Les plaintes des soldats en hausse dans le rapport de la médiatrice de Tsahal
Dans son rapport 2021, la responsable du ministère de la Défense avertit que les abus et les négligences des supérieurs peuvent saper la confiance et la motivation des militaires
Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.
La médiatrice de Tsahal a annoncé, mercredi, qu’il y avait eu une augmentation des plaintes pour violences présumées, pour négligences et pour incompétence des commandants à l’égard de leurs subordonnés au cours de l’année 2021.
Le rapport annuel de la médiatrice comprend des milliers de plaintes déposées par les recrues et par les soldats de carrière, avec notamment la mise en cause, cette année, d’un grand nombre d’officiers qui auraient émis leurs propres règles en matière de coronavirus, en contradiction avec la politique officielle mise en place par l’armée.
Le rapport a été présenté au ministre de la Défense Benny Gantz et à la puissante commission des Affaires étrangères et de la Défense, ainsi qu’à de hauts-responsables de la hiérarchie de Tsahal.
Ce document a été préparé par la générale (réserviste) Rachel Tevet-Wiesel, médiatrice au sein de l’armée, qui travaille sous l’autorité du ministère de la Défense. Nommée l’année dernière, elle est la première femme à occuper ce poste.
Au cours de l’année 2021, le bureau de la médiatrice a reçu 6 222 plaintes déposées par les troupes israéliennes ou par leurs parents – ce qui représente une augmentation de 9 % par rapport à l’année dernière. Le bureau de Tevet-Wiesel a réexaminé chaque cas, concluant que la majorité d’entre eux – soit 55 % – étaient légitimes. Les autres ont été rejetés, considérés comme mensongers ou insignifiants.
C’est parmi les soldats conscrits que le nombre de plaintes a le plus augmenté : de 17 % par rapport à 2020. La majorité des plaintes (53 %) concernent un traitement inapproprié présumé des subordonnés de la part de leur commandant.
Ce rapport est rédigé chaque année et se base sur les plaintes écrites par les soldats, les entretiens et les réexamens des rapports militaires internes et il vise à identifier les tendances inquiétantes ou positives qui s’affirment au sein de l’armée.
Comme c’est le cas tous les ans, les plaintes recensent aussi des cas de violences physiques ou verbales, des cas de soldats qui ne bénéficient pas de soins médicaux inappropriés, les insuffisances bureaucratiques ou la médiocrité des conditions de vie. Ces deux dernières années, une section du rapport a été spécifiquement consacrée à la réponse apportée par les militaires à l’épidémie de COVID-19.
Mais contrairement au rapport de 2020 où toutes les plaintes liées au coronavirus dénonçaient « de la confusion et des instructions vagues », une tendance « extrêmement perturbante » a été signalée cette année – celle d’officiers ayant sciemment enfreint les directives émises dans le cadre de la pandémie par l’Administration des opérations de Tsahal, a indiqué Tevet-Wiesel.
« Cette conduite de la part d’officiers et notamment de commandants qui ont clairement contrevenu aux ordres est grave et elle mine les fondations sur lesquelles l’armée a été construite. Il s’agit d’un exemple personnel problématique qui est donné aux soldats avec pour conséquence des dégâts significatifs dans la confiance portée par le public », a noté Tevet-Wiesel dans le rapport.
Dans un cas qui est évoqué dans le rapport, des soldats non-vaccinés de l’armée de la marine ont reçu l’ordre de se mettre en quarantaine pendant cinq jours après un congé, lors de leur retour à la base, alors que l’Administration des opérations n’a jamais émis une telle règle. Au moment des faits, il était complètement interdit aux soldats non-vaccinés d’entrer sur les bases militaires – à l’exception de ceux qui servaient sur ces bases de manière permanente.
Le rapport évoque aussi des soldats transférés à d’autres postes ou refusés à des fonctions parce qu’ils n’étaient pas vaccinés, ou des militaires subissant des pressions pour se faire immuniser – en violation directe des directives de Tsahal à ce moment-là.
Le rapport de cette année comprend également de nombreuses conclusions qui étaient déjà apparues dans ceux des années précédentes : des commandants échouant – en toute connaissance de cause ou non – à fournir aux soldats les services requis par les protocoles militaires ; des commandants s’adressant de manière non-professionnelle ou blessante à leurs subordonnés, parfois en public ; des personnels médicaux dans l’incapacité de répondre aux besoins des soldats placés sous leur garde et une mauvaise gestion au niveau de la bureaucratie plus généralement.
Tevet-Wiesel note dans son rapport des cas « de commandants mettant en danger la vie des soldats » – des évènements qui se sont finalement terminés sans conséquence regrettable mais qui « ont entraîné chez les soldats un sentiment de méfiance et d’insécurité face à leurs supérieurs ».
La médiatrice a averti que ces incidents « nuisent aux valeurs qui sont les plus au cœur de l’armée israélienne, ainsi qu’à la confiance placée dans les commandants et à la motivation des soldats ».
Sur un note plus positive, Tevet-Wiesel s’est réjouit, dans le document, de constater qu’environ 80 % de ses recommandations aux instances militaires concernées ont été suivies en plus de 170 autres recommandations des années précédentes dont la mise en œuvre avait été retardée.
S’exprimant devant les journalistes, Gantz a indiqué « attendre des commandants qu’ils examinent soigneusement ce rapport et qu’ils en tirent les leçons », en particulier en ce qui concerne les relations entre les commandants et leurs subordonnés.
« Le commandement doit être juste et équitable ; leur autorité leur a été accordée par l’armée… Et il ne doivent pas épuiser cette autorité en en abusant mais ils doivent faire preuve d’équité à l’égard de leurs soldats », a-t-il continué.
« Nous tirerons du rapport toutes les leçons qui sont à tirer et nous tenterons de continuer à nous améliorer », a poursuivi Gantz.
L’armée, de son côté, a répondu au document, déclarant qu’elle remerciait la médiatrice pour le rapport et que ce dernier aiderait l’armée à s’améliorer sur les questions mises en exergue.
« Tous ces incidents sont examinés, ils sont pris en charge et des leçons à la fois personnelles et systémiques en sont tirées, des leçons qui seront bientôt appliquées sur le terrain », a continué l’armée dans un communiqué.