Les passagers d’El Al bloqués à l’étranger peinent à trouver de l’aide pour rentrer
Des voyageurs bloqués à Londres dénoncent la gestion chaotique du transporteur national, des files interminables et la reprise des ventes avant le rapatriement des passagers vers Israël

Depuis deux jours, Ester Suissa, binationale britannique et israélienne, et son mari traînent leurs valises dans les terminaux de l’aéroport d’Heathrow, où ils patientent des heures dans l’espoir de monter à bord d’un vol de rapatriement pour Israël.
Suissa, 57 ans, et son mari font partie des dizaines de milliers de clients mécontents de la compagnie nationale El Al, dont les vols retour ont été annulés et qui se battent depuis plus d’une semaine pour rentrer chez eux.
Le couple, originaire d’Even Shmuel, dans le sud d’Israël, était arrivé à Londres pour la bar mitzvah du fils d’un ami, deux jours avant la fermeture de l’espace aérien israélien le 13 juin, en raison du conflit avec l’Iran. Leur vol retour initial, prévu le 16 juin avec El Al, a été annulé.
Mercredi dernier, les compagnies aériennes israéliennes, dont El Al, ont commencé à organiser des vols de rapatriement restreints pour permettre à la centaine de milliers d’Israéliens bloqués, principalement en Europe, de rentrer chez eux.
El Al avait demandé à ses clients dont les vols avaient été annulés de remplir un formulaire d’inscription, leur promettant une priorité d’embarquement selon leur date de vol initiale.
« J’ai passé des heures au téléphone toute la semaine, en essayant tous les canaux possibles, mais il nous a été impossible de joindre le service client d’El Al, que ce soit par WhatsApp ou par d’autres moyens. Nous ne savons toujours pas quand nous pourrons rentrer », a confié Suissa au Times of Israel.

« Cette incertitude est insupportable. Depuis deux jours, nous allons à l’aéroport d’Heathrow pour faire la queue, car nous avons entendu dire que des Israéliens munis de billets El Al annulés tentaient leur chance en se présentant directement, espérant qu’il resterait des places inoccupées », a-t-elle ajouté.
Suissa a déploré une expérience « humiliante et dégradante ».
« Nous faisions la queue dans des files où des groupes avec des enfants se bousculaient et criaient qu’ils n’avaient nulle part où loger – c’était une ambiance animale, très pénible, j’en ai pleuré », a-t-elle raconté. « El Al nous avait indiqué qu’il restait environ 50 places disponibles mardi et une vingtaine mercredi, mais aucune ne nous a été attribuée. »

Sara Haber, 34 ans, à la double nationalité israélienne et américaine de Jérusalem, a également vécu cette frustration. Avec son mari et leur bébé d’un an, elle faisait partie des quelque 50 Israéliens bloqués mercredi à l’aéroport d’Heathrow, espérant embarquer sur le vol de Tel Aviv du soir. La famille était venue rendre visite à la sœur de Sara à Londres, et leur vol retour El Al était prévu le 18 juin.
« Nous faisons tous la queue, c’est une pagaille totale. Après des heures d’attente, El Al nous annonce qu’il n’y a plus de place, mais d’autres passagers, qui n’avaient pas de date de vol initiale, ont soudain été appelés et ont embarqué – c’est un véritable zoo », s’est indignée Haber.
« Une femme pleurait parce qu’elle avait atteint le plafond de sa carte de crédit et n’avait plus de solution d’hébergement. Une autre perdait son sang-froid en expliquant qu’elle devait absolument rentrer, car son fils combattait à Gaza. »
« Il n’y a aucune logique : certains passagers dont les vols El Al ont été annulés le 17 juin sont rentrés, tandis que d’autres, dont les vols étaient prévus le 15 juin, attendent toujours », a-t-elle ajouté.
Haber, juriste dans une entreprise high-tech, a précisé que son mari et elle peinaient à travailler à distance depuis Londres et avaient dû poser des congés.
Israël a rouvert son espace aérien aux vols commerciaux mardi soir, après la levée des restrictions du Commandement du Front intérieur, alors qu’un cessez-le-feu avec l’Iran semblait se dessiner, mettant fin à douze jours de combats. La semaine précédente, les compagnies aériennes israéliennes avaient opéré des vols de rapatriement limités, visant à ramener entre 100 000 et 150 000 Israéliens bloqués à l’étranger et à permettre à ceux coincés en Israël de quitter le pays.

Après la reprise complète des opérations à l’aéroport international Ben Gurion de Tel Aviv, El Al avait annoncé l’augmentation de la fréquence de ses vols, notamment vers les grandes destinations où de nombreux Israéliens restaient coincés, accumulant des frais d’hébergement et des dépenses quotidiennes considérables.
« El Al avait promis plus de vols, mais il n’y a toujours qu’un seul vol quotidien depuis Londres », a déploré Suissa.
Mercredi, El Al a rouvert la vente de billets au public pour toutes ses destinations. Cette décision a provoqué une vague de colère, car la compagnie avait assuré, la veille, qu’elle ne proposerait pas de nouveaux billets avant d’avoir terminé de rapatrier les passagers bloqués.
« Je suis furieuse contre El Al, qui n’a pas donné la priorité à ses clients. Au contraire, la compagnie profite de la situation pour engranger des profits alors qu’elle affiche déjà des bénéfices importants », a dénoncé Haber. « J’ai payé le tarif premium d’El Al et ils nous traitent comme s’ils nous faisaient une faveur. »
« Ils ne nous mettent pas sur un vol parce qu’ils ont compris qu’ils pouvaient revendre les billets à un prix encore plus exorbitant que celui que nous avions payé », a-t-il ajouté.
Haber et Suissa ont tous deux souligné qu’ils avaient volontairement choisi El Al, malgré un prix plus élevé, plutôt que des compagnies low cost ou des vols charters, en pensant bénéficier d’un meilleur service et de plus de sécurité, leur donnant le sentiment d’être entre de bonnes mains.
Depuis le début de la guerre contre le groupe terroriste du Hamas le 7 octobre 2023, de nombreux Israéliens ont privilégié El Al, considérée comme un transporteur fiable ayant continué à desservir Tel Aviv pendant les périodes où les compagnies étrangères suspendaient leurs vols. Une demande excédentaire et une offre de vols limitée ont permis à El Al de pratiquer des tarifs exorbitants pendant la période de guerre.
« Honnêtement, je ne voyagerai plus jamais avec El Al. Je réserverai désormais mes vols auprès de compagnies étrangères », a conclu Haber.

En réponse à la vague de plaintes de clients déçus, El Al a annoncé jeudi la mise en place d’une cellule de crise spéciale chargée d’accélérer le retour des Israéliens. Une équipe d’environ 200 employés contactera de manière proactive les passagers bloqués à l’étranger pour leur attribuer des sièges sur les vols de rapatriement, assurant que le retour des Israéliens était leur priorité absolue.
« J’ai un fils qui retourne à Gaza la semaine prochaine, il est à la maison en ce moment, et une fille qui traverse une grossesse compliquée, et nous voulons juste être en Israël », a déclaré Suissa. « Nous voulons juste rentrer chez nous. »
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