Les proches d’otages gagnent de l’influence alors que la guerre refaçonne le paysage électoral
Des personnalités actives du mouvement en faveur de la libération des otages s'imposent comme des candidats potentiels à la Knesset et les partis de gauche semblent être un foyer naturel pour ces parents des captifs issus majoritairement des kibboutzim
Quand les instituts de sondage avaient demandé aux Israéliens, au mois de janvier, de nommer les personnalités qu’ils aimeraient voir entrer en politique, les noms des proches des otages détenus par le Hamas à Gaza avaient figuré parmi ceux qui avaient été le plus souvent cités.
Cette enquête d’opinion qui n’avait pas été rendue publique – c’est l’agence de presse Reuters qui a signalé son existence – montre la manière dont la campagne menée par les familles des captifs, qui se battent en faveur de la conclusion d’un accord qui permettrait à leurs proches d’être libérés, a résonné auprès des Israéliens qui aimeraient assister à des changements sur la scène politique, à un moment où la popularité du Premier ministre Benjamin Netanyahu est au plus bas.
Des résultats qui entrent dans le cadre d’une transformation plus large du paysage politique israélien, une transformation qui a été précipitée par le massacre commis le 7 octobre par le Hamas – et qui devrait probablement encore accélérer lorsque la phase la plus intense des combats à Gaza sera terminée et que des comptes seront demandés concernant les échecs et autres manquements qui ont permis à ce Shabbat noir de toucher la nation en son cœur.
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« Le mouvement de protestation pour les otages est un moment charnière en ce qui concerne l’émergence d’autres types de manifestations contre le gouvernement », commente Nimrod Nir, chercheur en psychologie politique au sein du Truman Research Institute de l’Université hébraïque à Jérusalem, qui avait réalisé ce sondage.
Parmi les noms cités par les Israéliens interrogés, celui de Gil Dickmann, un cousin de l’otage Carmel Gat et une figure active du Forum des familles d’otages et de portés-disparus.
Le nom de Jonathan Shamriz a été évoqué. Son frère, Alon, était l’un des trois otages qui ont été accidentellement abattus par les forces israéliennes à Gaza, le 15 décembre – et qui est devenu un critique fervent du gouvernement.
« Je ferai ce que j’ai à faire pour résoudre tout ce qui va mal dans ce pays. Et si cela implique d’entrer au politique, alors il faudra que j’y réfléchisse », a-t-il dit à l’agence Reuters.
Certaines personnes interrogées n’ont pas cité précisément des noms mais elles ont évoqué « les familles d’otages », ce qui reflète l’impact du Forum lui-même et celui de la campagne « Bring Them Home Now » sur la société israélienne.
La guerre avait été déclenchée par l’assaut sans précédent commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre – des milliers d’hommes armés avaient franchi la frontière séparant Israël de la bande de Gaza et ils avaient tué 1 200 personnes, des civils en majorité, commettant des atrocités et se livrant à des violences sexuelles à grande échelle. Ils avaient aussi enlevé 253 personnes qui avaient été prises en otage au sein de l’enclave côtière.
Jurant d’éliminer le Hamas, Israël a lancé une offensive militaire massive qui a fait au moins 27 365 morts du côté Palestiniens à Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire qui est placé sous le contrôle du Hamas. Un chiffre qui est invérifiable et qui comprendrait civils et membres du Hamas ayant trouvé la mort dans la bande, notamment suite aux tirs de roquette errants des factions terroristes de l’enclave côtière. De son côté, l’armée israélienne affirme avoir tué environ 10 000 terroristes dans la bataille. L’État juif déclare avoir aussi abattu environ un millier d’hommes armés sur le sol israélien, le 7 octobre.
Le clivage gauche-droite
Le Forum et la plus grande partie des proches des otages ont tenté, de manière individuelle, d’éviter la politique partisane ou la confrontation directe avec le gouvernement de coalition de droite au moment où la vie de leurs êtres chers pèse dans la balance.
« Notre combat, aujourd’hui, n’est pas un combat politique », déclare Elad Or, dont le frère, Dror, se trouve actuellement dans les geôles du Hamas. L’épouse de Dror, Yonat, a été tuée. Les deux enfants du couple, des adolescents, avaient été pris en otage et ils ont été libérés le 25 novembre, à l’occasion d’une trêve qui avait duré une semaine.
Pour sa part, tentant de faire preuve à l’égard des familles des otages – qui jouissent d’une grande sympathie auprès du public – la même retenue qu’elles affichent à son encontre, Netanyahu s’est abstenu de les critiquer trop ouvertement malgré la frustration qui ne cesse de s’accroître entre les deux parties.
Les manifestations des proches des captifs et de leurs soutiens, des rassemblements qui ont été organisés devant son domicile, ont agacé Netanyahu. Lors d’une conférence de presse, le 27 janvier, il a ainsi déclaré que « de telles actions ne font que renforcer les demandes du Hamas ».
Pendant la trêve d’une semaine qui avait eu lieu à la fin du mois de novembre, le Hamas avait relâché 105 otages israéliens et étrangers et Israël, de son côté, avait libéré 250 prisonniers palestiniens incarcérés au sein de l’État juif pour atteinte à la sécurité nationale.
Depuis, la question du prix à payer par Israël pour le rapatriement des otages encore retenus en captivité et celle de l’équilibre nécessaire à trouver avec l’autre objectif de guerre poursuivi par Jérusalem – celui de détruire le Hamas – sont devenues de plus en plus clivantes.
Des négociations entre Israël et le Hamas sur un accord de cessez-le-feu qui permettrait aux otages de retrouver la liberté, des pourparlers qui se déroulent par le biais du Qatar et de l’Égypte et avec le soutien des États-Unis, sont encore en cours mais leur issue est incertaine.
Netanyahu, qui fait face à des fissures au sein de sa coalition au sujet des éventuelles dispositions d’un tel accord, a indiqué dimanche qu’Israël n’était pas prêt à accepter « n’importe quel prix ».
Des sondages réalisés par le Truman Institute et par l’Institut israélien de la démocratie (IDI) montrent des divergences claires entre la gauche et la droite sur cette problématique.
A gauche, le soutien apporté à un accord conclu avec le Hamas qui impliquerait des concessions telles qu’un cessez-le-feu ou une libération de prisonniers en échange des otages est beaucoup plus élevé alors qu’à droite, l’opposition à une telle perspective et le soutien à une continuation de la guerre sont bien plus forts.
Tamar Hermann, experte en sciences politiques au sein de l’IDI, déclare que la solidarité avec les familles des otages se confond avec l’opposition au gouvernement israélien, une opposition qui est partiellement ancrée dans le mouvement de protestation qui avait été entraîné avant la guerre par le plan de refonte radicale du système judiciaire israélien qui était avancé par Netanyahu.
Le facteur kibboutz
Une large proportion des captifs, à Gaza, proviennent des kibboutzim, des communautés qui entretiennent des liens historiques profonds avec la gauche politique. Les partis de gauche – nouveaux et préexistants – pourraient être le foyer naturel de ces proches d’otages ayant pris la décision d’entrer en politique.
Alors qu’il lui est demandé si son parti serait tenté d’accueillir l’un de ces proches d’otages, Tomer Reznik, secrétaire-général du parti du Meretz de gauche, indique que ce dernier est en train de se réorganiser en vue des prochaines élections et qu’une partie de cette réorganisation implique de trouver de nouvelles candidatures « pertinentes dans le contexte de la situation actuelle ».
A l’inverse, les familles des otages sont considérées par certains membres de la droite politique comme des opposantes – en particulier du côté de l’extrême-droite ultranationaliste, qui a de l’influence sur Netanyahu dans la mesure où elle fait partie de sa coalition fragile. Deux ministres d’extrême-droite, Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir, se sont catégoriquement opposés à la perspective d’un accord et ils ont le pouvoir de renverser le gouvernement à n’importe quel moment.
Certains partisans de la droite dure de Netanyahu, dans la sphère politique et dans les médias, dépeignent les familles d’otage comme des gauchistes profitant de la sympathie qui leur est portée par les Israéliens pour faire avancer leur agenda anti-gouvernemental, explique Gideon Rahat, chercheur en sciences politiques au sein de l’Université Hébraïque.
Un tactique utilisée, dit-il, est d’amplifier les voix d’un petit nombre de proches d’otages d’extrême-droite qui s’opposent à tout accord avec le Hamas – comme c’est le cas d’Eliyahu Libman, un résident d’implantation originaire de Kiryat Arba, en Cisjordanie, dont le fils Elyakim est actuellement retenu en captivité.
Libman a affirmé qu’Israël devait détruire le Hamas, quel que soit le prix à payer, de manière à ce que plus jamais un Israélien puisse être victime du groupe terroriste à l’avenir.
« Mon fils est ce qui est le plus important pour moi mais l’État d’Israël est aussi ce qui est le plus important pour moi », a-t-il déclaré devant les caméras de la Treizième chaîne.
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