Les « otages d’Etat », arme iranienne pour « diviser » les Occidentaux – expert
"Doser les échanges de prisonniers, en leur donnant un caractère bilatéral" constitue "une tactique diplomatique éculée de la diplomatie iranienne", estime une spécialiste

Au-delà d’être une monnaie d’échange, les « otages d’Etat » sont aussi une arme employée par Téhéran pour « diviser » les Occidentaux, estime un spécialiste de l’Iran après les libérations récentes de détenues italienne et germano-iranienne, et alors que trois Français y sont détenus depuis plusieurs années.
Le dossier des « otages » illustre une « volonté » des autorités iraniennes de « diviser les Européens entre eux » tout en créant « une situation difficile avec les États-Unis », a déclaré à l’AFP Clément Therme, de l’université Paul-Valéry de Montpellier.
La Germano-iranienne Nahid Taghavi, arrêtée en octobre 2020 à Téhéran, a été libérée et rapatriée en Allemagne où elle a atterri dimanche, ont annoncé sa fille et Amnesty International lundi, quelques jours après la sortie de prison et le retour chez elle d’une journaliste italienne, Cecilia Sala, arrêtée le 29 décembre et relâchée le 8 janvier.
Le Français Olivier Grondeau a de son côté décidé de révéler lundi son identité, soulignant son « épuisement » après plus de deux années de détention. Deux autres Français, Cécile Kohler et Jacques Paris, sont également détenus depuis près de trois ans.
« Favoriser l’Italie contre la France » ou « doser les échanges de prisonniers, en leur donnant un caractère bilatéral » constitue « une tactique diplomatique éculée de la diplomatie iranienne », a estimé M. Therme, auteur en décembre d’une étude sur La diplomatie des otages de Téhéran publiée par l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Mais « chaque cas est particulier » et chaque libération de détenu occidental par Téhéran répond à des mécanismes spécifiques et à « une réflexion profonde sur les contreparties » attendues, ou obtenues, poursuit-il.

Condamnée à plus de dix ans de prison en août 2021 pour appartenance à un groupe illégal et pour propagande contre le régime, Nahid Taghavi, une militante des droits des femmes âgée de 70 ans, a été libérée après avoir vu sa santé « se détériorer considérablement » en prison, selon Amnesty international.
Français particulièrement « exposés »
« La ressortissante allemande, c’est lié à son âge, à sa santé déclinante, parce qu’un otage n’a de valeur que s’il est en bonne santé », commente Clément Therme, qui souligne également le contexte politique de cette libération, alors que l’Allemagne connaîtra des législatives en février et que le gouvernement actuel a entretenu des relations houleuses avec Téhéran.
Pour Cecilia Sala, rentrée la semaine dernière en Italie, il s’agit d’un « échange très clair », affirme l’expert français.
La journaliste de 29 ans avait été interpellée quelques jours après l’arrestation en Italie d’un Iranien, Mohammad Abedini, soupçonné par la justice américaine de transfert de technologies sensibles. Si Rome a nié tout échange de prisonniers, Téhéran a annoncé dimanche le rapatriement de M. Abedini.
Le statut de « grande puissance » de la France, seul Etat membre de l’UE à être doté de l’arme nucléaire et à être aussi membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, « expose » toutefois tout particulièrement les citoyens français » présents en Iran, à l’instar d’Olivier Grondeau, estime Clément Therme.
Le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot a d’ailleurs exhorté la semaine dernière les Français à ne pas se rendre en Iran.
Paris est en outre impliqué dans l’accord sur le nucléaire iranien. France, Allemagne et Royaume-Uni ont rencontré lundi Téhéran en Suisse à ce sujet.
M. Therme compare les destins de la globe-trotteuse italienne Alessia Piperno et du consultant français Louis Arnaud. Arrêtés tous deux en septembre 2022, accusés d’avoir participé au mouvement de contestation « Femme, vie, liberté », Mme Piperno a passé « 45 jours en prison », contre plus de deux ans pour M. Arnaud, constate-t-il.

Autorisation de la famille/AFP)
Le pouvoir iranien, qui souffre d’une « paranoïa sécuritaire », va souvent « créer un lien artificiel entre un trouble interne et un bouc émissaire étranger » et en profitera pour arrêter des « otages, qui n’ont pas violé de lois mais ont simplement une valeur d’échange », explique-t-il.
Alors que Donald Trump, connu pour ses positions hostiles à Téhéran est à quelques jours de reprendre le pouvoir aux Etats-Unis, il existe un fort « risque de dégradation des relations irano-occidentales », observe M. Therme, qui craint une « réponse » iranienne, soit l’arrestation de nouveaux étrangers sur son territoire.
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