ayant visé des Juifs à Boulder, Colorado et Washington, DC.
« Je pense que cette victoire signifie que l’antisémitisme est devenu banal et courant », a estimé Yaacov Behrman, fondateur de la Jewish Future Alliance, un groupe basé dans le quartier de Crown Heights, à Brooklyn, le fief du mouvement hassidique Habad-Loubavitch, à propos de la victoire de Mamdani.
Behrman a cité les déclarations de Mamdani sur l’intifada et son refus de reconnaître l’existence d’Israël en tant qu’État juif.
Si Mamdani a reconnu l’existence d’Israël, il refuse néanmoins de reconnaître son droit d’exister spécifiquement en tant qu’État juif.
« S’il continue sur ce chemin comme il l’a fait durant sa campagne et comme il le fait depuis sa jeunesse, les Juifs de New York seront attaqués, par sa faute. Nous le le tiendrons responsable », a ajouté Behrman.

À New York, la communauté juive est la plus ciblée par des crimes haineux. Mamdani a reconnu le problème de l’antisémitisme et présenté ses propres propositions pour lutter contre la discrimination anti-juive.
Selon Phylisa Wisdom, à la tête du groupe de défense libéral New York Jewish Agenda, la course à la mairie a démontré que « devoir suivre une certaine ligne israélienne n’est plus une obligation pour remporter le scrutin dans toute la ville ».
Les New-Yorkais favorables à Israël bénéficient depuis longtemps du soutien de leur maire, à leurs côtés chaque année lors du défilé pro-israélien de la ville. Le maire Eric Adams a à plusieurs reprises exprimé son soutien à Israël et aux Juifs en général, notamment depuis l’attaque d’octobre 2023 contre Israël et durant ces derniers mois, raffermissant sa base dans la communauté juive, malgré son impopularité générale.
Certains organisateurs attendent les élections de novembre. Même si Mamdani est donné grand favori, d’autres candidats ont également une chance. Adams a officiellement annoncé sa candidature jeudi aux côtés des responsables de la communauté juive. Cuomo peut également se présenter en tant qu’indépendant, mais ne s’est toutefois pas encore engagé dans la course. Cuomo et Adams, tous deux centristes et Mamdani, plus à gauche, partagent une base similaire. Quelque 13 % des électeurs de la ville sont juifs.

Adams a tissé des liens étroits avec les communautés juives de Brooklyn avant de devenir maire, lorsqu’il était sénateur de l’État et président de l’arrondissement.
« Le sujet de l’antisémitisme sera beaucoup abordé, et ils savent qu’Adams est quelqu’un avec qui ils ont une relation historiquement très forte », a souligné Wisdom.
La ville utilise un système de vote à choix classé dans les primaires, qui permet aux électeurs de sélectionner jusqu’à cinq candidats. Seules les données concernant les candidats « premier choix » des électeurs ont été rendues publiques. Le tableau électoral deviendra plus clair lorsque le reste des données sera publié, la semaine prochaine.
« Il est vraiment trop tôt pour dire ce que cela signifie. Nous devons considérer le système du vote à choix classé et appréhender la situation dans son ensemble », a déclaré Sara Forman, responsable du New York Solidarity Network, un groupe politique pro-israélien.
Des questions demeurent sur le rôle que les électeurs juifs joueront lors des futures élections et pour les futurs candidats, ainsi que sur la question de savoir si l’activisme pro-palestinien de Mamdani aura été un atout, un obstacle ou un non-facteur, y compris pour les Juifs. Mamdani s’est concentré sur la question de l’accessibilité dans la ville pendant sa campagne.
« Il y a une obsession autour de l’idée que, parce que nous sommes Juifs, nos priorités doivent forcément être Israël et l’antisémitisme. Cela ne signifie pas que ces questions n’ont pas d’importance pour les Juifs, bien sûr qu’elles en ont », a précisé Sophie Ellman-Golan, porte-parole des Juifs pour la Justice économique et raciale (JFREJ), un groupe de gauche qui a soutenu Mamdani. « Mais nous sommes aussi des New-Yorkais, et nous faisons face aux mêmes réalités que tous les autres habitants de la ville. »
Maury Litwack, qui a fondé le Jewish Voters Action Network, un groupe d’incitation au vote, a encouragé les membres de la communauté à s’inscrire davantage sur les listes électorales, à agir pour augmenter le taux de participation, à jeter des ponts entre les différentes factions de la communauté juive et à favoriser des coalitions avec d’autres groupes, comme les électeurs noirs, partisans de Cuomo.

« Ma communauté, ma famille et mes rabbins m’ont toujours enseigné que le peuple juif doit continuer à agir, à construire et à grandir. Et c’est encore plus important en politique », a écrit Litwack sur le réseau social X. Son groupe ne soutient aucun candidat.
Selon Behrman, la victoire de Mamdani « va automatiquement inciter davantage de gens à s’inscrire en tant que démocrates, parce qu’ils ont compris ce qui était en jeu ».
« Quiconque se présentera contre Mamdani aura le soutien de la communauté juive orthodoxe, j’en suis convaincu », a indiqué Behrman. D’après lui, la seule façon de battre Mamdani aux élections générales serait qu’il se retrouve face à un unique adversaire. L’élection pourrait en effet devenir une course à cinq, divisant les votes centristes et de droite et augmentant ainsi les chances de Mamdani.
Certains militants ont appelé Mamdani à apaiser les inquiétudes de la communauté juive.

« C’est à Mamdani de s’adapter, c’est à Mamdani d’arrêter de défendre des expressions qui incitent à la violence, c’est à Mamdani de montrer de l’empathie pour le peuple juif », a martelé Behrman.
Forman a encouragé Mamdani à s’engager à financer intégralement les programmes de subventions pour la sécurité des synagogues, à clarifier ses positions sur ce qui constitue un crime de haine antisémite, et à déclarer son opposition aux manifestations anti-israéliennes devant des synagogues et dans les quartiers juifs ainsi qu’à permettre à la police de maintenir l’ordre lors de ces rassemblements.
« Nous voulons simplement qu’il reconnaisse que les attaques dont il fait personnellement l’objet parce qu’il est musulman sont à ranger dans la même catégorie que des expressions comme ‘mondialiser l’intifada’ pour les Juifs », a-t-elle expliqué. « S’il s’excusait au lieu de réitérer ou d’éluder, nous pourrions passer à autre chose, mais c’est lui qui refuse de bouger. »
L’équipe de campagne de Mamdani n’a pas donné suite à notre demande de commentaire.
Au niveau national, les conséquences de cette course à la mairie sont encore peu claires. Les candidats centristes pro-Israéliens soutenus par des Juifs ont remporté d’autres courses contre une gauche critique d’Israël, notamment l’an dernier, lors de la primaire du parti démocrate dans le 16e district du Congrès de New York. Cette course opposait George Latimer, alors directeur du comté du Westchester, au titulaire Jamaal Bowman. Latimer avait largement gagné, avec le soutien des militants juifs.

On note des similitudes entre cette course et celle de la primaire de New York. Latimer et Cuomo, deux politiciens chevronnés et reconnus, avaient tous deux ouvertement soutenu Israël pendant leurs campagnes. La guerre à Gaza avait joué un rôle important dans les deux votes. Mamdani et Bowman, qui sont des alliés politiques de l’aile gauche du parti, ont tous deux créé la polémique en critiquant Israël pendant leurs campagnes.
Bowman s’était révélé être un candidat plus imparfait, ayant mené une campagne moins efficace que celle de Mamdani. La candidature de Cuomo bénéficiait de précédents, notamment parmi les Juifs. Les circonscriptions, dans les deux cas, sont également différentes. Le soutien de Mamdani s’est avéré plus fort parmi les jeunes progressistes blancs et éduqués dans des zones comme le quartier bourgeois de Williamsburg, alors que le district de Bowman, plus suburbain, abritait des communautés minoritaires à faible revenu.
« Ce qui séduit les Blancs de gauche et très instruits de Bushwick n’est pas nécessairement, je pense, quelque chose qui va fortement se traduire à l’échelle nationale pour les démocrates », a souligné Forman.
Au sein de la direction démocrate de New York, les réactions sont divisées après la victoire de Mamdani. Certains le félicitent et d’autres expriment leur inquiétude.
Par ailleurs, la victoire de Mamdani a dynamisé sa base juive, qui continuera à faire campagne pour lui jusqu’aux élections générales.
« Nous éprouvons un incroyable sentiment de fierté et d’espoir », a rapporté Ellman-Golan.
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